Littérature

Guillaume Musso  fait la course en tête

Le romancier français le plus populaire a rejoint Calmann-Lévy, le prestigieux éditeur de Flaubert et de Dumas.

Le romancier français le plus populaire a rejoint Calmann-Lévy, le prestigieux éditeur de Flaubert et de Dumas.

Surtout, ne lui parlez pas de chiffres. Ne lui dites pas que la vente cumulée de ses livres partout dans le monde, posés les uns sur les autres, représenterait 5533 tours Eiffel. Pas plus que le poids de ses romans équivaudrait à 474 semi-remorques de 38 tonnes. Guillaume Musso est un garçon étonnant. 

Voilà sept ans qu’il caracole en tête des ventes en France, sans que rien, en lui, ne change. La même humilité, la même tranquillité. Son plus récent titre, La jeune fille et la nuit, connaît son meilleur démarrage en 17 ans et 16 romans : 100 000 exemplaires en cinq jours. Qui n’aurait pas le vertige ? L’écrivain ne semble pas, pour autant, grisé par ce succès fou. « Je suis conscient de la chance que j’ai, mais je sais que tout peut basculer d’un instant à l’autre. » 

Depuis le jour où, à 24 ans, il a failli perdre la vie dans un grave accident de voiture lors d’une course effrénée vers la passion amoureuse, il a définitivement intégré l’idée de la vulnérabilité. Celle de la vie, de la possession, de l’être.

Un séisme

Du séisme provoqué dans le monde de l’édition par son changement de maison, de XO à la prestigieuse Calmann-Lévy, il évoque un « alignement de planètes », une « amitié retrouvée ». Trouver refuge chez l’éditeur de Flaubert, ainsi que des auteurs américains qui l’inspirent, le ravit. « C’est un nouveau challenge, un moyen de sortir de la routine. Il me fallait une autre aventure. » 

L’argent n’est pas un moteur. « J’en ai gagné suffisamment pour ne pas être inquiet. » C’est bien un nouveau départ que l’écrivain entreprend. « Je passe un cap dans ma vie, c’est vrai. » Ce roman-ci est le plus personnel.

« Ce livre me tient à cœur, je pense avoir progressé. Comme tout artisan, j’essaie de faire mieux que la fois précédente. »

— Guillaume Musso

La jeune fille et la nuit se déroule sur la Côte d’Azur, et non plus aux États-Unis, comme espéraient ses lecteurs. Guillaume Musso y puise dans ses racines, ses sentiments et sa sensibilité. Son héros Thomas Degalais est, comme lui, écrivain à succès. L’intrigue, parfaitement huilée, se déroule dans le lycée où il a lui-même enseigné l’économie. Et puis, il y a cette Vinca dont tout le monde était amoureux. L’était-il, lui, au temps de ses moins de 20 ans ? « On a tous connu un personnage comme elle, gracieuse et intelligente, qui nous faisait tourner la tête. »

L'amour toujours l'amour

Musso n’en finit pas d’explorer le thème de l’amour « qui élève ou qui détruit », qu’il soit hétéro ou homo. Et encore, l’amour caché, préservé des regards et des jugements. Il met en scène un couple qui s’est aimé trente ans sans que personne ne le sache ni le devine. « Lorsque j’avais une quinzaine d’années, je tendais vers ça. J’étais enfermé dans mes lectures, différent de mes camarades, et j’échappais aux comportements collectifs en ignorant le regard des autres. » Sans doute est-ce la clé de tant de discrétion et de protection. De sa vie, il ne montre rien. « Que voulez-vous savoir ? Je suis transparent, vous connaissez ma vie. » Il vit en couple avec Ingrid depuis 11 ans ; ils ont eu Nathan, il y a quatre ans et demi, puis Flora, il y a cinq mois. Le choix du roi. Décidemment, tout lui réussit.

L’arrivée des enfants est ce qui l’a le plus métamorphosé avec l’accident. « J’ai une certaine carapace, mais devenir père vous apprend que quelque chose peut vous atteindre à travers vos enfants. La paternité est déloyale ! Mais elle est contre balancée par un flot d’amour qui oblige à une joie permanente. » Dans tous ses livres, la mort et la fragilité des destins affleurent et laissent présager d’une part sombre ancrée en lui. « Oui, sans doute, comme tous les artistes ou écrivains, c’est banal. » Musso est taraudé par la peur de ne plus prendre de plaisir, de ne plus savoir créer l’étincelle. Se fixer de nouveaux défis dans l’écriture lui sert de rempart.

Maître dans l’art du suspense, il tend à fouiller dans les ressorts de l’âme humaine pour ses romans de plus en plus psychologiques et réussis. Ce qu’il continue à chercher depuis toujours dans ses propres lectures, depuis que Les hauts de Hurlevent et Belle du Seigneur ont provoqué, en lui, de véritables chocs. De ceux qui orientent une vie. Sa mère, bibliothécaire, l’a abreuvé de littérature. Aujourd’hui, il cherche à s’approcher de ces œuvres, même s’il assume son côté « page turner ». Rien ne lui fait plus plaisir que des lecteurs qui viennent lui dire qu’il leur a ouvert la porte de la lecture. À lui, désormais, de leur donner des références littéraires, qu’il sème dans ses livres comme une offrande.

Pendant deux mois, il ira à la rencontre d’acheteurs capables de l’attendre des heures. Puis il retournera dans sa bulle d’écriture, avec ses horaires de bureau, dans une routine de travail qu’il s’est créée pour échapper à la banalité de l’existence. Enfant, il vivait à travers ses lectures ; aujourd’hui, il s’invente des vies à travers celles de ses personnages et leur complexité. À travers leur noirceur et leur quête. Pour mieux fuir les siennes ?

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