Écouteurs dans les oreilles, Emilio Chrétien-Contreras avance d’un bon pas au bord du fleuve, dans le Vieux-Port de Montréal. « Depuis deux semaines, je marche une demi-heure tous les midis, témoigne le jeune homme. Je trouve important de le faire, parce que sinon, je suis devant mon écran toute la journée. » Voit-il une différence l’après-midi ? « Oui, pour ce qui est des yeux, répond-il. J’ai aussi moins mal à la tête. »
Au Square Victoria, Lindsay Kay suit un cours de yoga en plein air, pendant que d’autres s’acharnent au bureau. « Tout l’été, j’ai fait du yoga ici le midi, précise-t-elle. Ça vide la tête du stress du matin. Tu ne penses pas au travail : tu es forcée de te concentrer sur ton corps et ton bien-être. » Vers 13 h, la jeune femme retourne au boulot, relaxe. « Après le yoga, je suis plus productive que normalement », assure-t-elle.
Au travail, les pauses « ont le potentiel de restaurer les ressources des employés, pour maintenir leurs performances et pour les protéger contre le stress et la fatigue ressentis à la fin de la journée de travail », indique Jessica de Bloom, spécialiste de la psychologie en santé du travail à l’Université de Tampere, en Finlande.
Étude finlandaise
Puisqu’il s’agit de la plus longue – et de la plus courante – des pauses quotidiennes, Jessica de Bloom s’est intéressée à l’heure du dîner. Avec des collègues chercheurs, elle a recruté en Finlande 153 travailleurs du savoir, qui ont été divisés en trois groupes.
Tous les midis pendant 10 jours de travail consécutifs, le premier groupe a marché 15 minutes dans un parc. Les promeneurs devaient avancer à un rythme de faible intensité, seuls ou en groupe. Ils devaient éviter les discussions et être attentifs à ce qui les entoure. Le second groupe a fait des exercices de relaxation musculaire et de respiration profonde, aussi souvent (15 minutes par jour, pendant 10 jours). Le dernier groupe n’a rien changé à ses habitudes. Les résultats ont été publiés récemment dans différentes revues, dont le Journal of Occupational Health Psychology et le Journal of Environmental Psychology.
Baisse de la tension artérielle
Emilio et Lindsay ont vu juste : tant la marche que la relaxation ont des effets positifs sur les travailleurs. « Les promenades dans les parcs à midi sont liées à moins de tension après les pauses-repas, ainsi qu’à une meilleure concentration et à moins de fatigue l’après-midi, grâce au plaisir ressenti pendant cette activité », indique Jessica de Bloom. En plus d’être agréable, la marche dans un parc est une activité physique légère – bénéfique pour le bien-être et la santé.
La marche dans un parc permet aussi un contact avec la nature, plus reposant qu’un contact avec le béton des villes.
Quant aux séances de relaxation, « elles sont liées à une meilleure concentration dans l’après-midi grâce à un désengagement mental du travail, analyse la chercheuse. De plus, les exercices de relaxation sont directement liés à des niveaux moins élevés de tension et de fatigue dans l’après-midi ».
L’excrétion de cortisol – surnommée l’hormone du stress – des participants n’a pas été affectée par la marche ou la relaxation, effectués sur une très courte période il est vrai. La tension artérielle des travailleurs a toutefois diminué significativement en après-midi, dans chaque groupe. Cette baisse était plus prononcée chez les marcheurs que chez ceux qui ont fait de la relaxation et dans le groupe contrôle.
Influence des entreprises
« Nos études suggèrent que les activités de récupération pendant les pauses du dîner, telles que les promenades dans un parc et les exercices de relaxation, peuvent favoriser la récupération après un stress au travail et améliorer le bien-être », estime Mme de Bloom. C’est intéressant pour les entreprises, « car elles ont une influence sur la façon dont leurs employés prennent leurs pauses », souligne-t-elle.
À Montréal, l’Académie Frontenac offre des cours d’arts martiaux en entreprise ou dans les espaces verts à proximité, notamment sur l’heure du dîner. La Presse a croisé un groupe d’employés en train de boxer avec l’entraîneur Daniel Perron près de la Maison des Éclusiers, en plein midi. Voilà un lunch qui a vraiment du punch…
Selon les normes du travail
« Après une période de travail de 5 heures consécutives, le salarié a droit à une période de 30 minutes, sans salaire, pour son repas, dit la Loi sur les normes du travail. Cette période doit lui être payée s’il ne peut pas quitter son poste de travail. »