Panneaux solaires

Le soleil mis à contribution

Bruno Rodrigue produit 97 % de l’énergie qu’il consomme.

Pour 12 mois, Hydro-Québec lui a facturé 172 $. Or, il habite une maison détachée à Adstock, à proximité de Thetford Mines, avec sa conjointe et leurs deux filles de 16 et 14 ans.

Il a installé sur son terrain et sur le toit de son habitation des panneaux photovoltaïques qui produisent 7 kWh. Bien sûr, sa demeure est orientée de façon optimale pour profiter des rayons du soleil. Elle a aussi été minutieusement construite, en 2014, en portant attention à l’isolation de la fondation, de la toiture et des murs et en installant des fenêtres à triple vitrage. L’éclairage à DEL a été privilégié, ainsi que des électroménagers performants homologués Energy Star.

« Je suis un cordonnier bien chaussé, souligne le technicien en électronique, dont la passion pour l’énergie solaire est née il y a 10 ans, le menant à fonder l’entreprise Survolte Énergie. « Au début, je cherchais du matériel pour une installation de secours, explique-t-il. Ce système-ci est conçu pour retourner l’excédent d’énergie dans le réseau d’Hydro-Québec et prendre de l’énergie quand on en manque. »

De mars à octobre, il produit plus d’énergie qu’il n’en consomme et injecte le surplus dans le réseau. De novembre à la fin de février, il produit moins d’énergie, utilisant ce qui lui a été crédité.

Depuis trois ou quatre ans, ceux qui se font installer des panneaux photovoltaïques ne le font plus uniquement par obligation, constate-t-il.

« Toutes les raisons sont bonnes, dit-il. Ce peut être fait pour des raisons économiques, pour l’environnement, pour une question de sécurité ou parce que les poteaux d’Hydro sont à 10 ou 15 km. Les prix ayant diminué, cela se démocratise. »

Un marché en croissance

Ceux qui s’équipent de panneaux photovoltaïques ne se branchent pas habituellement au réseau électrique. « On vend beaucoup de petites installations de moins de six panneaux avec batteries pour des chalets et de petits bâtiments dans le bois, pour fournir un minimum d’électricité », indique Marco Deblois, président de Rematek, grossiste en produits d’énergie renouvelable.

Environ 90 % des systèmes achetés sont hors réseau, estime-t-il. Mais ce pourcentage diminue chaque année.

« J’ai cinq ou six projets en cours, qui seront reliés au réseau sous peu. D’autres s’en viennent. »

L’opération n’est pas encore rentable, convient-il, mais cela n’empêche pas des passionnés de tenter l’expérience. « La chute des prix continue, atteignant un niveau qui devient alléchant », note-t-il.

« Depuis 2010, le coût des panneaux photovoltaïquesa diminué de 75 % et celui des onduleurs a baissé de 60 % depuis 2011. On est à une ou deux années d’être à parité. »

— Marco Deblois, président de Rematek, grossiste en produits d’énergie renouvelable

Gérer sa consommation

En date du 31 décembre, ils sont 124 au Québec à profiter de l’option de mesurage net d’Hydro, injectant dans le réseau les surplus obtenus en échange de crédits (en kilowattheures) qu’ils utilisent lorsque leur production ne suffit plus. Or, 103 d’entre eux sont des autoproducteurs solaires photovoltaïques.

« Leur nombre progresse, mais il demeure limité », souligne Marc-Antoine Pouliot, attaché de presse chez Hydro-Québec. Le nombre d’autoproducteurs augmente « plus rapidement ailleurs, où l’électricité coûte plus cher, précise-t-il. Ici, c’est plus long pour amortir le coût du système. La motivation économique est moins présente. »

À plusieurs endroits, au Canada et aux États-Unis, il est avantageux d’avoir des panneaux photovoltaïques. Les gains écologiques y sont par ailleurs supérieurs, puisque des énergies fossiles (gaz naturel, charbon, diesel) servent à produire l’électricité.

« On est loin de cela au Québec, précise M. Pouliot. Notre contexte énergétique est différent. »

Hydro-Québec s’intéresse tout de même aux énergies vertes. Deux maisons du futur, à la fine pointe de la technologie avec des panneaux photovoltaïques et des thermostats intelligents, sont en train d’être aménagées à Shawinigan.

« Il y a plein d’enjeux, explique M. Pouliot. En période de pointe l’hiver, par exemple, quand tous se chauffent, on doit parfois acheter de l’électricité chez nos voisins. On cherche des moyens de réduire ces achats. La technologie offre de plus en plus de solutions qui n’existaient pas il y a 10 ou 15 ans. »

« Wow ! »

Emmanuel Cosgrove, directeur général d’Écohabitation, est surpris que 124 personnes profitent de l’option de mesurage net.

« Ce n’est pas rentable, mais ils le font parce qu’ils le veulent. Ce sont pour la plupart des écolos qui tripent. »

— Emmanuel Cosgrove, directeur général d’Écohabitation

Ici, rappelle-t-il, les 30 premiers kilowattheures par jour coûtent 5,71 cents chacun. Les suivants coûtent 8,68 cents. Or, en calculant qu’un ensemble solaire coûte environ 30 000 $, chaque kilowattheure finit par coûter 11 cents si on calcule un financement avec une période d’amortissement de 25 ans, souligne-t-il.

« On est loin d’être comme en Californie, où l’énergie solaire coûte moins cher que celle provenant du réseau. Le côté financier ne nous avantage pas du tout. »

Pour l’instant, au Québec, l’installation de panneaux photovoltaïques n’est pas avantageuse, croit-il.

« Ce n’est pas intéressant pour une région qui est en surplus d’électricité, sauf pendant les périodes de pointe, à l’heure du déjeuner et du souper, où justement les panneaux ne sont pas à leur mieux, précise-t-il. Mais nous n’aurons pas toujours des surplus. Mieux vaut se préparer et collectivement équiper nos toitures de panneaux solaires plutôt que d’investir dans des mégaprojets. C’est logique de penser à des sources décentralisées d’énergie. »

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