PRODUCTIVITÉ

Hydro-Québec pourrait faire mieux, dit un rapport d’experts

Hydro-Québec, la plus importante entreprise qui appartient aux Québécois, remplit-elle efficacement la mission qui lui a été confiée lors de la nationalisation de l’électricité en 1963 ? Après un examen exhaustif, des chercheurs du Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal concluent que la société d’État pourrait faire beaucoup mieux.

Hydro-Québec a réussi au fil des années à maintenir les tarifs d’électricité à un niveau relativement bas et à verser des milliards de dollars en dividendes au gouvernement. Mais son efficacité décline et, depuis dix ans, elle peine à générer plus de richesse.

« Les tarifs pourraient être encore plus bas et les profits, plus élevés », affirme Robert Gagné qui, avec deux autres chercheurs du Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal, a examiné la performance de l’entreprise dans une perspective historique.

« On voit que son efficacité décroît au fil du temps », explique-t-il lors d’un entretien avec La Presse.

Contrairement à la Société des alcools et à Loto-Québec, qui ont fait l’objet d’un examen semblable, Hydro-Québec n’a pas les mêmes problèmes de productivité, conclut la première partie de l’étude. « Si on regarde uniquement les tarifs et les profits, les dirigeants s’acquittent bien de leur mission », estime Robert Gagné.

Il serait difficile de faire autrement, selon lui, étant donné que l’entreprise exploite des ressources naturelles formidables et qu’elle n’a pas de concurrence. Faire de l’argent, dans ces conditions, « c’est pas mal moins compliqué qu’envoyer une fusée sur la lune », illustre-t-il.

Cela dit, les chercheurs ont remarqué que l’efficacité d’Hydro-Québec diminue, si on regarde plus loin que les tarifs et les profits. En fait, l’entreprise peine à tirer le profit maximum de ses énormes investissements en capital, ses employés et son monopole. 

« Tout a l’air de bien aller, mais quand on creuse un peu, on constate que l’entreprise peine à générer plus de richesse malgré une augmentation de sa capacité de production. »

— Robert Gagné, directeur du Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal

Trois explications

Cette perte d’efficacité s’explique de trois façons, selon les chercheurs.

D’abord, Hydro a développé en premier les projets hydro-électriques les moins coûteux et les plus rentables. Ses derniers investissements, comme le projet La Romaine, coûtent plus cher et sont moins rentables. Ensuite, les dirigeants de la société d’État n’ont pas été très forts pour prévoir la demande d’électricité, au Québec et sur les marchés voisins, ce qui a mené l’entreprise à accumuler des surplus importants qui minent sa rentabilité. Et enfin, le gouvernement a utilisé Hydro-Québec pour faire du développement régional et a lui-même contribué à réduire l’efficacité de son entreprise.

« En obligeant Hydro à investir dans l’énergie éolienne, le gouvernement a forcé les consommateurs à assumer des tarifs plus élevés de 2,5 milliards, selon l’estimation de la vérificatrice générale, et il a accentué le problème d’efficacité de l’entreprise », pointe Robert Gagné.

Cette intervention de l’État dans la gestion d’une entreprise commerciale doit cesser, selon lui. « Le gouvernement peut très bien continuer d’utiliser Hydro-Québec comme outil de développement régional, dit-il. Mais il doit attendre la fin de l’année, quand les profits seront sur la table. À ce moment-là, il peut décider où investir cet argent. »

Des tarifs avantageux

Depuis la nationalisation de l’électricité, les tarifs d’électricité au Québec ont augmenté à un rythme inférieur ou similaire à l’inflation. La croissance des tarifs d’électricité au Québec a aussi été moins élevée qu’ailleurs au Canada. « S’il avait augmenté au même rythme que dans le reste du Canada, le tarif résidentiel moyen au Québec serait aujourd’hui 34 % plus élevé », précise l’étude.

Des bénéfices juteux

Quand elle est devenue une société d’État à vocation commerciale, en 1981, Hydro-Québec a reçu la mission de contribuer à l’enrichissement collectif, en plus de maintenir les tarifs les plus bas possible. Avec les années, l’entreprise a augmenté sa rentabilité, si bien qu’en 2008, sa contribution totale au trésor public représentait à elle seule 85 % de tous les impôts payés par l’ensemble des entreprises du Québec.

Éliminer la Régie

Historiquement, les tarifs d’Hydro-Québec ont augmenté au même rythme que l’indice des prix à la consommation. Tout le processus de fixation des tarifs qui se passe devant la Régie de l’énergie est donc inutile, selon les chercheurs, et devrait être éliminé. « Il s’agit essentiellement d’artifices politiques qui ne protègent que très partiellement les intérêts des Québécois », selon eux. Il suffirait pour le gouvernement d’obliger par une loi l’entreprise à limiter ses augmentations de tarifs au taux d’inflation pour arriver au même résultat.

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