Politique

Les échos des collines

Chaque samedi, nos correspondants parlementaires de Québec et d’Ottawa nous livrent un coup d’œil décontracté sur l’actualité de la dernière semaine.

La Presse

Du Quik aux fraises dans son bureau

Alors qu’il était chef par intérim du Parti québécois, il y a trois ans, Sylvain Gaudreault a marqué les esprits en martelant son opposition au projet de pipeline Énergie Est. « Il coulerait du Quik aux fraises du pipeline et nous serions encore contre », avait-il lancé à l’époque. La déclaration a coloré le débat sur les oléoducs au point que le député de Jonquière a reçu un cadeau de circonstance de son collègue Pascal Bérubé : une bouteille du sirop rose qui reste toujours en vue dans son bureau. Le local recèle un autre objet à valeur symbolique. On y trouve un billet de « six sous courant », émis au XIXe siècle par la forestière Price. Cette monnaie, couramment appelée la « banque à pitons », était utilisée pour payer les travailleurs québécois tout en les obligeant à dépenser leur revenu dans les magasins de la Price. M. Gaudreault y voit un témoin de la domination passée des Anglais sur les Québécois, et c’est pourquoi il conserve toujours le billet à portée de vue.

Leitão rafraîchit la mémoire de la CAQ

Maintenant dans l’opposition, l’ex-ministre libéral des Finances Carlos Leitão a rappelé au souvenir de tous ce que François Legault lui demandait « sans cesse » il y a à peine deux ans : baisser les impôts de 1000 $ par famille en utilisant une partie des surplus budgétaires et des versements au Fonds des générations. « C’est bien beau, la dette du Québec, mais il faut penser à la dette des Québécois », disait François Legault à l’époque. Or son gouvernement a plutôt augmenté les versements au Fonds des générations. Et en raison des hausses de dépenses prévues dans son premier budget, le ministre des Finances, Eric Girard, dit même ne pas avoir assez d’argent pour rendre les allocations familiales aussi généreuses que promis en campagne électorale. Il ne prévoit aucune baisse d’impôt avant 2024, malgré des surplus historiques. Compte tenu du discours passé de la CAQ, « est-ce que le ministre des Finances peut admettre qu’il s’est trompé ? », a demandé Carlos Leitão au Salon bleu. Novice de la joute parlementaire, Eric Girard a paru figé comme un chevreuil devant les phares d’une voiture : « Je cherche la question, monsieur le président. Je suis désolé. Je cherche la question », a-t-il dit avant de rappeler les objectifs de réduction de la dette. Il a reconnu qu’en matière de taxation, « nous sommes les champions du Canada », précisant néanmoins que les taxes scolaires allaient diminuer progressivement.

Les dread-quoi ?

Le projet de loi sur la laïcité du ministre Simon Jolin-Barrette a suscité plusieurs questions, cette semaine, alors que Québec ne définissait pas clairement ce qu’était un signe religieux. À une question pertinente de Mathieu Dion de Radio-Canada, le ministre a répondu que les alliances (scellant des unions célébrées à l’église) n’étaient pas considérées comme des signes religieux. Les dreadlocks le seront-ils ? a demandé une journaliste. Les dread-quoi ? Les cheveux ? a demandé M. Jolin-Barrette. « Les dreads », a répété un journaliste, « des rastas », a complété un autre. « Des tresses », a finalement précisé quelqu’un dans la salle de presse. Bref, non, les « dreads » ne sont pas visés par le projet de loi caquiste.

Le vélo de Jagmeet

Les rues du centre-ville d’Ottawa sont bien dégagées, mais il reste encore pas mal de neige dans la région de la capitale nationale. Et bien que les températures printanières se fassent attendre, le chef du NPD Jagmeet Singh enfourche déjà son vélo tous les jours pour se rendre au travail, à la Chambre des communes, depuis sa victoire lors de l’élection partielle du 25 février dans Burnaby-Sud. On l’a vu encore une fois cette semaine en train de pédaler sur la colline du Parlement, saluant au passage les travailleurs avant d’attacher son vélo au poteau d’un panneau d’arrêt en face de l’édifice de l’Ouest, là où les députés ont installé leurs pénates pour la prochaine décennie en raison des travaux qui seront exécutés dans l’édifice du Centre. Certains seront tentés de dire que M. Singh contribue à lutter contre les changements climatiques, un coup de pédale à la fois.

Le mariage avant la politique

La chef du Parti vert du Canada, Elizabeth May, ne pourra se rendre à l’Île-du-Prince-Édouard le jour du scrutin pour aller appuyer son homologue provincial, Peter Bevan-Baker, dont la formation a le vent en poupe. C’est que la veille, le 22 avril, Jour de la Terre, elle se fera passer la bague au doigt par John Kidder dans la cathédrale de Victoria, en Colombie-Britannique. « Ma cérémonie de mariage est la journée d’avant, alors je ne peux pas vraiment annuler ma cérémonie. Mais j’ai promis à mon ami Peter Bevan-Baker que je serais là dans les prochaines semaines, bien sûr », a-t-elle confié en entrevue à La Presse cette semaine. Reste à voir si elle aura en guise de cadeau de mariage l’élection d’un premier gouvernement provincial vert.

Sens de l’humour à parfaire

Encore une fois cette semaine, Justin Trudeau s’est fait prendre en flagrant délit d’humour douteux. Lors d’une soirée de financement à Toronto, mercredi soir dernier, il a raillé une manifestante venue dénoncer la situation dans une communauté autochtone où la source d’eau potable est contaminée par le mercure. Au moment où elle était escortée vers la sortie, le premier ministre lui a balancé : « Merci beaucoup pour votre don ce soir ! » Il a fait acte de contrition le lendemain. Ce n’est pas la première fois que le chef libéral fait une blague qui se retourne contre lui : en février 2018, il avait attiré l’attention des médias nationaux et internationaux en disant préférer le terme « peoplekind » à « mankind ». Il avait ensuite assuré qu’il badinait. Deux ans auparavant, il s’était montré frondeur en lançant une boutade dans un entretien à Radio-Canada, où il lui avait été demandé s’il appuyait l’idée de désigner Ottawa ville bilingue. « Est-ce que la Ville de Gatineau serait ouverte à devenir une ville bilingue, elle ? », avait-il lâché, sourire en coin. Peut-être Justin Trudeau devra-t-il raffiner (ou laisser au vestiaire) son sens de l’humour alors que les élections approchent à grands pas.

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