Opinion

Un commissaire de l’UPAC à l’abri des influences

Un vote important pour notre démocratie se tiendra demain à l’Assemblée nationale. Les députés seront invités à adopter le projet de loi 107 modifiant la Loi concernant la lutte contre la corruption. 

Essentiellement, le projet de loi introduit quatre changements importants. Tout d’abord, il modifie le mode de nomination et de destitution du commissaire de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) et la durée de sa charge. Ces amendements découlent de la recommandation n31 de la commission Charbonneau proposant un mode de nomination et de destitution du commissaire de l’UPAC analogue à celui du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). 

Selon la commission Charbonneau, le mode actuel de nomination et de destitution du dirigeant de l’UPAC n’offre « pas de garanties d’indépendance comparables à celles prévues pour d’autres titulaires de charges publiques d’importance similaire au Québec ». Pour satisfaire ces garanties d’indépendance, le processus de nomination doit être prévu de manière précise dans la loi et le commissaire de l’UPAC doit être choisi parmi une liste de candidats jugés aptes par un comité de sélection composé en majorité de personnes qui n’ont « aucun lien avec le pouvoir exécutif », comme c’est le cas en vertu de l’article 3 de la Loi sur le directeur des poursuites criminelles et pénales.

Un mandat non renouvelable

Suivant le projet de loi 107, le commissaire sera nommé par le gouvernement pour un mandat non renouvelable de sept ans. Dans la loi actuelle, le mandat du commissaire est de cinq ans et peut être renouvelé. 

Selon la commission Charbonneau, la nomination pour une durée fixe non renouvelable est essentielle « afin d’éviter les risques potentiels d’influence dans le but d’obtenir un renouvellement de mandat ». 

La nomination du commissaire par le gouvernement devra être faite à partir de la liste des candidats jugés aptes par un comité de sélection composé du sous-ministre de la Sécurité publique, du secrétaire du Conseil du Trésor, d’un avocat recommandé par le bâtonnier du Québec, d’un directeur de corps de police recommandé par le conseil d’administration de l’Association des directeurs de police du Québec et d’une personne recommandée par des organismes représentant le milieu municipal. Ces candidats seront choisis sur la base de critères fondés sur la compétence, dont les connaissances en droit criminel et pénal. 

Ces restrictions importantes au pouvoir de nomination par le gouvernement sont analogues à celles qui existent pour le choix du DPCP, sur le modèle du processus de nomination en vigueur pour les juges de la Cour du Québec. De plus, le commissaire ne pourra être destitué sans motif par le gouvernement, et avant qu’un rapport de la Commission de la fonction publique, elle-même composée de membres dont la nomination est approuvée par les deux tiers de l’Assemblée nationale, soit rendu. Le mode de nomination et de destitution du commissaire de l’UPAC du projet de loi 107 respecte donc les exigences formulées par la commission Charbonneau dans son rapport.

Champ de compétence élargi

Dans un deuxième temps, le projet de loi 107 élargit le champ de compétence de l’UPAC. Actuellement, le mandat de cette organisation est limité aux actes répréhensibles « en matière contractuelle dans le secteur public ». Le commissaire de l’UPAC pourra enquêter sur la collusion et la corruption dans tout le secteur public – et pas seulement en « matière contractuelle » – ce qui inclut les actes répréhensibles liés à une nomination, à une subvention et à une autorisation. Dans un troisième temps, l’UPAC deviendra un corps de police spécialisé dans la lutte contre la corruption. Enfin, un comité de surveillance aura pour mandat de donner son avis sur les activités de l’UPAC.

L’adoption du projet de loi 107 est essentielle pour garantir l’indépendance d’action de l’UPAC et accroître la lutte contre la corruption dans l’ensemble du secteur public. 

Les modifications au mode de nomination du commissaire visent la sélection au mérite du commissaire de l’UPAC et limitent les possibilités de favoritisme ou de népotisme. Le changement concernant la durée de la charge est nécessaire pour couper court aux tentatives de la part du commissaire de se maintenir en poste lorsque le terme de son mandat est échu. Il vise en outre à éliminer les influences délétères qui pourraient s’exercer sur la personne du commissaire dans les mois qui précèdent l’échéance de son mandat. Le changement au mode de destitution du commissaire a pour objectif de prévenir les cas d’ingérences du pouvoir exécutif dans l’administration des enquêtes menées par l’UPAC. L’élargissement du champ de compétence de l’UPAC permettra à cette institution de lutter contre la corruption publique sous toutes ses formes.

La compétence, l’intégrité et l’indépendance du commissaire de l’UPAC ne dépendent pas de sa nomination par le gouvernement ou par un vote des deux tiers de l’Assemblée nationale. Elles sont garanties par l’encadrement législatif de l’exercice de la charge de Commissaire et du respect, par toutes les personnes en cause, des principes fondamentaux de notre démocratie qui reposent sur la primauté du droit et la séparation des pouvoirs dans l’État.

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