Congrès de l’ACFAS

Pourquoi les athlètes « chockent » sous la pression

SAGUENAY — Jeudi soir dernier. Les Predators de Nashville affrontent les Jets de Winnipeg dans un septième match des séries éliminatoires. La pression est à son comble. Le gardien des Predators, pourtant l’un des meilleurs de la ligue, accorde deux mauvais buts et coule les siens devant ses propres partisans.

Que s’est-il passé ? En bon québécois, on dit que Pekka Rinne a « choké ». Et c’est ce phénomène, appelé plus correctement « effondrement de performance », qui fascine Marc-Antoine Roussel, étudiant à la maîtrise en médecine expérimentale, volet kinésiologie, à l’Université du Québec à Chicoutimi.

« Scott Gomez ne compte pas de buts, il est mauvais et n’arrête pas de choker. Pacioretty est en léthargie. Eugenie Bouchard ne gagne plus, elle choke, c’est clair. L’effondrement de performance et la léthargie sont souvent mélangés et utilisés n’importe comment, en particulier dans le sport, et ça me chicote un peu », lance M. Roussel.

L’étudiant tient à rappeler une chose à tous les commentateurs sportifs professionnels et de salon : il est normal que les performances d’un athlète fluctuent dans le temps. Avant de crier au « chokage », un certain nombre de critères doivent être respectés.

1. L’athlète doit rater de façon flagrante des gestes qu’il maîtrise normalement.

2. L’effondrement doit survenir dans un contexte où l’athlète cherche le succès.

3. La contre-performance doit générer de l’anxiété.

4. Elle doit se produire sous pression.

« Un athlète ne peut pas s’effondrer dans une pratique parce qu’il n’y a pas de quête de succès et qu’il n’y a pas de pression. Pour moi, c’est impossible de m’effondrer au golf, parce que je suis déjà mauvais au golf. Par contre, je joue au tennis depuis 20 ans et je pourrais donc m’effondrer au tennis », illustre M. Roussel.

Pekka Rinne jeudi soir ? « Il a choké, tranche l’étudiant. Même moi, j’aurais arrêté ces lancers-là. » 

« Il a connu une baisse de performance flagrante par rapport à ses standards habituels, dans un contexte de septième match en séries éliminatoires devant ses partisans. Ça correspond à la définition. » — Marc-Antoine Roussel

Mais que diable se passe-t-il quand un athlète de haut niveau se révèle incapable d’accomplir des gestes pour lesquels il s’est entraîné pendant des années ? Marc-Antoine Roussel explique qu’il est possible que l’athlète soit distrait par des éléments extérieurs – la foule, l’importance du match, le gain financier en jeu. « La mémoire de travail est alors divisée en deux. Elle doit gérer la tâche à accomplir et ce qui se passe à l’extérieur », dit-il.

L’athlète peut aussi être tourné vers lui-même et avoir une « conscience personnelle trop élevée » des tâches à accomplir. « L’athlète pense à trop de choses, il décortique ses mouvements. L’habileté, qui était devenue autonome grâce à l’entraînement, devient manuelle », explique l’étudiant.

C’est en voyant le golfeur français Jean Van de Velde s’effondrer complètement au dernier trou du British Open, en 1999, que Marc-Antoine Roussel s’est passionné pour le sujet. Dans une séquence rocambolesque, le golfeur, qui menait alors par une avance de plusieurs coups, rate un premier coup, envoie une deuxième balle dans la foule, une troisième dans un ruisseau et une quatrième dans une fosse de sable, pour finalement perdre sa première place.

« Je regardais ça et je me disais : “Comment un athlète peut-il survoler un tournoi, puis arriver au dernier trou et choker comme ça ? Qu’est-ce qui se passe ?” », raconte l’étudiant.

Léthargie

Le terme « léthargie » en est un autre dont les commentateurs sportifs sont friands. Et, selon Marc-Antoine Roussel, lui aussi est souvent mal utilisé. Une léthargie survient quand une équipe ou un athlète connaît une période de mauvaises performances ou de défaites (typiquement de deux semaines à un an). Le Canadien de Montréal, cette année, était en léthargie. Son gardien Carey Price aussi, puisqu’il a sous-performé par rapport à ses standards. Eugenie Bouchard est un autre exemple frappant. Les causes de la léthargie sont « multifactorielles » et plus difficiles à identifier que celles de l’effondrement de performance.

