OPINION LES ÉTATS-UNIS ET LES ARMES À FEU

L’arme à feu, symbole identitaire

Chaque année, environ 30 000 Américains sont tués par arme à feu. Et près de 67 000 d’entre eux sont blessés.

Depuis une vingtaine d’années, les tueries de masse ayant fait cinq victimes ou plus se sont multipliées aux États-Unis. Selon le Washington Post, il y en aurait eu 58 dans les 18 derniers mois. Pour expliquer ce triste record, il suffit de regarder les armes utilisées par les assaillants pour commettre leur massacre. Dans la vaste majorité des cas, il s’agit d’armes de poing ou encore de fusils d’assaut semi-automatiques.

La multiplication des armes de type militaire sur le marché s’explique par l’opération marketing menée par les fabricants d’armes à partir des années 80, alors que la demande stagnait et que la compétition augmentait.

Dès lors, la mise en marché des armes n’est plus effectuée en fonction de leur utilité à la chasse, mais plutôt de leurs performances qui s’expriment en termes de vitesse, munition, précision, maniabilité, bref, en fonction de leur létalité.

L’arme devient un symbole identitaire, souvent celui du citoyen protecteur, et les marchands vendent ce rôle. L’arme est également un vecteur de dépenses : vêtements, accessoires, cours de maniement, munitions spéciales, gilets pare-balles et événements. Si l’arme est bonne pour l’armée et la police, elle est bonne pour le citoyen. Entre les mains de ce dernier se sont donc retrouvées des armes de guerre faites pour tuer des gens plutôt que du gibier. Pour la diffusion de ses produits, l’industrie a tout d’abord utilisé le cinéma et la télévision, puis récemment les jeux vidéo. L’industrie a donc, à des fins mercantiles, mis dans les mains de n’importe qui aux États-Unis des armes d’une très grande puissance.

Cet effort marketing a été grandement soutenu par le lobby des armes à feu, mené aux États-Unis par la National Rifle Association (NRA), qui s’est systématiquement opposée à toute réglementation en plus de fournir la rhétorique justifiant la possession d’armes à feu. Afin de permettre l’accès à n’importe quel modèle d’armes, ce lobby réitère constamment que ce ne sont pas les armes qui tuent, mais plutôt les gens. Bien que cette affirmation soit vraie, il s’agit d’un argument fallacieux qu’il faut réfuter.

En effet, si une arme ne tue pas seule, elle facilite la mise à mort d’un animal ou d’un être humain. N’importe qui utilisant la plateforme AR-15 peut vider un chargeur de 30 balles en moins d’une minute en mode semi-automatique. En donnant accès à des armes qui tirent rapidement et dont l’ergonomie en augmente la létalité en milieu urbain, l’industrie et la NRA facilitent la réalisation de meurtres de masse.

Il est, par exemple, plus facile de tirer sur un groupe de personnes avec un Tavor TAR-21 semi-automatique qu’avec un M14 – déjà une arme particulièrement mortelle –, parce que le système de tir ainsi que le chargeur se trouvent à l’arrière de la gâchette. Idem pour les pistolets. En 2011, l’homme qui a tiré sur la représentante Gabrielle Gifford s’est fait désarmer alors qu’il rechargeait. S’il n’avait pas eu accès à des chargeurs de 30 balles pour son Glock 19, il aurait sans doute fait moins de victimes.

De ce côté-ci de la frontière, le contrôle des armes à feu limite les massacres de masse.

Les restrictions s’appliquant aux armes de poing et aux versions civiles des armes d’assaut réduisent le risque, mais comme la tragédie de Québec l’a rappelé, elles ne les empêchent pas totalement. Le Canada n’est pas à l’abri des visées mercantiles de l’industrie des armes à feu, qui continue à vouloir écouler sa production ici, comme le montre la récente décision de la GRC d’autoriser la vente de trois fusils d’assaut semi-automatiques.

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