Opinion : Éducation

Le personnel des commissions scolaires doit-il paraître 10 livres en moins ?

Pendant que les écoles tombent en ruine, le personnel administratif reçoit des formations données par Jean Airoldi

Les dernières semaines ont amené leur lot de mauvaises nouvelles dans le domaine de l’éducation. De nombreuses écoles sont en ruine. La situation est particulièrement alarmante à Montréal, où près de 90 % des écoles sont en mauvais état. Le nombre d’élèves en difficulté a bondi dans les deux dernières années. Le quart seulement de ces élèves obtiendra un diplôme d’études secondaires. Derrière chacun de ces jeunes que notre système d’éducation « échappe », il y a des drames humains.

Pendant que nos écoles tombent en ruine, pendant que nos enseignants s’épuisent à gérer des classes qui comportent un nombre toujours plus grand de cas lourds sans qu’on leur fournisse les ressources pour les soutenir, les commissions scolaires semblent complètement déconnectées. Elles offrent à leur personnel administratif des formations plutôt… inusitées.

Jean Airoldi, formateur

Le vendredi 7 avril 2017, le personnel de soutien administratif des commissions scolaires est convié à une journée de formation au pittoresque Château Bromont, en Estrie. Parmi la liste des formations offertes, on retrouve des formations données par Jean Airoldi (j’ai beaucoup de respect pour Jean Airoldi, mais quel est le lien avec le personnel des commissions scolaires ?) comme « Passer du bureau au 5 à 7 », « Comment paraître 10 livres en moins », « Oser être audacieux dans ses choix vestimentaires », « Suivre la mode sans se ruiner ». Il y a également des ateliers sur la biochimie du bonheur et les draineurs d’énergie donnés par Isabelle Fontaine. Le coût de cette journée de formation varie entre 385 $ (occupation simple) et 1085 $ (occupation quadruple).

Ces formations sont offertes aux commissions scolaires par l’Agence de formation scolaire québécoise inc., qui se décrit comme un intermédiaire entre les services et les différentes ressources éducatives dont la mission est d’organiser des ateliers de perfectionnement.

Les commissions scolaires doivent garantir qu’aucun denier public ne sera engagé pour cette formation, ce dont je doute. Et même si le coût de la formation n’était finalement pas remboursé aux participants, il y a encore deux problèmes.

Premièrement, la formation a lieu un vendredi (jour de travail). Les contribuables québécois seront donc appelés à payer pour cette triste comédie, puisque nous payons le salaire du personnel avec nos impôts.

Deuxièmement, ces formations ne sont pas reliées au travail du personnel administratif des commissions scolaires. En fait, on frise le ridicule.

Est-ce trop demander que l’offre de formation concerne l’exercice de leur fonction ?

Devant une telle sottise, je me demande si je suis la seule à crier au loup. Je me demande si je suis la seule à penser que notre système d’éducation semble être devenu un monstre bureaucratique que nous avons vidé de son sens premier : le service à l’élève.

Ce qui est encore plus choquant, c’est que les commissions scolaires portent un historique désolant de dépenses injustifiées qui frisent le rocambolesque en ce qui concerne les formations et les congrès. Des histoires de congrès en République dominicaine ou à Hawaii, pour n’en citer que quelques-unes.

Je me demande ce que fait le ministre de l’Éducation. Des formations de mode offertes au personnel administratif des commissions scolaires… Vraiment ? À mon avis, il s’agit d’une situation totalement dérisoire qui mériterait un rappel à l’ordre aux commissions scolaires de sa part. Dans le cas contraire, la prétendue priorité accordée par son gouvernement à l’égard de l’éducation paraîtra hypocrite.

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