Canadien–Sharks

Territoire hostile

Les déboires d’Antti Niemi font en sorte que la disette de 20 ans du Tricolore à San Jose se poursuit.

Analyse

À Price de jouer

San Jose — Les meilleures transactions sont celles qu’on ne fait pas, dit-on souvent. Bien souvent, l’adage tient parfaitement la route. Pensez au flirt de Milan Lucic avec le Canadien quand il était joueur autonome en 2016.

Mais il y a une transaction que Marc Bergevin n’a pas faite et qu’il doit bien regretter depuis. S’il y a une chose dont son équipe aurait eu besoin, c’était d’un autre gardien.

Hier, Claude Julien a donné un rare congé à Carey Price. Malgré de l’excellent jeu du Tricolore, malgré une domination de 30-15 au chapitre des tirs au but après deux périodes, ça s’est conclu au compte de 5-2 pour les Sharks de San Jose.

L’occasion était pourtant belle pour le CH de mettre fin à sa disette de 20 ans sans victoire à San Jose. Un virulent virus circule dans le vestiaire des Californiens et a empêché Brent Burns et Joe Pavelski de s’entraîner hier matin. D’autres joueurs étaient affectés à un moindre niveau, expliquait l’entraîneur-chef Peter DeBoer hier matin. On ne sait pas s’il faisait partie de ce groupe, mais le gardien Martin Jones jouait par moment comme un type qui faisait 40 de fièvre. Et le CH a livré une rare bonne performance collective dans cet édifice, malgré ce que laisse croire le pointage.

Mais à l’autre bout, Antti Niemi en arrachait tout autant. Une technique défaillante sur le premier but, œuvre de Tomas Hertl. Sur celui de Marcus Sorensen, il a été incapable de fermer l’angle pourtant mince.

Dans les deux cas, des coéquipiers ont aussi commis des erreurs. Andrew Shaw s’est fait enlever la rondelle en zone neutre sur le premier but et a reconnu sa faute après le match. Sur le deuxième, Sorensen n’était pas couvert de très près.

Mais un fait demeure : 95 % des gardiens de la LNH auraient effectué au moins un des deux arrêts, sinon les deux. Et les Montréalais ne se seraient pas retrouvés en arrière 0-2 après 10 minutes, dans un amphithéâtre aussi hostile.

Interrogé sur Niemi, Claude Julien s’est braqué. « Je ne suis pas ici pour montrer du doigt un joueur, mais on a joué un bon match ce soir. C’est dommage parce que pendant deux périodes, on était la meilleure équipe. On a eu beaucoup de chances de marquer, mais on perdait par un but. La troisième a été leur meilleure période du match, et on n’a pas été capables de revenir. »

A-t-il songé à retirer Niemi ? « Prochaine question. Je ne parlerai pas de l’individu, on va parler du match. »

Le cas Kinkaid

Pourtant, personne ne peut être surpris des difficultés de Niemi. Il amorçait ce match avec une moyenne de 3,75 et une efficacité de ,889. Si Carey Price avait participé aux 15 derniers matchs de l’équipe, dont trois fois dans des séquences de deux matchs en deux soirs, c’est en raison des inquiétudes que suscite Niemi.

Le CH n’a pas de solution à Laval. Charlie Lindgren présente une efficacité de ,883 cette saison.

Bref, les signaux d’alarme étaient partout. À la date limite des transactions, les Blue Jackets de Columbus entretenaient eux aussi des doutes devant le filet. Ils ont donc mis la main sur Keith Kinkaid, des Devils du New Jersey. À quel coût ? Un choix de cinquième tour en 2022.

On sait que Marc Bergevin ne voulait pas piger dans sa banque d’espoirs, et idéalement pas dans ses hauts choix de repêchage, mais à un tel prix, le jeu en valait bien la chandelle. D’autant plus que s’il y en a un qui excelle dans les transactions mineures pour régler des problèmes de profondeur, c’est bien Bergevin. Il flaire souvent des aubaines. Brett Kulak, Mike Reilly et Joel Armia sont de bons exemples, dans l’effectif actuel, de joueurs obtenus à bon prix.

Depuis sa performance de 52 arrêts contre les Panthers le 15 janvier, Niemi présente une efficacité de ,831. Il a obtenu quatre départs. Les Montréalais ont perdu les quatre matchs, obtenant un seul point sur une possibilité de huit. Dans un classement aussi serré, ces points perdus pourraient revenir hanter l’équipe.

