ENJEUX

Pourquoi initier les enfants à la consommation massive ?

À une époque où tout va trop vite, un cadeau en temps est tout indiqué et sa valeur n'a pas de prix

Noël s’en vient… avec son habituel casse-tête : les cadeaux. Nous sommes nombreux à dépenser une petite fortune pour faire plaisir à Pierre-Jean-Jacques.

Quand nos finances vont bien, que les dollars semblent graviter autour de nous dans l’abondance, le dilemme est moins grand, mais quand on est dans une période où l’on doit se serrer la ceinture, on aurait parfois bien le goût de disparaître pendant deux semaines pour sauter par-dessus l’obligation du temps des Fêtes. Ce n’est pas qu’on ne désire pas voir famille et amis, mais le fardeau financier jette une ombre douloureuse sur ce qui devrait pourtant constituer des moments privilégiés avec les gens qu’on aime.

Dites-moi, comment vous sentez-vous quand vous dépensez tout cet argent ? Êtes-vous véritablement heureux de débourser des centaines, voire des milliers de dollars ? Vous sentez-vous obligés de le faire ? Ressentez-vous une certaine angoisse en vous demandant si le cadeau va vraiment plaire ou si vous gaspillez votre argent ? Sentez-vous le stress monter en calculant mentalement combien de mois il vous faudra pour payer votre carte de crédit ? Finissez-vous par acheter à peu près n’importe quoi, quitte à payer un prix ridicule pour un bidule que vous n’auriez jamais acheté en d’autres temps, simplement parce que votre budget indique que pour cette personne, vous « devez » dépenser 50, 60 ou même 100 $ ?

Et quand vous recevez des cadeaux, comment vous sentez-vous ? Vous arrive-t-il de penser des trucs comme : J’aurais préféré avoir de l’argent pour me procurer ce que je veux vraiment ? Ouf ! Que c’est laid ! Je dois faire semblant d’apprécier pour ne pas décevoir… Quel gaspillage ! Cette obligation sociale devient ridicule : qu’est-ce que je vais faire avec ça ? !

Est-ce qu’il vous est déjà passé par la tête, en magasinant avec votre énorme budget de Noël, de penser à tout ce que vous pourriez vous procurer d’utile ou d’agréable avec cet argent si vous ne vous sentiez pas obligés d’acheter tous ces gugusses pour les autres ? Quel est le sens véritable de cette drôle de coutume qui s’est transformée en fête commerciale ?

En fait, il n’y a rien de mal à offrir un cadeau : cela peut faire plaisir autant à ceux qui donnent qu’à ceux qui reçoivent, mais restons logiques. Quel avantage y a-t-il à s’endetter pour gâter les autres ? Nous pouvons gâter nos êtres chers, mais faisons-le à la hauteur de nos moyens.

Par ailleurs, nous viendrait-il en tête de déposer devant un enfant en une même fois 52 plats pour le nourrir ? De la lasagne, du poulet, des gâteaux, des pommes de terre en purée, du riz, des ananas, des boulettes, un pain de viande, des biscuits, des raisins ? Cela semble absolument ridicule ; il ne pourra rien apprécier. Ce serait complètement écrasant. Pourquoi, alors, croit-on logique d’offrir à nos petits une cinquantaine de paquets à déballer à Noël ?

Comment l’enfant peut-il apprécier tous ces cadeaux ? Il y en a trop !

Quand on y songe un peu, c’est un moyen drôlement efficace d’initier l’enfant à la consommation massive en le rendant accro au « high » bien éphémère de la gratification immédiate. J’aime offrir un cadeau, mais je crois que la modération a bien meilleur goût.

Enfin, même si la cérémonie des cadeaux de Noël n’est pas près de s’éteindre, voici un conseil pour nos tout-petits. À une époque où tout va trop vite et n’est que consommation rapide, un cadeau en temps est tout indiqué. Sa valeur n’a pas de prix. Passez une journée avec vos enfants en faisant une activité qui leur fait plaisir. Ça peut être aussi banal que leur offrir d’abord un livre de recettes, puis choisir une journée où vous les emmenez dans un quartier spécialisé pour acheter les ingrédients avant de retourner à la maison pour préparer la recette ensemble, souper à la chandelle et prendre le temps de se parler, de s’écouter, de connecter.

Ah ! La connexion humaine, le plus précieux des cadeaux qu’aucun magasin ne peut encore vendre : l’ultime pouvoir du consommateur !

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