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Le musée, lieu de valeurs citoyennes

La société québécoise n’échappe pas, ces dernières années, à de nouvelles tensions qui ont pour nom la méconnaissance et l’exclusion de l’autre, l’intolérance et la prolifération de propos et de gestes haineux ou encore la ségrégation reposant sur l’identité de genre, de religion et de race.

Il est clair que nous avons de nouvelles raisons de retourner le miroir vers nos valeurs individuelles pour en sonder la légitimité et le bien-fondé. Acteurs gouvernementaux et institutionnels, penseurs de plusieurs horizons et citoyens de toutes les générations se préoccupent des clivages qui se sont créés et dont les échos retentissent avec plus de force sous l’effet des médias sociaux. Plusieurs sont appelés à participer à ce vaste défi de conciliation des différences qui malmènent ce que l’on appelle communément le « vivre ensemble ».

Il est fréquent d’entendre affirmer que l’éducation est la clé de voûte de ce défi. Une telle évidence, si souvent relayée dans les médias, au travail, dans les familles, dans les conversations de tout un chacun, ne semble pourtant pas se traduire en gestes assez concrets pour infléchir le cours des choses. Et malgré la volonté ministérielle québécoise d’entamer divers chantiers de réinvention de l’éducation nationale, un certain scepticisme règne, qui nous empêche de miser collectivement sur une institution pourtant bien implantée et reconnue : le musée.

Les musées font partie de la solution. Ils sont des vigiles et des régulateurs de tension. Ils participent à la production d’identités pacifiées et partageables entre les cultures et les peuples.

Ils s’impliquent pour assurer, par la transmission des savoirs universels, le plein développement culturel des jeunes et moins jeunes citoyens, espérant former une société responsable, ouverte et épanouie. Car depuis une centaine d’années, ils ont vécu une transformation majeure, de dépôts d’œuvres et d’objets muets et voués à l’étude et à la contemplation, en lieux d’expériences définies sous l’angle de l’éducation et de la médiation.

Baromètre de notre vie actuelle

Le musée est devenu un véritable « agent éducateur » destiné à s’intégrer étroitement aux politiques éducatives de l’État. La plupart des musées sont plus que jamais soucieux de notions telles que l’acceptabilité sociale, la diversité culturelle et de genre, les communautés autochtones, les personnes en situation de handicap, etc. Leur rôle consiste à interpréter le monde en présentant, notamment, des pratiques artistiques qui se font le baromètre des grandeurs et des misères de notre vie actuelle, en proposant les œuvres d’art comme un espace de rencontre révélant les multiples formes de la diversité humaine, en confrontant les divers publics à leurs préjugés, mais également à leur capacité d’ouverture. Le musée est cet exceptionnel instrument de communication et de débat constructif entre les personnes et les cultures, un passeur de récits passionnants, bien que parfois difficiles, un catalyseur de dialogues se définissant de plus en plus comme vecteur de l’enrichissement individuel et collectif.

Avec ses collections et ses expositions, qu’elles soient historiques, artistiques, ethnographiques ou autres, le musée s’affaire depuis longtemps à faire connaître de larges pans de notre histoire comme à diffuser les témoins d’autres cultures telles que celles des communautés d’immigration passée et récente dont nous avons tout à apprendre.

Pourquoi ne pas miser davantage sur le musée comme ce lieu par excellence où les Québécois, quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent, apprennent à connaître le monde et à ne pas s’alarmer de ce qui ne leur est étranger ? Voir des représentations du Vatican et de La Mecque dans des peintures ou des photographies, découvrir de beaux spécimens de la Bible, de la Torah ou du Coran, identifier les Apôtres ou reconnaître les Pères de la Confédération canadienne, apprécier la fabuleuse géométrie d’un tapis perse aussi bien que celle d’une peinture de Molinari, s’époustoufler d’une vidéo de Jean-Pierre Aubé montrant la découverte des exoplanètes en temps réel, voilà un programme d’accession au savoir, à l’histoire, à l’environnement, à l’art, à la pensée critique dont il est certainement possible de voir la pertinence d’un point de vue éducatif.

Aller au musée ou l’explorer grâce à ses portails numériques qui nous renseignent sur une foule de sujets constitue un remarquable moyen de résorber les différences, l’intransigeance, l’inquiétude de communautés qui sont pourtant condamnées à s’entendre. Depuis de nombreuses décennies, les professionnels des musées savent qu’il faut mettre le musée et l’art à l’avant-plan du développement et de l’accompagnement citoyen pour jouer un rôle crucial dans l’éclosion et le partage d’une culture de base sur laquelle bâtir le respect, l’inclusion et l’avenir.

Comme carrefour de savoirs à partager collectivement, le musée, cette formidable institution que le Québec a souhaité développer avec force depuis 50 ans, mais qu’il a souvent laissé souffrir, se porte volontaire. Il est là, heureux de recevoir les citoyens sans distinction, prêt à lui présenter le monde avec le souci qu’impose son devoir de vérité, désireux d’être partie prenante de la vision éducative du Québec.

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