Entrevue avec le ministre Pierre Moreau

Hydro-Québec met le cap sur le Mexique

Le premier investissement important d’Hydro-Québec à l’international sera probablement au Mexique, où une réforme du réseau électrique nécessitant des investissements de 137 milliards de dollars est en voie de réalisation.

Hydro-Québec soumettra au gouvernement mexicain une proposition dans laquelle elle offrira à la fois du capital et de la technologie, a indiqué le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Moreau, lors d’une entrevue avec La Presse.

« Hydro-Québec est prête à aller dans des investissements en participation avec les entreprises privées et les sociétés d’État du Mexique », précise le ministre.

Pierre Moreau revient du Mexique, où il a eu des rencontres de haut niveau avec le gouvernement du pays pour appuyer Hydro-Québec dans sa recherche de nouveaux marchés. Le ministre mexicain de l’Énergie a demandé à Hydro-Québec de lui soumettre une proposition, a fait savoir M. Moreau.

Le Mexique veut entre autres construire une ligne de transport à courant continu de 700 kilomètres entre la Basse-Californie et le centre du pays. « C’est Hydro-Québec qui a la technologie la plus récente et la plus performante, ce qui lui donne une longueur d’avance », estime Pierre Moreau.

Beaucoup de monde s’intéresse aux investissements massifs prévus par le gouvernement mexicain.

« Les Espagnols regardent ça, les Russes et aussi les Chinois. Mais personne n’a les relations à long terme que le Québec a avec le Mexique. Ils nous connaissent bien. »

— Pierre Moreau, ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles

Le gouvernement mexicain est aussi très impliqué dans le secteur de l’énergie et il voit d’un bon œil une association avec une société d’État comme Hydro-Québec, selon le ministre québécois.

En plus de chercher de l’expertise en matière de transport d’énergie, les Mexicains veulent diversifier leurs sources d’approvisionnement en énergie. Ils ont un peu d’hydroélectricité et ils veulent faire plus de place au solaire et à l’éolien. « Ils ont besoin d’une technologie d’interconnexion et c’est aussi quelque chose qu’Hydro-Québec connaît. Ils veulent quelqu’un de très fort dans les technologies de transport et dans les interconnexions, d’où le positionnement exceptionnel d’Hydro-Québec », estime-t-il.

Le Mexique à la rescousse du Plan Nord

La mission du ministre Moreau au Mexique aura peut-être aussi permis de trouver des solutions à la pénurie de main-d’œuvre qui menace les entreprises minières, surtout celles qui ont des projets sur le territoire du Plan Nord.

« Il y a des mines au Mexique qui ont fermé récemment et qui ont dû mettre à pied un bon nombre de travailleurs. Il est clair que le gouvernement regarde la possibilité d’aller chercher des gens comme ça qui ont déjà des qualifications », indique le ministre.

« Ce que les entreprises nous disent, c’est qu’elles sont prêtes à les accueillir, à les former et à faire en sorte qu’ils deviennent des employés permanents. »

En raison des mises à pied massives dans le secteur minier, le gouvernement mexicain est ouvert à l’intention du Québec de recruter des travailleurs en chômage chez lui. « On pense qu’on peut être capable de les intéresser [à venir au Québec]. Quand on regarde les conditions qui sont offertes par les entreprises minières, la qualité des emplois et le niveau de revenu, c’est incomparable avec ce qui se fait au Mexique. »

Le bitcoin, pas si vite !

L’ouverture récente d’Hydro-Québec aux mineurs de bitcoin et autres cryptomonnaies pourrait se refermer rapidement. « Il y a énormément de demandes et il faut que les Québécois y trouvent leur compte. Or, le bitcoin, ça ne génère pas d’emplois et ça demande pour le branchement des investissements considérables », tempère le ministre.

Le caractère « hautement spéculatif » et éphémère de cette activité est aussi une source d’inquiétude pour Hydro-Québec et le gouvernement, explique-t-il. « On regarde ça et on essaie de voir comment on peut y voir une source de développement économique pour le Québec. Et je n’en vois pas beaucoup. »

Selon lui, le bitcoin n’est certainement pas une solution pour écouler les surplus d’électricité d’Hydro-Québec. « On aime mieux une aluminerie ou une mine. On aime mieux de la transformation dans le domaine minier que le bitcoin, c’est clair. »

« Énorme » rapprochement avec Terre-Neuve

Le Québec et Terre-Neuve se sont rapprochés énormément au cours des derniers mois, selon Pierre Moreau, surtout au sujet du secteur minier. Cette amélioration des relations mènera naturellement vers des discussions sur l’énergie en général et le contrat de Churchill Falls en particulier, croit-il.

Le ministre québécois a rencontré son homologue de Terre-Neuve, Sioban Coady, à Toronto récemment lors d’un événement minier où il a aussi été question d’énergie. « On s’est dit, est-ce qu’on est mûrs pour s’asseoir et discuter ? La réponse conjointe est oui. »

« Notre souhait commun, poursuit M. Moreau, c’est de dire qu’une fois que la Cour suprême aura rendu sa décision, elle aura réglé le passé, mais pas l’avenir. Il n’y a rien qui empêche les gens de bonne volonté de regarder résolument vers l’avenir. »

Ces discussions sont inévitables, selon lui, dans la mesure où le contrat de vente d’électricité à Hydro-Québec se termine en 2041, que le projet de développement de Terre-Neuve à Muskrat Falls est en péril et que le développement minier du Nord nécessitera des investissements en énergie.

« Je vois une ouverture de la part de Terre-Neuve. C’était difficile avant que la cause soit entendue par la Cour suprême, mais là, c’est fait. » La Cour suprême, qui a déjà donné raison deux fois à Hydro-Québec dans ce litige, doit rendre sa décision plus tard cette année.

Voitures électriques : objectif réalisable

Même si l’objectif d’avoir 100 000 voitures électriques sur les routes du Québec d’ici 2020 semble impossible à réaliser, le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles soutient qu’il sera atteint. Une rencontre récente avec le ministre du Pétrole et de l’Énergie de la Norvège, championne des voitures électriques, l’a convaincu.

« La Norvège a beaucoup plus d’incitatifs à l’achat des voitures électriques que nous. Mais c’est quand elle s’est dotée d’un réseau complet de recharge que l’augmentation a été exponentielle », explique-t-il.

La même chose devrait se produire au Québec. « Notre réseau n’est pas optimal et on va annoncer dans les prochaines semaines des mesures pour que le rythme d’expansion des bornes de recharge s’accélère.

« Je suis convaincu que l’objectif est atteignable. Quand on regarde ce qui s’est passé en Norvège, on réalise que la croissance est très lente au début et que tout à coup, ça monte en flèche. »

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