VIH

Le Québec en plein flou réglementaire

Se protéger contre le VIH en prenant Truvada tous les jours coûte cher : 950 $ par mois au Québec. Mais Michael, qui en consomme quotidiennement depuis deux mois, ne paie que 25 $ par mois. Le reste de la facture est assumé par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).

Ce remboursement de la RAMQ est singulier pour deux raisons. D’abord parce que le Truvada n’a jamais été approuvé par Santé Canada pour un usage préventif. L’entreprise qui le commercialise, Gilead, a confirmé à La Presse qu’elle n’a même jamais déposé de demande pour faire approuver son produit au Canada pour cette utilisation.

Ensuite, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) sous-pèse habituellement les coûts et les bénéfices d’un médicament pour un usage donné avant de décider si Québec le remboursera aux patients. Or, ce travail n’a jamais été fait dans le cas de Truvada à des fins préventives.

« Il n’y a pas eu de consensus sur l’idée de faire de la prophylaxie préexposition un outil de prévention à inclure dans le panier de services existant », écrivait le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) dans un avis émis en 2013. Le Ministère y ouvrait cependant la porte à ce qu’elle soit utilisée « de manière exceptionnelle » chez des clientèles « très à risque ». Selon Marie-Claude Lacasse, porte-parole du MSSS, un comité d’experts sera convoqué « sous peu » afin de tenter d’établir de nouvelles lignes directrices.

REMBOURSEMENT

En attendant, comment Québec peut-il rembourser un traitement qui n’est pas approuvé par Santé Canada et au sujet duquel il n’a pu dégager de consensus clair ?

La réponse : parce que Truvada est, traditionnellement, un médicament utilisé non pas pour prévenir la transmission du VIH, mais pour traiter ceux qui sont déjà infectés par le virus. Il y a donc du Truvada sur les tablettes des pharmacies québécoises depuis longtemps. Et la RAMQ s’avoue incapable de savoir à quoi servent les médicaments qu’elle rembourse aux patients.

« Nous, quand ça arrive dans nos systèmes, on a une demande de remboursement du Truvada et on le rembourse parce que c’est sur la liste. Mais on n’a pas les moyens de savoir si c’est pour la prophylaxie ou pour le traitement. »

— Caroline Dupont, porte-parole de la RAMQ

La RAMQ dit faire confiance aux médecins pour prescrire correctement Truvada. Et selon le Collège des médecins, ceux-ci ne contreviennent pas à leur code de déontologie en le prescrivant de façon préventive.

« Les médecins ont le droit de prescrire un médicament pour traiter un problème de santé donné même si Santé Canada l’a approuvé pour une autre condition médicale, explique Leslie Labranche, porte-parole du Collège des médecins. Ils doivent toutefois pouvoir justifier leurs actes médicaux et toujours pratiquer selon les principes scientifiques les plus actuels. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.