PIONNIERS DU PUNK-ROCK QUÉBÉCOIS

Que sont-ils devenus ?

Le festival punk-rock Pouzza Fest revient ce week-end au centre-ville de Montréal avec plus de 150 groupes à l’affiche, dont Less Than Jake, Brendan Kelly, Suicides Machines, Get Dead, The Sainte Catherines, Red Mass, The Planet Smashers et The Fleshstones. 

La Presse profite de l’occasion pour s’inspirer d’un article viral récent du Guardian qui a enquêté sur ce que sont devenus des pionniers du punk britannique.

Saviez-vous que le batteur du groupe The Clash gagne sa vie comme chiropraticien et que la légende de la scène punk-rock de Manchester David O’Brien est aujourd’hui pasteur ?

On ne peut en dire autant des membres des anciens ou toujours actifs groupes québécois Banlieue Rouge, Mort aux pourris, Les Secrétaires Volantes, Me Mom and Morgentaler, Le Volume était au maximum et The Planet Smashers, mais voyons voir ce qu’ils sont devenus et ce qu’ils ont à raconter.

XAVIER PÉTERMANN, ANCIEN MEMBRE DE BANLIEUE ROUGE

Aujourd’hui : producteur de jeux vidour la boîte montréalaise Hibernum (Bruce Lee : Enter The Game).

Banlieue Rouge a existé de 1989 à 1998 et a fait un retour ultime au Rockfest, l’an dernier. Né en Suisse, le chanteur Xavier Pétermann – fils d’artistes – a été un enfant acteur, notamment dans le téléroman Un signe de feu et dans le film Mario de Jean Beaudin, ce qui lui a valu une nomination contre Kiefer Sutherland au gala des prix Genie. Constat : « Je manquais de liberté, je voulais juste crier en jouant de la guitare. » Xavier a grandi sur la Rive-Sud. Inspiré par Indochine, « capable de faire quelque chose en français pas quétaine », puis par Bérurier noir et les Dead Kennedys, lui et ses « amis rejets » de l’école secondaire ont décidé de former un groupe. Au départ, ils empruntaient des instruments. Xavier se souvient de sa première guitare achetée un an plus tard chez Steve’s : « La moins chère, elle coûtait 106 $. » « Nous étions poches, mais cela a marché dans une scène plus politique et revendicatrice que celle plus prog de Groovy Aardvark. » 

Xavier relate des spectacles mémorables aux Foufounes électriques et au défunt Spectrum, et d’un autre donné dans une salle de cinéma de La Rochelle, en France, où les bancs des premières rangées ont été arrachés. Xavier bosse dans l’industrie du jeu vidéo depuis 1999. Son ancien moi à 15 ans serait fier de lui, se réjouit-il, et de ses anciens comembres aussi. Jean-François est graphiste, Sylvain enseigne la littérature francophone à Concordia, alors que Safwan gère le fameux studio de tatouage Imago. « Des emplois de création libre », conclut-il.

GUS VAN GO, ANCIEN MEMBRE DE ME MOM AND MORGENTALER

Aujourd’hui : réalisateur en vue (The Stills, Trois Accords, Priestess, Whitehorse, Cowboys Fringants)

En 1987, Gus van Go, Kim Bingham, John Jordan, Adam « Baltimore Bix » Berger et d’autres comparses se sentent à part dans leur collège privé huppé montréalais. « Nous étions les pauvres weirdos », se souvient le premier. Les amis décident de s’improviser musiciens et de prendre d’assault la radio étudiante. Pour le premier de plusieurs spectacles retentissants, ils décident de choisir un nom provocant en l’honneur du célèbre médecin pro-avortement de Montréal. « Il y avait un vide à combler sur la scène alternative pour les gens qui veulent danser et faire le party », relate Gus van Go. 

Me Mom and Morgentaler incarnait le Montréal mixte, métissé et bilingue. Le groupe a tourné massivement à l’international, notamment avec No Doubt en Californie. Après un EP et l’album Shiva Space Machine, le collectif trouve ses spectacles flamboyants (costumes, acteurs, effets visuels, alouette) « difficiles à maintenir ». Ses membres décident de faire chemin à part. Gus van Go met alors le cap sur Brooklyn pour ouvrir le studio Boiler Room avec son fidèle partenaire Werner F. Il a notamment épaulé l’ancien groupe montréalais d’estime The Stills aux débuts de l’ère indie rock et réalisé des albums pour les Trois Accords, Priestess, Whitehorse, les Vulgaires Machins et les Cowboys Fringants. « Je suis un meilleur “docteur” que compositeur de chansons, dit-il. Je peux aussi être le mentor que je n’avais pas comme musicien à l’époque. »

GOURMET DÉLICE ANCIEN MEMBRE DES GROUPES LES SECRÉTAIRES VOLANTES ET LE NOMBRE

Aujourd’hui : cofondateur de la boîte Bonsound

Gourmet Délice, qui ne dévoile jamais son vrai nom, vient de Québec, où il a joint les rangs du groupe les Secrétaires Volantes, qui s’est notamment fait connaître (merci à MusiquePlus) avec sa chanson Filles ou garçons. Il s’agissait du projet du chanteur et parolier Jean-Guy Lubrique (Jean-Philippe de son prénom). L’idée était de s’amuser et voyager, dit Gourmet Délice. « Nous ne faisions pas du punk revendicateur, mais du punk de party en français. » 

