Cet écran a été partagé à partir de La Presse+
Édition du 12 novembre 2016,
section AFFAIRES, écran 2
Trump a recueilli 63 % des votes parmi les hommes blancs. De fait, « il a ciblé un marché très précis : les hommes blancs moins éduqués. Et il l’a cultivé à fond, affirme Louis Jacques Filion, professeur honoraire au département d’entrepreneuriat et innovation de HEC Montréal. Un des problèmes de beaucoup d’entrepreneurs est qu’ils essaient de toucher plusieurs segments de marché. Leurs communications sont alors trop diluées ».
« Il a fait un excellent travail de ciblage, constate aussi Bruno Lussier, professeur adjoint en marketing à HEC Montréal. Il est allé dans des États où il y avait de très gros volumes d’électeurs, comme la Floride, l’Ohio, le Wisconsin. En ayant de l’impact dans ces États, il avait des chances de gagner. En vente, il faut se demander où est le potentiel. » En d’autres termes, il est inutile de perdre son temps à vouloir vendre des machines à café Nespresso aux motels bas de gamme.
« Trump a compris les besoins des électeurs. Des besoins très simples, de base », constate Michel G. Langlois, professeur de marketing à l’ESG UQAM. Toute entreprise doit faire de même : comprendre son client. Sinon, elle est « déconnectée de son marché ». Un exemple ? L’industrie du taxi. « La population a fait un virage numérique fort important et plutôt que de voir venir ça ou de s’adapter rapidement, on se braque, relate l’universitaire. Les entreprises connectées sur leur marché voient les changements sociaux et s’organisent en conséquence. Ça peut supposer qu’on va arrêter de faire quelque chose pour faire autre chose. Le piège, en affaires, c’est de tomber en amour avec ce que l’on fait, son produit ou sa technique. Pour réussir, il faut plutôt être en amour avec son marché. Ça nous amène une perspective totalement différente. »
Donald Trump a su mobiliser son équipe et ses partisans. « Entre 40 et 50 % du temps des gestionnaires devrait être passé à mobiliser le personnel. Mais dans la réalité, on est loin de ça », observe Daniel Beaupré, professeur de gestion des ressources humaines à l’ESG UQAM. Quand les employés ne sont pas mobilisés, poursuit-il, ça crée du présentéisme, de l’absentéisme, le climat de travail se détériore, et des comportements non éthiques émergent. Le syndicat et les actionnaires ont également besoin d’être mobilisés. « Le président doit être un exemple, mais tous ceux qui ont une responsabilité d’encadrement, donc qui ont des employés à leur charge, ont aussi le devoir de mobiliser les troupes », note l’universitaire.
Un leader doit « poser des actions concrètes en lien avec les problèmes évoqués, dit Pierre Lainey, de HEC Montréal. Il ne faut pas juste dire qu’on va mettre en place une procédure, un comité… Il ne faut pas tomber dans l’abstraction. Trump est resté dans la simplicité, dans ce qui est facile à comprendre. » Trump a réussi « de façon très simple, spectaculaire et très conforme à sa personnalité » à se présenter lui-même comme une solution aux Américains. « Vous avez tout essayé et ça ne marche pas ? Essayez-moi ! », mentionne le professeur de communication à l’ESG UQAM, Bernard Motulsky.
« La détermination et la volonté de réussir de Trump étaient infaillibles malgré les mouvements politiques importants, les sondages, les médias et tout le monde, constate Michel G. Langlois, professeur de marketing à l’ESG UQAM. En affaires, il faut montrer de l’assurance. Il faut partir avec l’idée qu’on va gagner, que la vente est conclue et qu’on va juste discuter des modalités. Il ne faut jamais abandonner ». « On n’est jamais mort et avec une bonne stratégie, on peut toujours se relever. Les coups fatals sont rares. Il y a toujours moyen de s’excuser en répondant et en s’excusant, mais pas trop, car c’est un aveu de culpabilité », renchérit Yany Grégoire, professeur agrégé de marketing à HEC Montréal.
« Pour mobiliser, souvent, on veut faire appel au côté analytique, à la tête des gens. Or, pour y arriver, il faut interpeller le cœur. Donald Trump parlait aux émotions. On le voyait en regardant les foules. Elles lui appartenaient », explique Louis Hébert, professeur à HEC Montréal et expert en stratégie d’entreprises.
Make America Great Again (MAGA). « Les gens ne lisent pas et un slogan, c’est très puissant ! lance Louis Jacques Filion, professeur honoraire au département d’entrepreneuriat et innovation de HEC Montréal. Il rappelle que dans l’émission The Apprentice, Donald Trump disait « you’re fired ! », une expression dont on se souvient encore. « En affaires, il faut être identifié pour quelque chose de précis. Pour un entrepreneur, un slogan, c’est une façon de mener sa compagnie », note l’universitaire.
« Du côté de Clinton, le slogan exprimait un vœu pieux et de l’autre, on avait quelque chose d’inspirant. Particulièrement pour son public qui est tanné de faire rire de lui », constate pour sa part Michel G. Langlois, professeur de marketing à l’ESG UQAM.
« On a réduit l’importance du charisme. Aujourd’hui, on valorise les gens modestes, humbles et introvertis. On cherche des nerds. Le modèle de l’extraverti flamboyant est contesté, car l’introverti est à l’écoute, il ne s’impose pas par son autorité formelle, mais informelle. Or, le charisme a de l’impact », note Louis Hébert, professeur à HEC Montréal et expert en stratégie d’entreprises.
« En communication, il faut être simple et toujours taper sur le même clou, rappelle Bernard Motulsky, professeur de communication à l’ESG UQAM. Donald Trump avait peu de messages, ils étaient précis et clairs et il les a martelés. Or, c’est contre-intuitif pour tout le monde [d’agir ainsi]. La tendance naturelle qu’on a, c’est d’expliquer les choses et de rentrer dans les détails. Pour frapper l’imaginaire et se faire connaître, il faut seulement avoir quelques idées fortes, car il y a beaucoup de compétition. »
« Son message était clair. Les gens veulent travailler et être en sécurité. Trump a mis l’accent là-dessus. Ce sont deux messages très porteurs. C’est simple et séduisant. Il a trouvé le bon message pour sa clientèle », renchérit Yany Grégoire, professeur agrégé de marketing à HEC Montréal.
Trump était très présent sur le terrain. Il multipliait les apparitions publiques, visitant plusieurs États au cours d’une même journée. « Les grandes marques multiplient les points de contact avec leurs clients. C’est pour cela qu’Apple et Amazon ouvrent des magasins, qui deviennent des lieux de rencontre », explique Michel G. Langlois, professeur de marketing à l’ESG UQAM. « Il faut aller voir ses clients 10 à 12 fois par année, ajoute Bruno Lussier, professeur adjoint au département de marketing de HEC Montréal. On bâtit une relation quand on voit quelqu’un souvent. Ça a beaucoup d’impact sur la performance d’une entreprise. »
Les électeurs américains se sont beaucoup informés sur les médias sociaux et les réseaux de communication informels. « C’est très puissant. Ce que ça veut dire, c’est que les entreprises sont devenues un acteur parmi d’autres pour communiquer un message. Elles ne le contrôlent plus », prévient Yany Grégoire, professeur agrégé de marketing à HEC Montréal. Résultat : il faut « avoir une stratégie de médias sociaux, développer une expertise et ne pas sous-traiter le travail à n’importe qui », suggère l’expert. « Il faut être habile pour que son message soit entendu. S’il est fort et bien fait, avec humour et en utilisant les bonnes normes, on peut avoir de l’influence. »