Série les enfants du québec

Lutter contre la pauvreté chez les 0-5 ans

Les gains spectaculaires enregistrés au Québec en matière de pauvreté chez les jeunes enfants sont incomplets et extrêmement fragiles

Le 21 novembre dernier, l’Observatoire des tout-petits publiait un premier portrait des 0-5 ans du Québec. Camil Bouchard, auteur du rapport Un Québec fou de ses enfants (1991), nous propose une série de trois billets portant sur des aspects importants de ce portrait. Aujourd’hui : la pauvreté dans la vie des 0-5 ans.

La liste des risques associés à la pauvreté vécue par les jeunes enfants est accablante : plus de bébés de petits poids, plus de séjours prolongés à l’hôpital, plus d’asthme, d’obésité, de troubles de l’attention ou d’hyperactivité.

Ces tout-petits sont aussi plus à risque de présenter des problèmes de comportement et des retards dans leur développement cognitif. Selon une étude menée il y a quelques années à l’UQAM auprès de plus de 800 jeunes enfants, ce risque peut apparaître dès les 40 premiers mois de vie.

Ce retard n’est malheureusement pas que temporaire. Il perdure. Nous pouvons ainsi prédire avec certitude que les tout-petits exposés à la pauvreté intense et soutenue durant les premières années de leur vie seront beaucoup plus nombreux à entreprendre leur parcours scolaire sans tous les outils nécessaires à leur réussite.

Ainsi, selon une étude québécoise portant sur la quasi-totalité des enfants de maternelle, les enfants de milieux défavorisés sont 1,5 fois plus à risque de présenter une vulnérabilité dans un domaine important de leur développement. Cette carence augmente les probabilités qu’ils éprouvent plus de difficultés que les autres tout au long de leurs parcours éducatif.

Lentement, mais sûrement

Il y a maintenant 25 ans, dans Un Québec fou de ses enfants, je m’associais fortement à deux recommandations majeures de ce rapport. La première fixait comme objectif national de réduire de moitié la pauvreté chez les jeunes enfants sur une période de 10 ans. La seconde proposait de créer un programme de stimulation infantile pour les jeunes enfants dont les familles n’auraient pas eu la chance d’échapper à la pauvreté, afin de pallier l’insuffisance des ressources de leur environnement familial.

Nous l’avons fait ! Pas aussi rapidement que souhaité, mais nous l’avons fait.

En ce qui a trait à la pauvreté elle-même, le taux de jeunes enfants se retrouvant dans une famille pauvre a diminué de 30 % entre 1997 et 2013.

Le taux de tout-petits dont les familles reçoivent de l’aide de dernier recours a aussi baissé de 20 %. Ces résultats spectaculaires ne sont pas étrangers aux politiques que le Québec a adoptées depuis la fin des années 90 : création du réseau des services de garde éducatifs à tarifs réduits permettant à des milliers de femmes de regagner le marché du travail, adoption de la Loi sur l’équité salariale, adoption du régime de perception automatique des pensions alimentaires, prime à l’emploi et remodelage des allocations familiales.

L’importance des CPE

Nous avons aussi assisté à la création et à la mise en place d’un vaste réseau de services de garde éducatifs à tarifs réduits dont certains, les CPE, font une réelle différence dans la capacité des enfants de se développer à leur plein potentiel. Les CPE, dont le programme de stimulation est exemplaire, réduisent de 2,7 fois le risque pour les enfants de familles défavorisées de se présenter en maternelle avec une vulnérabilité, comparés à des enfants du même type de familles, mais qui fréquentent les autres types de services de garde.

Ces gains sont spectaculaires, mais encore incomplets et extrêmement fragiles. Par exemple, le taux d’enfants vivant dans une famille incapable de les nourrir adéquatement dépasse toujours les 8 %. Autre exemple : le taux de jeunes enfants dont les familles occupent un logement inabordable dépasse les 20 % et est en hausse constante. Et, malgré les gains enregistrés dans la lutte contre la pauvreté, celle-ci tendrait à remonter durant les dernières années. Enfin, les enfants qui en auraient le plus besoin fréquentent moins les CPE alors même que le gouvernement, de son côté, s’évertue à développer les services commerciaux de moins bonne qualité et affaiblit constamment le réseau des CPE.

Quelle bêtise ce serait de perdre le terrain si durement, si judicieusement et si intelligemment gagné...

À lire demain : Les garçons de 5 ans et le risque masculin

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