Parmi les souvenirs mémorables, la tournée Tourisme et Destruction en France, un spectacle mythique devant 6000 personnes au Mexique et un autre où Jean-Guy s’est dénudé pour dévoiler un cache-sexe de Dumbo. Les Secrétaires Volantes ont mis fin au groupe en 2009, puis Jean-Philippe et Gourmet ont poursuivi avec le groupe rock Le Nombre. « J’essayais de nous professionnaliser », dit Gourmet. C’est justement dans cet esprit qu’il a cofondé en 2004 avec deux partenaires la boîte Bonsound. Aujourd’hui, Bonsound compte 21 employés, qui s’occupent notamment de Lisa LeBlanc, Radio Radio, Groenland, Dead Obies, Yann Perreau et Champion. « J’avais une suite dans les idées sans le savoir », conclut Gourmet Délice.

MATT COLLYER TOUJOURS MEMBRE DES PLANET SMASHERS

Aujourd’hui : aussi patron du label Stomp Records

The Planet Smashers s’est formé en 1994 en plein âge d’or du punk-rock. « Le ska était un peu à part, et c’était avant l’internet. Quand nous avons lancé notre premier album, c’était en même temps que celui de Rancid. Beaucoup de choses se passaient. À Montréal, la scène était super cool. Il y avait tous ces bars remplis de jeunes où se produisaient plusieurs groupes locaux. Un peu comme ce qui s’est passé dans le Mile End. » Matt Collyer se souvient d’une première partie mémorable pour Banlieue Rouge au Medley. Et du rêve réalisé de se produire au Vans Warped Tour. 

Pourquoi Planet Smashers est-il toujours actif aujourd’hui, même si les tournées sont moins nombreuses ? « Nous avons fini par maîtriser nos instruments », blague Matt Collyer, qui a fondé Stomp Records d’abord pour son groupe, et ensuite pour une trentaine de formations. Il a tout appris sur le tas. « Do It Yourself », résume-t-il. Planet Smashers interprétera ce soir au Pouzza Fest l’intégrale de son album Life of the Party. Le spectacle en plein air est gratuit sur le parterre du Quartier des Spectacles.

JOHNNY LOVE ANCIEN MEMBRE DU GROUPE LE VOLUME ÉTAIT AU MAXIMUM

Aujourd’hui : « étudier la vie sous toutes ses formes. »

Johnny Love insiste pour répondre à nos questions par courriel. « Les punks n’ont pas de téléphone, lance-t-il. Mais punk, qu’est-ce que c’est que cette merde ? C’est beaucoup plus facile de définir ce qui n’est pas punk. Boire de la bière taxée à 70 % et manger au McDo, ce n’est pas punk. Enregistrer des albums avec l’argent des contribuables, ce n’est pas punk. La teneur punk, ça se mesure dans nos gestes et paroles. » Johnny Love souligne que le groupe Le Volume était au maximum (qui a sorti une dizaine d’albums et qui s’est produit à Osheaga) existe toujours, mais qu’il est inactif. Il essaie de se défaire de la musique « qui a déjà eu le contrôle sur sa vie », mais « elle est à ses trousses », dit-il. En attendant, Johnny Love refuse de travailler. « J’étudie la vie sous toutes ses formes, dit-il. Je fais du ski 180 jours chaque hiver et je passe mes étés à me prélasser au soleil, lire des livres, me baigner tout nu et faire du BMX. » Pour payer le loyer, « je répare les ordinateurs des filles au village », dit-il, tout en développant « une communauté sans monnaie ». Égalitaire, vous dites ?

GUILLAUME GUITÉ, ANCIEN MEMBRE DE MORT AUX POURRIS

Aujourd’hui : graphiste pour l’Université Laval et membre des groupes Charlie Foxtrot, Cobrateens, Varlope et Achigan

Nous appelons Guillaume Guité à son poste de l’Université Laval, où il est graphiste à la faculté des sciences de l’éducation. Le but : lui rappeler la belle époque de son groupe punk-rock Mort aux pourris, fondé en 1995 avec trois amis du secondaire à Sainte-Foy. L’été dernier, Mort aux pourris a par ailleurs fait un retour au Festival d’été de Québec aussi mémorable que son spectacle d’adieu donné à l’Impérial, en 2008. « C’était une grosse partie de nos vies que nous laissions derrière. » Les débuts de M.A.P. ? « Nous étions engagés et conscientisés et c’était l’époque du skate-punk californien de NOFX et Green Day, puis de Bérurier noir et de groupes anglais comme Crass et Subhumans. » Au cours de sa carrière, Mort aux pourris a sorti quatre albums et un EP qui ont donné lieu à quelque 650 spectacles. Aujourd’hui, Guillaume Guité a deux enfants et il joue dans plusieurs groupes. Moins radical et plus assagi ? « Les priorités changent, mais j’ai les mêmes convictions qu’avant », assure-t-il.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.