Manif d’art 9

Entre ciel et terre

L’exposition centrale de Manif d’art 9 au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ), périple hivernal en art actuel, nous fait voyager entre ciel et terre, dans des territoires fabulés, exploités, assemblés et transposés.

La Biennale de Québec s’est officiellement ouverte hier, alors que les vernissages continuent de s’enchaîner dans les lieux périphériques aujourd’hui (et au-delà pour le nouveau volet jeunes commissaires). 

Il faudra arpenter la ville pour goûter pleinement à cette édition chapeautée du titre Si petits entre les étoiles, si grands contre le ciel. Le pavillon Pierre-Lassonde est toutefois un bon point de départ pour comprendre comment le comité artistique et le commissaire britannique Jonathan Watkins ont marié les œuvres autour du cosmos, du territoire et de l’humain.

Pour cette deuxième présentation de Manif d’art au musée, les œuvres ne débordent pas dans le hall et dans l’escalier pour interpeller les visiteurs. Plus contemplative que L’art de la joie, il y a deux ans, cette mouture « cosmique » invite à ralentir, à s’imprégner et à s’approcher des œuvres. 

Fascinante à observer, Cité laboratoire du Québécois Daniel Corbeil occupe l’antichambre de l’exposition. Cette création architecturale, où poussent de véritables plantes et au-dessus de laquelle flotte un dirigeable chromé, tient à la fois de l’habitation autonome et de la maquette utopique. 

Vija Celmins (Lettonie, États-Unis) signe Untitled (Large Sky), un minutieux ciel étoilé qui est devenu le visuel principal de Manif d’art 9. Une première broderie de Britta Marakatt-Labba, dont l’œuvre renvoie aux conceptions autochtones dans la tradition Sami, en Suède, souligne déjà la place que prennent les artistes des Premières Nations dans la constellation assemblée par l’équipe artistique. 

Tangente nordique 

Plusieurs œuvres de la Biennale hivernale ont une tangente nordique. Les sculptures en os de baleine de Manasie Akpaliapik côtoient l’installation sonore et vidéo Le bruit des icebergs de Caroline Gagné, où le visiteur peut s’immerger dans la masse sonore que créent les lamentations des géants de glace. 

Pour créer Aphélie 1, Patrick Bernatchez s’est placé dans la posture d’un explorateur, a détourné les rayons du soleil et en a gardé la trace sur des photogrammes. Une approche d’inspiration scientifique qui nous introduit bien à deux grands espaces vidéo consacrés au travail de Tomas Saraceno (Argentine, Allemagne).

Fantasmagories

Le son de l’installation Solar Symphony 10 de Harron Mirza sera modulé par le passage des visiteurs sous deux puissants projecteurs braqués sur un panneau photovoltaïque, nous explique Bernard Lamarche, conservateur de l’art actuel au MNBAQ. Les visiteurs pourront aussi marcher au cœur de l’installation vidéo The Colony du Vietnamien Dinh Q. Lê, qui s’est intéressé aux îles Chincha, dans le Pacifique, exploitées pour le guano, un engrais organique convoité.

Un espace bleu nuit est consacré au travail de Fanny Mesnard, une artiste de Québec « qui a fait des bonds de géant ces dernières années », note M. Lamarche. Des bustes en céramique à double face forment une forêt d’idoles hybrides entre des toiles où hommes et animaux forment des compositions surréalistes. De beaux liens à faire avec les dessins au crayon de couleur de Shivinai Ashoona, du Nunavut, qui entremêlent les êtres fantasmagoriques. 

Le dernier espace, le plus grand de l’exposition, permet d’observer les portraits allégoriques faits par Meryl McMaster, qui conjugue son héritage cri et flamand dans de majestueux vêtements sculpturaux. 

La constellation du pied de Reno Salvail montre son épiderme souffrant transformé en une nébuleuse magnifique. 

Au centre s’étend, comme un continent en expansion, Systemus postnaturalis du Tchèque Kristof Kintera, faite à partir de rebuts de l’industrie technologique – cuivre, processeurs, fils, etc. On a l’impression d’y contempler la vue aérienne d’une ville monstrueuse, ou le système nerveux d’un envahisseur mécanique, fascinant et inquiétant à la fois. 

L’exposition centrale est présentée jusqu’au 22 avril, au MNBAQ. 

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