Opinion Sylvain Charlebois

ALIMENTATION ET ENVIRONNEMENT
La planète dans notre assiette

Le sujet de la viande divise plus que jamais. Pendant que certains pays comme l’Allemagne envisagent la taxation de la viande, une institution prestigieuse du Royaume-Uni, l’Université Goldsmiths, à Londres, a décidé de bannir le bœuf de son campus.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié la semaine dernière un rapport qui suggérait de consommer moins de viande, s’inscrivant ainsi dans la mouvance.

Le fanatisme et l’acharnement contre la viande, le bœuf surtout, semblent gagner du terrain. Le traitement éthique des animaux est un argument fréquemment utilisé pour inciter les consommateurs à en manger moins. Mais le lien créé entre le contenu de nos assiettes et les changements climatiques retient maintenant l’attention.

Le rapport du GIEC suggère un virage vers un régime quotidien à base végétale. Le groupe recommande aux citoyens de réduire de près de 75 % leur consommation de viande rouge. 

Pour nous, les Canadiens, le groupe souhaite une réduction majeure de l’ordre de 85 %. Autrement dit, pour devenir un citoyen responsable en matière d’environnement, chacun de nous devrait se contenter d’un seul repas à base de viande par semaine.

Un message percutant et très médiatisé. Un récent sondage d’Angus Reid Global nous montre que les moins de 35 ans seraient plus réceptifs à ce genre de message. Mais le rôle du GIEC ne consiste pas à faire des recommandations. Son rôle est plutôt dans l’établissement de constats. Toutefois, le GIEC a la réputation d’être alarmiste, ce qui lui a attiré son lot de critiques par le passé.

La confusion du mandat du GIEC vient du fait que le groupe est composé d’experts scientifiques sollicités pour répondre à des questions à caractère politique. Ses publications ne sont pas révisées par un comité de pairs de façon anonyme comme la pratique courante l’exige pour les revues scientifiques. Même si ses rapports nous invitent à réfléchir sur la façon dont nous consommons nos aliments, les répercussions de ces messages ne se mesurent qu’à très long terme.

Mais pour le commun des mortels, le GIEC et ses travaux ne changent pas grand-chose : les consommateurs continueront à faire leurs choix comme bon leur semble. 

Il n’en demeure pas moins que certaines préférences alimentaires laissent une empreinte carbone plus importante que d’autres. Le rapport montre que la moitié des émissions de méthane en agriculture proviennent des ruminants. Mais le rapport souligne aussi à quel point le gaspillage alimentaire représente un problème majeur. D’ailleurs, les GES résultant du gaspillage alimentaire au Canada sont quatre fois plus importants que les émanations générées par notre consommation de bœuf. S’il y a une chose que nous devons faire, c’est d’accorder la priorité à la réduction du gaspillage.

Ces rapports sont rédigés pour un auditoire international dont la tendance à minimiser les effets des changements climatiques diffère d’une région à l’autre. Les pays en voie de développement commencent à s’intéresser à la viande, alors le message du GIEC tombe à point. Pour nous, en Occident, le rapport fait l’inventaire des viandes les plus « polluantes ». L’agneau et le bœuf comptent au nombre des viandes les moins écologiques, tandis que le porc figure bien dans le palmarès du GIEC. 

La production d’un seul kilogramme de bœuf peut générer 32,5 kg de CO2 et l’agneau en produit 33 kg. Le porc, en revanche, se situe à 12,9 kg. Pour les protéines végétales et les légumes, l’ensemble se situe sous la barre des 2 kg. Contraste important, mais au moins, le GIEC relativise nos choix de protéines animales de façon extrêmement pédagogique.

Le rapport présente un inventaire objectif et éclaire nos choix alimentaires à l’instar de nos préoccupations environnementales.

Il revient à chacun de nous de fournir sa part d’efforts, surtout pour minimiser le gaspillage alimentaire. Quant à la consommation de viande, le sujet demeure délicat. Mais le respect de notre culture et de nos habitudes alimentaires demeure au cœur de ce qui nous divise, et le mouvement anti-viande va parfois un peu trop loin.

Le choix de l’Université Goldsmiths d’interdire le bœuf sur son campus constitue un affront aux traditions et aux coutumes d’une institution d’études supérieures. Les universités demeurent des lieux d’apprentissage sacrés devant laisser libre cours à tous les débats. Un tel choix évince toute possibilité de débattre sur le sujet de la consommation de viande bovine.

Et que dire de la taxation de la viande en Allemagne ? Imposer une taxe additionnelle sur des aliments non transformés relève d’une question de sécurité alimentaire et de discrimination culturelle. Bien qu’il faille aider notre planète, l’application de nouvelles solutions sans insulter personne est nécessaire.

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