OPINION

L’iniquité intergénérationnelle

La bonification du Régime des rentes du Québec que propose le gouvernement vise à améliorer la retraite pour les membres de la génération X et celle des milléniaux, qui n’épargnent pas assez. En échange, on leur propose de les taxer davantage.

Pour un travailleur gagnant 62 600 $ en 2016, le taux de cotisation effectif que paieraient ensemble les travailleurs et les employeurs passerait de 10,18 % à 11,12 %, ce qui équivaut en gros à une taxe additionnelle de 1 % sur la masse salariale consacrée à le rémunérer.

Depuis 2014, le ministre des Finances préconise le principe de « cran d’arrêt » : aucune dépense ne peut être mise en place sans supprimer une autre dépense d’une ampleur équivalente. Or, dans le cas du RRQ, dont il est responsable, M. Leitão semble ignorer le principe qu’il préconise quand il s’agit des dépenses qui relèvent de ses collègues ministres titulaires d’autres portefeuilles.

Plutôt que de proposer une nouvelle hausse des cotisations, le ministre pourrait chercher à financer la bonification du RRQ d’abord en rognant sur d’autres aspects du régime.

Ainsi, nous limiterions la hausse du fardeau fiscal tout en corrigeant l’iniquité intergénérationnelle qui caractérise actuellement le RRQ.

Si vous êtes un membre de la génération X né en 1980, chaque dollar que vous aurez versé au Régime des rentes du Québec vous rapportera à votre retraite moins de la moitié du rendement qu’un boomer né en 1950 obtient sur le dollar qu’il y a versé. Par contre, si vous faites partie de la génération précédant celle du baby-boom, vous faites partie des privilégiés eu égard au RRQ : le rendement sur les cotisations d’un participant né en 1940 est trois fois meilleur que celui d’un X ou d’un millénial.

Le RRQ est une machine à redistribuer de l’argent vers les générations précédentes. Pour justifier cette redistribution, on invoque un contrat social en vertu duquel chaque génération paie les pensions de vieillesse de la précédente, et peut à son tour compter sur l’effort fiscal de la suivante pour payer les siennes. Mais cet argument est vicié, car il suppose le maintien du rapport entre le nombre de travailleurs et de retraités, ce qui n’est pas le cas.

Les boomers pourraient croire qu’ils ont épargné, par leurs cotisations au RRQ, ce qu’ils reçoivent en prestations de retraite. Et que, par conséquent, ce qui leur a été promis leur est dû. Selon cette perception, il n’y aurait pas de redistribution dans le RRQ. Elle est pourtant fausse.

Les bénéficiaires du RRQ n’ont épargné d’avance qu’environ 15 % des prestations qu’ils s’attendent à recevoir. L’essentiel des prestations versées durant une année provient des cotisations de l’ensemble des travailleurs durant cette même année. Ainsi, les « promesses » faites par les gouvernements dans le passé dépendaient de la volonté de payer des contribuables du futur, pas ceux qui votaient au moment où la « promesse » a été faite.

Le RRQ n’est donc pas une forme de salaire différé comme l’est un régime de pension d’entreprise ; c’est tout simplement un programme social. Les « promesses » faites par le régime envers ses clientèles ne sont donc pas intouchables, encore moins contractuelles.

Dès lors, il est permis de distinguer, parmi les volets et les modalités du RRQ, ceux qui sont essentiels de ceux qui sont simplement populaires. Parmi les différentes manières de réduire le coût du RRQ, le gouvernement en propose déjà quelques-unes, comme d’indexer les rentes en paiement selon l’inflation au Québec, qui est inférieure à celle du Canada. Il s’agit là de pas dans la bonne direction. Mais pour autofinancer une part significative de la bonification, il faudra aller beaucoup plus loin dans les remises en question.

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