Fiers partisans de l’Impact

Une passion qui vient de loin

Nicolas Royer rit haut et fort quand il entend que le stade Saputo est trop loin du centre-ville de Montréal. Pour lui, le trajet vers le domicile de l’Impact ne se résume pas à un court trajet en métro ou à un petit déplacement en voiture, mais en un périple de plus de 800 km aller-retour.

Près de 20 fois par saison, le voyage entre Rivière-du-Loup et l’est de Montréal prend des allures d’expédition où la logistique doit être bien huilée. En fonction de l’heure des matchs et de ses compagnons de route, il programme des arrêts chez sa copine, à Québec, ou chez sa mère, à Saint-Bruno.

« Pour la Ligue des champions, je faisais l’aller-retour avec mon fiston de 13 ans qui ratait l’école pour cet événement, précise-t-il. On partait vers 13 h, on soupait vers 17 h 30, je prenais quelques bières, puis on se rendait au Stade olympique pour le match. Après, on rentrait immédiatement à Rivière-du-Loup où l’on se couchait vers 2 h 30. Le lendemain, c’était le boulot et l’école. »

M. Royer, qui a gonflé son forfait en abonnements de saison, en 2016, est loin d’être le seul partisan à avaler les kilomètres pour voir le bleu-blanc-noir à l’œuvre. La Presse a notamment reçu d’autres témoignages provenant de Québec, du Bas-Saint-Laurent, de la Mauricie, d’Outaouais et même de l’Ontario. Chez l’Impact, on estime qu’entre 15 et 20 % des partisans proviennent de l’extérieur de la grande région de Montréal.

« Ça vient de partout sur le territoire, confirme le vice-président exécutif, Opérations soccer, Richard Legendre. C’est un objectif de continuer à augmenter ça. »

« On a toujours prétendu que c’est l’Impact de Montréal, mais on a l’exclusivité sur l’ensemble du Québec. On prend quand même quelques moyens pour rejoindre cette base, même si je ne prétends pas qu’on fait une publicité sur l’ensemble du territoire. »

— Richard Legendre, vice-président exécutif de l’Impact

On peut évidemment comprendre que, dans un marché archi-dominé par le Canadien de Montréal, l’Impact cherche avant tout à se concentrer sur sa principale base de partisans. À défaut de pouvoir acheter de la publicité dans différents médias régionaux, le club a mis au point d’autres stratégies pour atteindre un public plus lointain.

« Notre équipe de ventes contacte les équipes de soccer partout au Québec en offrant de bons rabais. Souvent, ce sont des groupes qui varient entre 100 et 400 personnes, un match sur trois, estime Legendre. L’autre moyen de promotion sur l’ensemble du territoire se fait à travers les camps et les cliniques de nos écoles de soccer.

« Au cours des trois dernières années, elles sont allées dans une dizaine de villes, Rimouski, Alma, Rouyn-Noranda, Baie-Comeau, Québec… Souvent, c’est une occasion pour les enfants de se procurer des billets. On parvient donc à se faire connaître auprès d’une très jeune clientèle. »

UNE SECTION À QUÉBEC

Pas besoin d’habiter tout près de Montréal pour lancer des initiatives visant à réunir les partisans de l’Impact.

En 2012, Jean-Philippe Blais et cinq autres compagnons se sont retrouvés dans un pub de Québec pour regarder le premier match montréalais dans la MLS. La Section Ludovica est ainsi née. « L’objectif initial était de regrouper les fervents de l’Impact à Québec et ainsi faciliter la coordination au niveau transport vers Montréal », explique-t-il.

« Bien que nous ne soyons pas nombreux à aller à tous les matchs, nous encourageons tout le monde à participer activement, en section 132, avec les autres groupes actifs. Nous sommes peut-être une dizaine de réguliers et beaucoup d’occasionnels. »

Comment maintenant faire en sorte que l’Impact gagne encore davantage en notoriété aux quatre coins du Québec et que d’autres groupes se créent ? Au-delà des campagnes de promotion, le professeur titulaire et expert en marketing du sport à l’ESG UQAM André Richelieu décrit trois axes pour développer le lien affectif : la victoire, les vedettes et la proximité avec le public. Si l’époque et le portrait sont différents, c’est de cette façon que les Expos ont captivé le Québec.

« Avant tout, l’équipe était extrêmement compétitive et elle était autant, sinon davantage populaire que le Canadien qui connaissait quelques défaillances. Il y avait un sentiment d’appartenance qui s’est développé directement à l’endroit du club ou indirectement via les courroies de transmission que sont les joueurs vedettes. Si on s’identifie à Gary Carter, on va s’intéresser aux Expos par ricochet. C’est sans doute la raison pour laquelle l’Impact est allé chercher Didier Drogba. C’est très bien, mais la stratégie marketing sur le long terme ne peut pas se réduire à lui », dit-il en ajoutant que l’Impact gagnerait en insistant sur la riche histoire du soccer à Montréal.

« Le produit était important, mais les joueurs [des Expos] étaient aussi très près de la communauté. Ils avaient même fait un effort d’apprendre quelques phrases en français. »

— André Richelieu, professeur titulaire et expert en marketing du sport à l’ESG UQAM

On ne peut pas reprocher à l’Impact de créer une barrière entre son effectif et ses membres. Au cours de la saison, plusieurs événements, dont la tournée Célébration dans les proches banlieues, permettent aux partisans de rencontrer les joueurs montréalais. Peut-on maintenant imaginer que, malgré le calendrier chargé, quelques joueurs sillonnent davantage le Québec ?

« Ça peut être quelque chose d’intéressant avec cette notion de l’Impact qui se déplace en région. C’est quelque chose qui a été considéré, mais la saison est très longue et les gars ont peu de temps de repos. […] Est-ce qu’on serait capables de faire quelque chose dans une région plus éloignée en dehors de la saison ? s’interroge Legendre. Ce serait plus avec des joueurs québécois. »

En attendant de voir, peut-être un jour, Nacho Piatti à Gatineau ou Laurent Ciman à Baie-Comeau…

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