Ça s’explique !

L’indépendance

Chaque dimanche, l’équipe de Pause prend le temps d’expliquer aux jeunes une parcelle d’actualité. Cette semaine, on se penche sur l’indépendance du Québec.

Au début du mois d’octobre, la Catalogne, une région de l’Espagne, a demandé à ses citoyens de se prononcer sur l’indépendance. Ici aussi, des gens et des partis politiques – le Parti québécois (PQ), bien sûr, mais aussi Québec solidaire et Option nationale, qui sont sur le point de fusionner – souhaitent que le Québec devienne un pays. Pourquoi ?

Une affaire de langue et de sous

Ce désir d’indépendance tient d’abord à ce qui distingue le Québec, résume Jean-Hermann Guay, professeur de sciences politiques à l’Université de Sherbrooke. « Dans sa majorité, le Québec est d’une culture différente, d’une langue différente, d’un passé différent et avec des héros différents du reste du Canada, énumère-t-il. Il y a une communauté ici qui est différente du reste du pays et du reste de l’Amérique du Nord et qui se voit comme ayant un destin qui lui est propre. » Ce discours politique s’appuyait aussi, dans les années 60, sur un constat économique : les francophones du Québec avaient des salaires plus bas que les anglophones et que les autres Canadiens, étaient sous-scolarisés et exclus du monde des affaires.

1963

L’idée de l’indépendance est apparue à quelques reprises depuis la Conquête de la Nouvelle-France par les troupes britanniques en 1760, notamment lors de la rébellion des Patriotes (1837-1838). Elle est devenue très concrète en 1963, lorsque le Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN) est devenu un parti politique et que, la même année, des esprits radicaux ont fondé le Front de libération du Québec (FLQ), mouvement clandestin qui commettra des braquages de banque, fera sauter des bombes et tuera des gens.

Une voix modérée

« De 1963 à 1968, c’est un mouvement qui est assez radical », analyse Jean-Hermann Guay. Ce mouvement, très montréalais, veut redéfinir le rapport de force entre le peuple et les élites et « n’hésite pas à associer l’indépendance du Québec à la révolution ». Avec la fondation du Parti québécois par René Lévesque, une voix plus modérée se fait entendre. Il parle plus de souveraineté que d’indépendance, de « donner au Québec un pays, mais très lié au Canada ».

Crise d’Octobre

En octobre 1970, des membres du FLQ enlèvent, à quelques jours d’intervalle, le diplomate britannique James Richard Cross et le ministre Pierre Laporte. Ce dernier est retrouvé mort une semaine après son kidnapping. « Ceux qui, froidement et délibérément, ont exécuté M. Laporte, après l’avoir vu vivre et espérer pendant tant de jours, sont des êtres inhumains. […] S’ils ont vraiment cru avoir une cause, ils l’ont tuée en même temps que Pierre Laporte, et en se déshonorant ainsi, ils nous ont tous plus ou moins éclaboussés », a déclaré René Lévesque en 1970.

Deux référendums

L’idée de faire du Québec un pays a été proposée deux fois à la population québécoise par un vote appelé référendum.

20 mai 1980 : 60 % contre, 40 % pour

30 octobre 1995 : 50,5 % contre, 49,5 % pour

Pareil, pas pareil

Jean-Hermann Guay fait valoir que le point commun entre les deux référendums est qu’ils proposaient de maintenir un lien avec le Canada, et non pas une rupture totale. La différence ? Le vote des jeunes de l’époque, plus favorables à la souveraineté que leurs aînés, « explique assez bien la quasi-victoire de 1995 », selon le politologue.

Et en 2017 ?

Jean-Hermann Guay estime que le projet est en perte de vitesse, notamment chez les jeunes d’aujourd’hui, « qui ont l’impression que c’est un débat qui appartient à la génération de leurs parents. Pour bon nombre de francophones au Québec, la souveraineté est une possibilité, dit-il. En même temps, il y a une fatigue profonde. Les gens ont l’impression de s’être tout dit et de ne pas avoir trouvé une solution qui rallierait la majorité ». L’idée de l’indépendance n’est pas morte pour autant : deux des partis qui siègent à l’Assemblée nationale (Québec solidaire et le Parti québécois) continuent de la défendre et d’en faire la promotion.

Figures du mouvement indépendantiste

Pierre Bourgault

Journaliste, professeur et homme politique. Il a été président du RIN de 1964 à 1967.

René Lévesque

Chef du PQ et premier ministre de 1976 à 1984

Pauline Julien

Chanteuse. Arrêtée et emprisonnée pendant la crise d’Octobre. Les artistes ont été nombreux à porter le projet de l’indépendance.

Jacques Parizeau

Ministre des Finances du PQ (1976-1984) et premier ministre de 1994 à 1996

Lucien Bouchard

Fondateur du Bloc québécois et premier ministre (PQ) de 1996 à 2001

Pauline Marois

Ministre du PQ et première ministre de 2012 à 2014

Françoise David

Porte-parole de Québec solidaire et députée de Gouin de 2012 à 2017

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