HUGO HOULE

Tirreno, Rio et chronos

Médaillé d’or aux Jeux panaméricains, titre national au contre-la-montre, premier grand tour : Hugo Houle a confirmé son potentiel l’an dernier. AG2R La Mondiale a récompensé son « bûcheron canadien » avec une prolongation de contrat de deux ans. Son statut consolidé, le cycliste de 25 ans vise plus haut pour 2016.

Progression

Hugo Houle entreprend sa quatrième année en Europe sous les couleurs d’AG2R La Mondiale, une formation du World Tour. « L’équipe a de plus en plus confiance en moi et [les dirigeants] s’attendent à beaucoup plus », indique celui qui a terminé 13e au Grand Prix La Marseillaise, première course de la saison, le 31 janvier. « Ma progression est constante d’année en année et c’est ce qu’ils aiment. […] Je suis devenu un coureur très important dans les stratégies de course pour les classiques. » Cette confiance se traduit par sa première sélection pour les Strade Bianche (5 mars) et la course par étapes Tirreno-Adriatico (9-15 mars), rampe de lancement idéale pour les grandes classiques printanières. Les trois monuments que sont Milan-San Remo, le Tour des Flandres et Paris-Roubaix sont à son calendrier. « Cette année, j’ai vraiment obtenu un programme de courses optimal. »

Comparaison

« Les Jeux olympiques, cette année, c’est l’objectif numéro un », résume Houle, qui dispute le Tour du Qatar cette semaine. Il cible particulièrement le contre-la-montre, spécialité dont il est champion national. Le Canada ne disposant que d’un seul partant à Rio, le tableau est clair : il devra faire mieux que le vétéran Svein Tuft, 38 ans et titré neuf fois au pays depuis 2004. « Tous les chronos où Tuft et moi allons courir l’un contre l’autre serviront de monnaie de discussion avec Cyclisme Canada », explique Houle. Ces occasions seront peu nombreuses. La première devrait avoir lieu le 15 mars à la dernière étape de Tirreno-Adriatico (10,1 km). Le Québécois doit aussi prendre part au Tour de Californie, où un CLM de 20,3 km est programmé le 20 mai. « Après, les décisions doivent être prises », estime Houle, pour qui les championnats canadiens ne devraient pas peser dans la balance.

Simulation

Les courses sont une chose, mais les paramètres d’entraînement serviront aussi à départager les deux spécialistes de l’effort solitaire. Houle partage toutes ses données avec la fédération nationale : puissance développée, poids et coefficient d’aérodynamisme, mesuré l’an dernier sur le vélodrome de Milton. « Pour Rio, ils peuvent faire leur propre simulation. […] Avec ces trois valeurs-là, ils sont capables de savoir le temps que je ferais sur le parcours olympique. Même chose avec Svein. » Il espère aussi que le parcours accidenté et son potentiel pour les JO de 2020 mousseront sa candidature.

Programmation

Après avoir découvert le Giro, son premier grand tour terminé à la 113place, Houle s’alignera cette année sur la Vuelta en septembre. Pour la première fois en cinq ans, il ratera donc les Grands Prix cyclistes de Québec et de Montréal, une absence « déchirante » mais qui lui permettra de mieux préparer les Championnats du monde au Qatar. À moins qu’il ne se « mette à marcher comme un avion de chasse », l’athlète de Sainte-Perpétue devra patienter avant de disputer son premier Tour de France. Si tout se passe comme prévu, le mois de juillet lui servira à mettre la table pour les JO de Rio. 

« En 2017, je veux être au départ du Tour [de France]. Je suis vraiment établi au niveau World Tour. La prochaine étape, c’est le Tour. Une étape à la fois. »

Émulation

Depuis deux ans, Houle partage une maison dans la petite commune de Saint-Restitut avec son compatriote Antoine Duchesne, membre de la formation française Direct Energie. En plus de « rompre la solitude », cette cohabitation permet de pimenter les entraînements. « On est de bons chums en dehors du vélo, mais il y a toujours l’orgueil qui embarque », dit Houle. La personnalité complémentaire des deux amis a aussi ses avantages : « Je suis un peu plus structuré et Antoine est très relax. Des fois, je le structure, et lui me dit de me calmer ! Ça fait un équilibre. »

Pâmoison

À cheval entre l’Ardèche et le Vaucluse, la région est un véritable paradis cycliste. « Au Québec, quand je pars rouler six heures, je n’ai pas la même envie que quand je suis ici, raconte Houle. Tous les matins, on descend notre colline sous le gros soleil. On peut rouler cinq-six heures sans voir un feu de circulation. Les paysages changent d’un endroit à l’autre. Ça arrive deux, trois fois par sortie où Antoine et moi, on se regarde et on se dit : on est-tu bien ici ? »

Motorisation

Le premier cas avéré de triche mécanique, révélé à la fin janvier aux Championnats du monde de cyclo-cross, a surpris Houle. Même si le sujet est dans l’air depuis que Fabian Cancellara a déposé Tom Boonen de façon spectaculaire au Tour des Flandres 2010. « Quand tu es coureur, tu essaies de te dire : bah ! les journalistes cherchent de quoi, ça ne se peut pas... » Cette preuve irréfutable le pousse maintenant à penser qu’il s’est lui-même mesuré à des coureurs propulsés par un petit moteur. « Il n’y a pas de fumée sans feu. Si l’UCI fait des contrôles, ils ont de bonnes raisons de croire que d’autres l’ont fait avant. » Il ne croit pas à un problème généralisé : « Je fais les courses, il n’y a pas d’extraterrestres. » La coupable, une Belge de 19 ans du nom de Femke Van den Driessche, s’expose à une suspension de six mois, une sanction insuffisante, selon le Québécois. « Il faudrait que ce soit quatre ans, merci, bonsoir, comme pour le dopage sanguin. »

Libération

Sans remettre en question le système de justice, Hugo Houle juge « ridicule » la libération, après quatre mois de prison, de l’homme qui a happé mortellement son frère cadet Pierrik en décembre 2012. Guy Richard avait reçu une peine d’un an de prison pour ce délit de fuite ayant causé la mort. Il avait échappé à l’accusation plus grave de conduite avec les facultés affaiblies ayant causé la mort. « Aujourd’hui, j’ai fait mon deuil », dit Houle, qui n’a jamais exprimé de sentiment revanchard. « Ma vie est changée à jamais. Mon frère, je ne le reverrai pas. Il ne me verra pas gagner une étape au Tour de France si ça arrive. […] Oui, [le coupable] a une sentence qui est lourde. Je pense que psychologiquement, ce n’est pas évident. Mais est-ce qu’en tant que société, c’est ce qu’on veut ? Qu’un chauffard qui tue quelqu’un, qui le laisse [pour] mort, passe quatre mois en prison ? Est-ce qu’une vie humaine ne vaut que quatre mois en prison ? C’est à la société québécoise de se poser la question. »

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