Contrats d'approvisionnement accordés par la SAQ

« La plus grande vente mondiale de cannabis légal » jamais réalisée

En accordant à six producteurs un contrat d’approvisionnement de 62 000 kg de cannabis récréatif en vue de la légalisation, la SAQ vient de conclure « la plus grande vente mondiale de cannabis légal » jamais réalisée dans le monde, affirme Sébastien St-Louis, PDG d’Hydropothecary, qui a décroché la part du lion.

L’entreprise de Gatineau, inscrite en Bourse, fournira à la future Société québécoise du cannabis 20 000 kg de cannabis pendant la première année de la légalisation. « Le gouvernement a choisi les producteurs les plus grands, les plus gros et les plus solides pour l’approvisionner. Nous sommes très heureux d’être un des acteurs centraux de ce projet », affirme M. St-Louis.

Le producteur Aurora, qui possède une plantation de marijuana de 40 000 pieds carrés sur le boulevard Hymus, à Pointe-Claire, fournira pour sa part 5000 kg.

« C’est aussi une vente record pour nous, et 5000 kg, c’est un minimum. Nous nous attendons à ce que cette quantité augmente avec le temps. »

— Cam Battley, vice-président d’Aurora

Prédire la quantité totale de marijuana récréative qui sera nécessaire pour alimenter le marché au jour I de la légalisation n’est pas une mince tâche. Des calculs du Bureau du directeur parlementaire du budget permettent d’évaluer à 144 000 kilos la consommation réelle de cannabis au Québec en 2018, dont la consommation sur le marché noir.

L’État de Washington, avec une population de 7,2 millions d’habitants (contre 8,2 pour le Québec), a produit 106 000 kg de cannabis au cours de la dernière année pour alimenter son marché récréatif légal.

La série d’ententes avec la SAQ annoncée hier n’a cependant pas fait que des heureux. Le petit producteur de Laval Agri-Médic ASP, qui a obtenu sa licence en décembre et s’apprête à entrer en production, n’a pu signer aucune entente avec la SAQ. Son président, Stéphane Papineau, dit n’avoir eu aucun contact avec la SAQ. « Mon avocat a fait plusieurs approches avec eux et on n’a eu aucun retour d’appel, aucun contact », explique M. Papineau.

« Je ne comprends pas. La LCBO [l’équivalent ontarien de la SAQ] m’a convoqué la semaine prochaine à Toronto pour aller présenter mes produits. Je n’ai eu à faire aucune démarche, c’est elle qui m’a envoyé un courriel pour m’inviter », dit le propriétaire de l’entreprise accréditée.

M. Papineau, qui a fait enregistrer la marque « Québec Gold marijuana » à l’Office de la propriété intellectuelle, vise avant tout le marché québécois. « C’est plate de se retrouver dans une telle situation », dit-il.

La SAQ explique la situation par le fait qu’Agri-Médic est titulaire d’un permis de culture, mais pas encore de permis de vente. « Éventuellement, pour nous ajuster au marché et répondre aux besoins, nous pourrions ajouter des producteurs de cannabis à notre liste de fournisseurs dans la mesure ou leurs permis et certification sont conformes aux exigences », a indiqué dans un courriel la porte-parole Linda Bouchard.

« Si Agri-Médic a tenté de nous joindre, le message n’a pas été livré aux personnes en lien avec ce dossier », a ajouté la porte-parole.

Vaporisateur et poudre de cannabis

Cinq des six fournisseurs qui ont conclu des ententes avec la SAQ n’ont pas voulu ou pu dévoiler hier le détail des produits qu’ils mettront sur les rayons des succursales de la future Société québécoise du cannabis. Canopy Growth, le plus gros acteur de l’industrie, qui s’apprête à transformer une serre de tomates de Mirabel en plantation géante de marijuana, affirme qu’elle ne vendra que du cannabis séché dans un premier temps. Le géant s’est entendu pour en fournir 8000 kg par année à la société d’État.

Hydropothecary a cependant l’intention d’aller plus loin. En plus de vendre du cannabis séché haut de gamme à forte teneur en THC, qui portent des noms comme « Bon matin », « Après souper » et « Au coucher » (vendus 15 $ le gramme sur le marché médical), le producteur vendra dans les succursales de la société d’État un vaporisateur sublingual ainsi que de la poudre de cannabis qu’on peut saupoudrer dans une boisson ou sur de la nourriture. 

« Nous espérons aussi pouvoir vendre, dès juillet, des cigarettes électroniques au cannabis. »

— Sébastien St-Louis, PDG d’Hydropothecary

Le projet de loi du gouvernement interdit pour l’instant la fabrication de concentrés de cannabis qui entrent dans la fabrication des cigarettes électroniques, mais Hydropothecary pense trouver un « passage réglementaire » pour y arriver.

Aussi connus sous les noms de shatter, wax ou budder, les concentrés de cannabis sont la forme de marijuana qui a connu la plus forte croissance aux États-Unis ces deux dernières années. Ils représentent maintenant 26 % du marché au Colorado, mais inquiètent les groupes de défense de la santé publique en raison de leur très forte concentration en THC, qui surpasse facilement les 70 %.

« Nous nous attendons à ce que le gouvernement autorise ces formes de cannabis concentrées avant de légaliser les aliments à base de cannabis, indique pour sa part Cam Battley, d’Aurora. Le gouvernement sait que s’il ne le fait pas, c’est le marché noir qui s’en chargera. » Aurora, qui entend aussi vendre des cigarettes électroniques, possède déjà des parts importantes dans Radiant Technologies, entreprise de l’Alberta spécialisée dans l’extraction de concentrés de marijuana. « Pour l’instant, personne n’est autorisé à produire des concentrés de cannabis, mais l’industrie avance à la vitesse de l’éclair. En temps et lieu, nous vendrons toutes les formes de cannabis que nous serons autorisés à mettre en marché », ajoute M. Battley.

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