Chronique

Divulgâcher est-il un crime ?

La sérieuse chaîne France Inter a récemment consacré un débat d’une heure à un sujet qui enflamme et enrage les téléphages partout sur la planète : le «  spoil  » est-il un crime ?

Un «  spoil  », en France, c’est l’équivalent de notre joli mot-valise divulgâcheur, qui a même été greffé à l’édition 2020 du Petit Larousse illustré.

Dans le fond, Jon Snow couchait avec sa (lien de parenté effacé), non ? As-tu pleuré ta vie à la fin de Stranger Things 3 quand (détail crucial retiré). Voici deux beaux exemples de divulgâcheurs au potentiel ultra choquant.

Tous les jours, malgré les nombreuses alertes qui tapissent mes chroniques, je reçois des messages haineux du genre : «  merci pour les spoilers, gros cave  » ou «  bravo champion, tu as scrappé mon plaisir  ».

C’est un sujet hyper sensible auprès des lecteurs, qui s’imaginent que le divulgâcheur a été téléguidé vers eux dans l’unique but de cochonner leur écoute. Je comprends parfaitement et redouble de prudence pour protéger les précieux punchs d’une télésérie.

À l’écrit, c’est assez facile d’éviter qu’une information non sollicitée bousille notre série préférée. Les articles renferment toujours des avertissements précisant que leur contenu risque de dévoiler des secrets aussi cruciaux que ceux de Fatima. Alors, on fuit toutes ces publications telle une servante écarlate à la frontière du Canada. Que le seigneur leur ouvre les portes du pays, ça presse.

À l’oral, c’est plus dangereux, car l’intention derrière le divulgâcheur n’est pas nécessairement malicieuse. En tant que téléspectateur (trop) enthousiaste, je m’emballe constamment dans des soupers d’amis à propos d’Euphoria ou de Tchernobyl. Voyons, tu n’es pas encore rendu à l’épisode où le réacteur nucléaire explose ? OK, c’est une blague. Mais vous comprenez le principe.

Deux verres de bulles et hop, le couvercle du divulgâcheur perd toute son étanchéité. Désolé pour toutes ces envolées qui en ont trop révélé.

Avec les Netflix, Crave, Extra de Tou.tv et Club illico, plus personne ne consomme ses émissions au même rythme. Certains fans relax amorcent présentement le visionnement de la première saison de La servante écarlate, tandis que d’autres, plus pressés, se ruent sur les derniers épisodes du troisième volet au moment de leur mise en ligne. Il ne faut pas inviter ces deux groupes au même party. Surtout si a) je suis là et b) si on y sert du champagne. Désastre assuré.

La peur de subir des divulgâcheurs nous force malheureusement à bouffer des séries à haute vitesse. Vite, plus vite ! Comme s’il s’agissait d’une course pour récompenser le premier à franchir le fil d’arrivée. Moins de huit heures après son dépôt sur Netflix, dans la nuit du 4 juillet dernier, des petits comiques s’amusaient à répandre le dénouement de Stranger Things 3, ce qui est carrément stupide.

À la question qui coiffe cette rubrique, je répondrais que le divulgâcheur est un crime (pardonnable, quand même) quand la personne s’y adonne par pure méchanceté ou vilenie. On en connaît tous, des gens comme ça, qui ont vu Nirvana aux Foufounes électriques en 1991 avant que le grunge n’explose. Ils se vantent constamment de prédire les vagues, plutôt que de surfer dessus, ce qui leur procure un gros sentiment de supériorité. C’est lourd.

Un bon truc pour se prémunir contre les divulgâcheurs ? S’autoresponsabiliser. Oui, oui. Ça ne coûte rien et c’est super pratique. Quand vous discutez de Game of Thrones avec un collègue, demandez-lui où il est rendu dans l’histoire avant de commenter la mort brutale de (identité cachée). Pas plus compliqué que ça.

Aussi, n’épluchez pas Twitter le soir d’une finale de saison de District 31 si vous ne pouvez pas regarder l’épisode en direct.

Il est bon, parfois, de répéter les consignes de base.

Révolution chinoise ?

La rumeur gronde dans les corridors de TVA à propos de l’émission Révolution, dont les droits d’adaptation sont sur le point d’être vendus à une importante boîte chinoise, me dit-on. Ne l’oublions pas : la compétition de danse de TVA, et ses spectaculaires prises de vue circulaires, découle d’un concept imaginé par des gens de la boîte Fair-Play (Les enfants de la télé).

La signature imminente d’une entente avec la Chine permettrait à des créateurs québécois de briller à l’étranger, ce qui est toujours réjouissant en cette période où les réseaux d’ici ont plus tendance à importer des formats étrangers qu’à en exporter.

Si vous suivez l’émission américaine So You Think You Can Dance, vous avez probablement remarqué qu’elle a « emprunté » et « intégré » les « moments Révolution » dans ses épisodes. Comme quoi, les bonnes idées, ça voyage. Mais c’est toujours mieux quand la paternité leur est dûment attribuée.

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