OPINION SPORT

Le jeu avant l’enjeu

La quête maladive de victoire et de gloire à tout prix semble conduire aux excès tous azimuts

Horaire d’entraînement chargé dès le plus jeune âge, équipement de sport dernier cri à peine sorti de l’enfance, camp d’entraînement international à la préadolescence et, trop souvent malheureusement, burn-out sportif à 17 ans !

Dans certaines compétitions sportives où nos jeunes athlètes s’exécutent, aurions-nous oublié un élément qui jadis allait de pair avec le sport, c’est-à-dire s’amuser ?

Trop souvent, le moindre signe d’un talent en émergence chez un jeune sportif déclenche un processus pour que ce dernier gravisse le plus rapidement possible les échelons de son sport, de façon à ce que sa progression vers les circuits majeurs soit ponctuée de raccourcis.

Le sport semble aussi avoir pris une tangente dangereuse, celle de la reconnaissance à tout prix.

Même au Jeux olympiques, l’importance de la participation est devenue une notion obsolète. Non seulement la médaille est une finalité, mais le profil télévisé de l’athlète est d’une importance capitale, sans compter les gains substantiels en « j’aime » sur les réseaux sociaux, qui semblent une autre préoccupation majeure.

Heureusement, les parents qui reproduisent leurs rêves déchus d’enfance à leur progéniture semblent en perte de vitesse. Dorénavant, ce qui est inquiétant, c’est plutôt le phénomène de ceux qui clament les vertus de l’esprit sportif… pour les autres !

Est-il de bon augure d’offrir la lune à un enfant de 10 ans dont les parents rêvent d’un futur statut de star et dont il (elle) sera auréolé avec tous les artifices malicieux qui s’ensuivent ? Bien sûr qu’un jeune démontre parfois de belles aptitudes, mais le propulser à tout prix, et prématurément à un niveau trop élevé risque davantage d’enlever la saveur amusante du sport au profit d’une obligation malsaine de performance, phénomène stressant et désagréable qui, trop souvent, représente le début de la fin.

Le tout sans compter l’importance capitale, en jeune âge, de perdre et de gagner des tournois et des compétitions, de respecter et d’encourager les adversaires, de développer soi-même les habiletés qui forment la passion pour l’activité, et toutes les autres étapes qui, un jour ou l’autre, formeront l’acquis déterminant lors d’une finale quelconque, si le désir de poursuivre s’est manifesté, ou alors pourra magnifiquement servir dans la vie après le sport.

La compétition vue à travers trois groupes

Je me rappelle un vieux bouquin de préparation psychologique à la compétition, où des centaines d’entrevues avaient été menées dans le cadre d’une enquête sur la performance. Trois groupes distincts avaient émergé. Ceux qui gagnent à répétition, ceux qui gagnent occasionnellement, et ceux qui travaillent avec acharnement sans résultats probants.

Un mot revenait sans cesse pour caractériser le premier groupe : amusement ! Et plus la circonstance de la compétition était grande, plus ils étaient stimulés positivement. Quant au dernier groupe, c’est les mots « pression », « obligation », et « peur » qui le caractérisaient. Bien malheureusement, peur de la réaction des parents, la plupart du temps.

Il est si triste de constater la définition actuelle du mot « compétition », décrite comme un combat sans merci où le gagnant trône impérialement sur ses adversaires, alors que fondamentalement, l’origine du mot relève davantage d’une réunion de gens passionnés qui, par émulation, s’élèvent à un niveau de performance jamais atteint, au grand plaisir de tous les athlètes, partageant la joie de s’être dépassés !

Cette quête maladive de victoire et de gloire à tout prix semble conduire aux excès tous azimuts. Du dopage au non-respect des règles, des insultes envers les arbitres bénévoles et les organisateurs de tournois aux entraîneurs dictateurs et aux médecins pourvoyeurs d’antidouleurs, jusqu’au verrouillage des portes pour garder les parents hystériques à l’extérieur des arénas, stades et autres piscines. Quel constat !

Je suis certainement ravi d’avoir connu somme toute une belle carrière sportive il y a plusieurs années, mais je me surprends encore d’avoir oublié quelques-unes de mes victoires en Coupe du monde.

Pourtant, mes souvenirs de jeunesse, quand je jouais au baseball avec mon père ou quand je skiais avec mes amis dans les bosses du mont Olympia sont encore bien vivants dans mon esprit.

Je « jouais » au sport, essayant de faire comme mes idoles, attrapant des balles que je pensais impossibles à attraper l’été, et sautant toujours plus haut avec mes skis l’hiver. J’osais imaginer à quel point ce monde des grands athlètes devait être fantastique ! Je ne me doutais pas un seul instant que j’étais à ce moment dans la plus belle période de ma carrière sportive, celle où je rêvais d’être le meilleur, et non celle où les autres rêvaient que je sois le meilleur.

Dans mon cas, si chance il y a eu, sûrement fut-elle d’avoir eu des parents qui croyaient au sport comme développement et non comme finalité. Où le respect des adversaires était aussi important que le respect de soi, finalement, où le jeu était beaucoup plus important que l’enjeu.

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