Comprendre pour réagir

Pour son mémoire de maîtrise, Marc-Antoine Roussel a demandé à une dizaine de golfeurs appartenant à des équipes universitaires de lui décrire un effondrement de performance et une léthargie. L’échantillon est petit, mais suggère que ces phénomènes sont très mal compris par les athlètes. Or, il est difficile pour les entraîneurs et les athlètes de surmonter des concepts qu’ils ne comprennent pas.

« On est très bons pour amener nos athlètes à un haut niveau, mais beaucoup moins pour les aider lorsque les choses vont mal », estime M. Roussel.

« Je crois qu’être en mesure de mieux comprendre, prédire et prévenir les effondrements de performance pourrait aider non seulement les athlètes, mais aussi les pilotes d’avion, les chirurgiens ou les étudiants qui passent des examens », ajoute-t-il.

Catastrophes

Les sinistrés ont besoin d’aide à long terme

SAGUENAY — Il y a un an, les citoyens de Rigaud, de Vaudreuil et de plusieurs autres villes du Québec ont vu l’eau prendre leurs maisons d’assaut. Les caméras de télévision, depuis, sont reparties. Mais le stress des sinistrés demeure et pourrait durer des années.

C’est le message que lance Danielle Maltais, professeure au département des sciences humaines et sociales à l’Université du Québec à Chicoutimi.

« On aide beaucoup les gens au début. On ne peut pas critiquer les services psychosociaux qui sont offerts aux victimes lorsque les catastrophes surviennent au Québec. Là où c’est plus dur, c’est le soutien à long terme », dit-elle, interpellant les autorités à faire mieux.

Les sinistrés, la professeure Maltais les connaît comme peu de chercheurs peuvent se vanter de les connaître au Québec. Des glissements de terrain de Saint-Jean-Vianney, en 1971, jusqu’à la tragédie de Lac-Mégantic, en 2013, en passant par les inondations du Saguenay, en 1996, et le verglas en 1998, la chercheuse a interviewé des centaines de sinistrés, certains pendant huit ans, et a suivi leur parcours.

Le constat : ces catastrophes ne laissent pas seulement des marques sur les maisons. Elles peuvent aussi provoquer des tensions dans les couples, miner la santé financière des familles, conduire des gens à refuser des promotions parce qu’il y a trop de démarches à faire à la maison.

Perdre sa maison, une épreuve sous-estimée

La chercheuse a notamment montré que la perte d’une maison est un événement difficile à surmonter, qui peut mener à une nostalgie à long terme.

« Notre maison est un prolongement de nous-mêmes. C’est un reflet de notre personnalité. »

— Danielle Maltais, professeure à l’Université du Québec à Chicoutimi

Par des entrevues, la chercheuse a montré que les gens qui doivent se reloger considèrent souvent leur nouvelle maison comme un simple abri contre les intempéries, qui provoque un « sentiment d’étrangeté » dépourvu d’attachement.

De façon générale, « une catastrophe génère une variété de stress qui s’accumulent et qui peuvent durer des années », explique la chercheuse. Ironiquement, c’est souvent quand la vie finit par retrouver son cours normal que les problèmes de santé psychosociaux apparaissent.

« Avant, les gens sont trop occupés », explique la scientifique.

Du positif

La chercheuse refuse toutefois de peindre le tableau en noir. Après quelques années, parfois même avant, du positif ressort des catastrophes. « À long terme, les gens qu’on a rencontrés nous disent : “J’ai changé mes valeurs personnelles. Je suis moins matérialiste. Je suis plus attentif aux besoins des autres. Je dis plus souvent à ma famille, à mes amis et à mon conjoint que je les aime.” Les gens nous disent qu’ils ont réalisé la valeur de l’autre et ce qui est important dans la vie », témoigne Danielle Maltais.

Dans l’épreuve, certains se découvrent une force de caractère qu’ils ne soupçonnaient pas. Des leaders émergent. Dans les communautés, des élans de solidarité s’observent, des rapprochements s’effectuent, et des liens se tissent.

« C’est important de donner espoir aux sinistrés, insiste Danielle Maltais. Parce que du positif, on en observe aussi beaucoup. »

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