Opinion : Brésil

Un homophobe avoué aux portes du pouvoir

Au lendemain de l’assassinat de Marielle Franco, conseillère municipale de Rio de Janeiro, tous les regards se sont tournés vers l’un des favoris à la présidence aux élections des 7 et 28 octobre prochains, Jair « Messias » Bolsonaro. Interrogé à savoir s’il condamnait le meurtre odieux et ciblé de sa collègue, le député a préféré rester silencieux.

Marielle Franco, femme de pouvoir, activiste afro-brésilienne, ouvertement homosexuelle et militante pour les droits des LGBTQ, incarnait tout ce qui menace la structure sociale conservatrice que Bolsonaro s’efforce d’imposer depuis des décennies.

Qu'il n'ait pas dénoncé le meurtre d’une élue par crainte de « créer la polémique » nous rappelle que les bases sur lesquelles s’appuie Bolsonaro pour accéder à la présidence sont haineuses. Et jusqu’à quel point il représente une menace réelle pour la sécurité des communautés vulnérables, en particulier des homosexuels.

La haine comme élément propulseur

Dès son apparition dans l’arène politique, l’ancien militaire parachutiste Jair Bolsonaro s’est attiré les foudres de l’opinion publique en prônant la fermeture du Congrès où il venait d’être élu. « Nous ne pourrons résoudre les problèmes du pays avec cette démocratie irresponsable », a-t-il plaidé en 1993. Vingt-cinq ans plus tard, sa volonté de réinstaurer le régime militaire qui a étouffé le Brésil de 1964 à 1988 est toujours l’élément principal de sa plateforme électorale. Mais ce n’est pas là l’élément le plus controversé.

Au cours d’une longue carrière politique, Bolsonaro s’est fait connaître à grands coups de propos racistes, homophobes et misogynes.

C’est aujourd’hui, en dépit de (ou grâce à) ce parcours entaché de polémiques que Bolsonaro se voit aujourd’hui propulsé aux portes de la présidence.

À une chanteuse afro-brésilienne populaire, le candidat a dit que « ses fils ne couraient pas le risque d’avoir des relations avec une Noire parce qu’ils sont bien éduqués et ne traînent pas dans des milieux lamentables comme les siens ». À Maria Roséane, collègue députée de Rio, Bolsonaro a lancé « qu’elle ne mérite pas qu’il la viole » avant de lui envoyer des « va donc pleurer » devant les journalistes déconcertés.

Une homophobie viscérale

L’homophobie avouée de Bolsonaro est bien documentée. Adepte de la thérapie de conversion, il enchaîne depuis des années les propos attestant que l’homosexualité est une corruption de l’éducation ou encore un manque de « correction corporelle à l’enfance ». L’homosexualité est selon lui alimentée par la consommation de drogue et une conséquence de l’exil des femmes du foyer vers le marché du travail. Père de cinq enfants, il a affirmé préférer « les voir mourir dans un accident de voiture plutôt que de les savoir gais ».

En entrevue pour la série documentaire anglaise Out There, Bolsonaro a ragé contre l’objectif des homosexuels de « convertir les garçons dès l’enfance afin de satisfaire plus tard leurs désirs sexuels » devant un Stephen Fry visiblement ébranlé.

Plus récemment, en réaction à l’exposition d’art Queermuseu sur la diversité des genres, Bolsonaro a affirmé que les auteurs « devaient être fusillés ».

Dans un pays où les homosexuels sont victimes du plus haut taux d’homicide au monde, ces propos sinistres doivent être dénoncés, au Brésil comme ailleurs.

Brésil : terre de contradictions

Lorsqu’il est question des droits des homosexuels, comme bien d’autres sujets, le Brésil est confronté à de profondes contradictions. Même s’ils bénéficient de droits encadrés par la loi (le mariage entre conjoints de même sexe est autorisé par le Conselho Nacional de Justiça depuis 2013, l’adoption homoparentale est légalisée par la Cour Suprême depuis 2010), la juge Rozangela Justinoa a autorisé l’an dernier le recours à la thérapie de conversion, pourtant interdit depuis 1999.

« Nous sommes immensément inquiets », confie Gabriela Duarte, journaliste gaie habitant à Sao Paulo, « parce que ces droits sont mal protégés par la loi dans leur forme actuelle ». Elle ajoute que « même si nous sentons une progression dans l’acceptation de l’homosexualité dans notre société, nous ne nous sentons jamais vraiment en sécurité ».

Selon le sondage Datafolha, le pourcentage des Brésiliens qui croient que l’homosexualité devrait être acceptée par la société a bondi de 64 % en 2014 à 74 % en 2017. Même si ces données sont encourageantes, il n’en demeure pas moins que plus de 400 homosexuels ont été assassinés au Brésil en 2017. Selon le groupe de défense Grupo Gay de Bahia, il s’agit d’une hausse de 30 % par rapport à l’année précédente.

L’élection à la tête du Brésil d’un ex-militaire ouvertement fasciste, raciste et homophobe aurait des conséquences sans précédent dans ce pays déjà en proie aux divisions sociales et à la violence.

Bolsonaro n’est pas simplement un de ces politiciens qui s’alimentent de la controverse qu’ils créent en offensant des groupes vulnérables. Il est une véritable menace à leur sécurité. Et cela devrait inquiéter non seulement tous les Brésiliens concernés, mais également le monde entier.

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