Opinion
Le Québec dans l’œil du monde

Le CH perd, le Québec gagne

Avant de commencer, faisons la mise en garde : je suis un amateur de hockey. Je suis un fan du Canadien et pour moi, les Nordiques jouent sur la route depuis 1995. J’aime le hockey !

J’analyse aussi les phénomènes médiatiques et je fais des observations sur notre société à travers le filtre des médias.

Cela étant dit, avec la tenue du tournoi de golf du Canadien qui se tient chaque année en septembre, nous remarquons toujours une chute moyenne de 17 % de l’intérêt médiatique pour des sujets comme la santé, la pauvreté, les aînés, la culture et l’enfance. Entendons-nous, Jean-Charles Lajoie, Renaud Lavoie, François Gagnon et Ron Fournier ne sont pas la cause de notre désintérêt collectif pour certains sujets. Toutefois, le journal n’est pas plus épais. Les journées ne sont pas plus longues. Les médias font de la place en limitant les sujets moins rentables.

Soyons honnêtes. Les cotes d’écoute, le tirage et la fidélité des clientèles sont des moteurs fondamentaux dans les priorités médiatiques.

Servir l’intérêt commun est la mission des journalistes. L’impératif financier est la réalité incontournable des médias.

Est-ce possible de soutenir un intérêt quotidien pour le harcèlement sexuel, ses causes, ses impacts, ses victimes ?

Non, me direz-vous.

Vraiment ?

Pourtant, entre novembre 2017 et février 2018, au moins une station de radio ou de télé, un quotidien ou un site web reconnu a annoncé pendant 95 jours d’affilée que le Canadien de Montréal allait ou devait effectuer prochainement une transaction relativement importante. 

Jamais dans l’histoire contemporaine de nos médias nous n’avons remarqué un tel phénomène. Une nouvelle qui a vécu plus de trois mois sur la promesse d’une transaction qui n’est jamais arrivée. Incroyable !

Il y a donc moyen de faire pas mal de chemin avec très peu.

Si le Canadien de Montréal avait dû payer toute la visibilité médiatique que l’équipe a obtenue gratuitement pour promouvoir son produit cette année, il aurait dû débourser environ 104 millions de dollars, sans compter la diffusion des parties. C’est pourtant 39 % de moins que l’an dernier avant le début des séries.

En 2017, 58 % des nouvelles du sport au Québec ont porté sur le CH. En Ontario, les Leafs, qui ont une équipe (avouons-le) pas mal plus spectaculaire, ont généré seulement 18 % des nouvelles du sport.

Le sport demeure toujours au singulier au Québec. L’Impact de Montréal est 2e avec seulement 7 % du marché. Ce secteur de l’information est presque toujours le thème le plus prisé au Québec.

Vingt-cinq pour une

Imaginez. Malgré la saison catastrophique que l’équipe connaît présentement, l’ensemble de nos médias a accordé globalement 25 minutes d’analyse pour chaque minute de jeu du Canadien cette saison. Transposé en temps de match, c’est l’équivalent de 63 parties jouées par le Canadien chaque semaine !

Il y a certainement un prix social à payer pour un intérêt aussi monolithique. C’est seulement quand l’équipe disparaît du radar qu’on peut en prendre la pleine mesure.

Avez-vous la moindre idée de ce qui arrivera si la LNH accorde une deuxième franchise au Québec ? Je finis par croire que ce n’est pas souhaitable. Pas encore.

Pour replacer les choses en perspective, le hockey n’est que le 11e sport le plus médiatisé dans le monde devant la course de motos. En 2015, il se trouvait même derrière la voile.

Et le pire ? Nous ne sommes pas des amateurs de hockey. C’est le CH qui nous fait vibrer. Le lendemain de l’élimination de l’équipe, le poids du hockey va fondre de 66 % dans nos médias jusqu’au repêchage qui aura lieu en juin. Dans les autres marchés comme Edmonton, Ottawa ou Vancouver, la chute d’intérêt n’est que de 33 %. Ailleurs, on aime le hockey. À Montréal, nous vibrons pour les joueurs du Canadien.

Dans quelques jours, alors que la direction et les joueurs feront le point sur ce dérapage magistral, soyez bien attentifs à une transformation progressive de l’actualité.

Vous entendrez de plus en plus parler de politique provinciale qui nous offrira un scrutin dans quelques mois.

Nous verrons apparaître de plus en plus d’opinions sur la tenue prochaine du Sommet du G7.

Les salles d’urgence seront tout à coup d’un intérêt certain pour la presse québécoise.

Nous saurons si la grippe fera, à sa façon, les séries de fin de saison.

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