Opinion  Jean-Pierre Aubry

Un gouvernement plus petit et plus efficace ? 

Réflexions autour de la notion de gains d’efficacité au sein du gouvernement

Dans un texte publié par La Presse+ le 8 octobre dernier, Germain Belzile, chercheur associé senior de l’Institut économique de Montréal (IEDM), affirmait qu’un État plus petit et plus efficace est une condition pour permettre cette réduction des impôts et permettre de rendre le Québec plus attractif.

Il disait également qu’une fiscalité plus avantageuse aiderait à attirer la main-d’œuvre et à la retenir. Dans le texte qui suit, je vais commenter l’objectif de réaliser des gains d’efficacité et d’avoir un gouvernement plus petit, offrant moins de services et ayant une fiscalité moins lourde. 

Chercher des gains d’efficacité dans l’appareil gouvernemental est un objectif fort louable que partage la grande majorité des gens de la droite et de la gauche. C’est bien de pouvoir produire des services publics à un coût moindre et de rendre des services qui satisfont encore mieux les besoins des particuliers et des entreprises. 

Là où il y a une divergence notable entre la droite et la gauche, c’est sur ce qu’on fait avec ces gains d’efficacité. Les gens de la droite préfèrent qu’on profite de ces gains pour réduire les dépenses gouvernementales (tout en maintenant le niveau des services), puis les taxes et les impôts, de façon à ce que les particuliers profitent d’une hausse de leur revenu disponible pour consommer plus ou épargner plus et que les entreprises solidifient leurs finances et investissent davantage. 

De tout ceci résultent une hausse du PIB et une réduction de la part du gouvernement dans l’économie. Pour les gens de la gauche, les gains d’efficacité pourraient être utilisés pour offrir davantage de services publics à la collectivité tels que de meilleurs soins de santé, une amélioration des services en éducation, davantage d’aide aux plus démunis, de meilleures infrastructures collectives… Une telle réaction résulterait également en une hausse du PIB, mais elle serait accompagnée d’une hausse de la part du gouvernement dans l’économie.

En somme, réaliser des gains d’efficacité dans la production de services gouvernementaux n’implique pas nécessairement qu’il en résultera une réduction de la taille du gouvernement.

Des nuances importantes

Dans la même veine, ce n’est pas parce que la taille d’un gouvernement est plus grande et sa fiscalité plus lourde dans un pays ou une province par rapport à d’autres qu’il faut absolument réduire la taille de ce gouvernement et la lourdeur de la fiscalité pour lui éviter d’être non concurrentiel et d’avoir une performance économique inférieure. 

Par exemple, un pays ou une province peut choisir d’offrir relativement plus de services gouvernementaux et d’avoir une fiscalité plus lourde sans subir des effets négatifs importants. Ceci est possible si la grande majorité des agents économiques de ce pays ou de cette province acceptent de payer plus de taxes et d’impôts pour recevoir plus de services publics qu’ils apprécient. 

Dans tout le débat sur la taille désirée du gouvernement, il me semble important d’interpréter avec plusieurs nuances les comparaisons qui sont faites entre certaines mesures, comme celles entre le ratio des revenus gouvernementaux au PIB et le ratio des dépenses gouvernementales au PIB. Une interprétation trop stricte ou trop automatique peut mener à rejeter des choix de société (comme offrir relativement plus de services gouvernementaux) qui seraient fort bénéfiques au bien-être collectif de la population. 

On peut par exemple penser au cas d’un gouvernement qui dépense relativement plus que les autres de façon à offrir de meilleurs services en éducation. Un tel choix peut être à la source non seulement d’un plus grand bien-être pour la population, mais aussi d’une meilleure performance économique. Un autre exemple serait celui d’un jeune couple d’immigrants qui décide de venir s’établir au Québec plutôt qu’en Ontario, malgré une fiscalité plus lourde, parce que, entre autres choses, il valorise tout particulièrement ses services de garderies gouvernementaux et son système public d’éducation. 

D’un autre côté, il est également possible que si un gouvernement dépense relativement plus sans générer un bien-être additionnel, cela ait au total un effet négatif sur la performance économique de ce pays ou de cette province ainsi que sur le bien-être collectif de l’ensemble de la population.

Plus la lourdeur de la fiscalité dépasse celle des autres pays ou provinces, plus il faut s’assurer que ce poids additionnel est compensé par des avantages additionnels.

Garder l’esprit ouvert

En somme, il est important d’aborder cette question de la taille du gouvernement avec un esprit ouvert face à la possibilité de faire des choix de société différents quant aux types de services qu’on veut offrir et quant à l’ampleur de la dépense totale qu’on veut faire. Il faut éviter les interprétations simplistes et trop rigides. Oui à l’ouverture, non à l’aveuglément doctrinaire. 

Quels que soient les choix qui seront faits, il faut être persévérant dans la recherche de gains d’efficacité dans l’offre de services gouvernementaux, tout en évitant les coupes rapides « across the board » et les « stop-and-go » qu’on a observés ces dernières années. La recherche de véritables gains de productivité permettra d’avoir plus d’options pour les choix de société à faire et pour les services gouvernementaux à offrir.

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