Il reste 14 matchs à la saison, dont une seule séquence de 2 matchs en 24 heures, le 23 mars à Montréal contre les Sabres de Buffalo, et le lendemain en Caroline contre les Hurricanes. Price sera un homme occupé dans le prochain mois.

Ils ont dit

« Des erreurs comme ça nous ont fait mal »

« On a travaillé fort, on a bien joué. Mon revirement a coûté le premier but, et des erreurs comme ça nous ont fait mal. »

— Andrew Shaw

« On a démontré beaucoup de courage pour gagner. On compose avec quelques cas de grippe dans l’équipe. Notre gardien a été notre meilleur joueur, ce qui nous a donné une chance. Et la troisième période a été notre meilleure. » 

— Peter DeBoer, entraîneur-chef des Sharks

« Je ne savais même pas que j’avais marqué. Je pensais que Weise y avait touché, mais il a dit que non. À ce moment-là, c’était bien. »

— Artturi Lehkonen, qui a mis fin à sa séquence de 29 matchs sans but

« Le quatrième trio a eu de bonnes présences, des chances de marquer. Lehkonen a marqué, ça faisait longtemps. Ce sont des choses positives dans la défaite de ce soir. »

— Claude Julien

Propos recueillis par Guillaume Lefrançois, La Presse

Dans le détail

Un but mérité

C’est enfin derrière lui : Artturi Lehkonen a mis un terme à la plus longue léthargie de sa carrière, hier, en marquant après 29 matchs de suite sans but. Le Finlandais a aussi mis fin à une séquence de 15 matchs sans point. Rien ne fonctionne offensivement pour Lehkonen cette saison, et il lui a d’ailleurs fallu un cadeau de Martin Jones pour trouver le fond du filet. Cela dit, Lehkonen n’a pas volé ce but, lui qui a disputé un fort match, réussissant tous les petits jeux qui lui permettent de justifier sa place dans la formation. C’était aussi un but bien mérité pour le quatrième trio du CH, qu’on n’avait pas autant vu en zone offensive depuis belle lurette. La belle soirée de Nate Thompson a toutefois été gâchée quand le vétéran joueur de centre s’est montré plutôt statique sur le quatrième but des Sharks.

Le renouveau dans la victoire

Les Sharks échappent miraculeusement aux cycles de reconstruction depuis une vingtaine d’années, et on voit déjà apparaître la prochaine génération d’attaquants qui prendra le relais de Joe Pavelski et Logan Couture (qui n’ont pas du tout commencé à ralentir !). Tomas Hertl, 25 ans, a marqué son 30e but de l’année hier. C’est la première fois de sa carrière qu’il atteint ce chiffre. Timo Meier, 22 ans, a quant à lui explosé cette saison et a inscrit hier son 5e point en 64 rencontres. À 6 pi et 210 lb, le Suisse possède les outils pour devenir un excellent attaquant de puissance. Et Kevin Labanc, 23 ans, a établi un sommet personnel cette saison avec 43 points. Ces trois attaquants évoluaient tous au sein de trios différents hier, offrant une belle profondeur aux Sharks. Et tout ça se passe pendant que San Jose se bat pour le 1er rang de l’Association de l’Ouest.

Thornton l’a encore

C’est un Joe Thornton de très bonne humeur que l’on a rencontré après les entraînements de mercredi et d’hier matin. Mercredi, il s’est longuement entretenu avec les médias, ne comptant pas son temps. Et hier, c’était un entretien informel au sujet de sa drôle d’habitude de retirer ses patins en tout dernier quand il enlève son équipement. Sa bonne humeur se transpose sur la patinoire par du jeu encore à point, malgré le fait qu’il fêtera ses 40 ans en juillet. Le grand barbu a à lui seul préparé le but gagnant des Sharks, se servant bien de son gabarit pour empêcher Brett Kulak de s’approcher de la rondelle. Le but a finalement été crédité à Thornton, puisque sa passe vers Marcus Sorensen a été accidentellement déviée par Phillip Danault. Il ne ressemble pas à un joueur sur le point de raccrocher ses patins.

En hausse

Paul Byron

Contre des Sharks qui n’étaient pas à leur meilleur, il a bien exploité sa vitesse et a généré de bonnes occasions.

En baisse

Jordan Weal

Après avoir livré un fort match mardi à Los Angeles, il est revenu sur terre hier et a terminé la rencontre avec une fiche de - 2.

Le chiffre du match

18

Tout le monde le sait, le Canadien n’a pas gagné à San Jose depuis 1999. Mais ça fait maintenant 18 périodes de suite que le CH n’a pas détenu l’avance dans un match au SAP Center. Dernière fois : le 1er décembre 2011.

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