Idées d’ailleurs

Des routes de plastique contre les nids-de-poule ?

Des routes construites avec de vieilles bouteilles de plastique pour contrer les nids-de-poule et sauver l’environnement ? C’est l’idée intrigante lancée par l’entreprise néerlandaise VolkerWessels.

Le problème

Les routes sont criblées de nids-de-poule et les océans sont remplis de déchets de plastique.

La solution

Aux Pays-Bas, une entreprise propose de construire des routes plus durables en plastique recyclé.

Comment l’idée est-elle née ?

VolkerWessels est une multinationale néerlandaise de 15 000 employés qui construit des bâtiments résidentiels, des installations industrielles… et des routes. Comme tout le monde, elle a noté que ces dernières se dégradaient vite et nécessitaient beaucoup d’entretien. Elle a lancé l’idée de routes de plastique recyclé qui, selon elle, pourraient être trois fois plus durables que les routes d’enrobés bitumineux (communément appelés asphalte). Les routes seraient faites d’assemblages de panneaux préfabriqués.

Quels sont les avantages ?

D’abord celui de contribuer à régler l’immense problème de pollution causé par les bouteilles et les autres déchets de plastique qui jonchent les sols et les océans. VolkerWessels croit ensuite que de telles routes pourraient durer jusqu’à 50 ans. Le fait qu’elles soient faites de panneaux préfabriqués permettrait une construction plus rapide, ce qui diminuerait les entraves à la circulation. Des espaces vides seraient aménagés sous les panneaux afin de pouvoir y faire circuler les tuyaux et les fils. L’entreprise souligne aussi que les panneaux seraient légers, ce qui faciliterait leur manipulation et leur transport.

Y a-t-il assez de plastique pour appliquer la solution à grande échelle ?

Oui. Le problème des déchets de plastique touche l’ensemble de la planète. On estime que 8 milliards de kilogrammes de plastique se trouvent dans les océans, et des projets pour essayer de le récupérer sont sur le point de démarrer.

De telles routes ont-elles déjà été construites ?

Non. VolkerWessels continue de développer un prototype. Plusieurs villes, dont Rotterdam, ont offert des espaces pour tester le concept. L’entreprise cherche aussi des partenaires pour l’aider à faire avancer l’idée. Le groupe veut commencer par la construction d’une piste cyclable.

Ces routes seront-elles glissantes ?

Il faudra s’assurer que les routes de plastique ne se transforment pas en patinoires à la moindre averse de pluie, sans compter la neige et la glace. L’entreprise affirme qu’elle vérifiera d’abord s’il y a moyen de rendre le plastique lui-même antidérapant. Sinon, elle jongle avec l’idée d’y intégrer du sable ou du gravier à la surface. « Notre objectif est d’intégrer la rugosité à la route elle-même », explique VolkerWessels sur son site web.

Les routes seront-elles bruyantes ?

« Il faudra attendre pour le savoir », affirme l’entreprise, qui admet qu’il est possible que les panneaux de plastique agissent comme des caisses de résonance et amplifient les bruits de la route. D’un autre côté, de nouvelles textures sont conçues pour réduire le bruit des routes en enrobés bitumineux, dont certaines par VolkerWessels elle-même. Or, l’entreprise affirme qu’il sera encore plus facile de les fabriquer en plastique.

L’avis de l’expert

Alan Carter, directeur du Laboratoire sur les chaussées et matériaux bitumineux à l’École de technologie supérieure (ETS) de Montréal

« Je donne la chance au coureur. J’ai tendance à croire que c’est possible, mais je mets beaucoup de bémols », dit le professeur.

L’expert explique qu’à la base, le plastique recyclé est loin d’être idéal pour construire des chaussées. Il devient fragile et cassant à basse température, ce qui provoque quelques inquiétudes quand on imagine les déneigeuses québécoises prenant les routes d’assaut à - 30 ºC. À la chaleur, le plastique recyclé devient mou et peut se déformer.

« Ça va certainement demander une modification chimique du plastique pour obtenir des caractéristiques plus intéressantes, dit le spécialiste. Est-ce qu’au bout du compte, ce sera rentable d’un point de vue financier et environnemental ? Je n’en ai aucune idée. On a peu d’informations techniques pour l’instant, mais pour moi, le nerf de la guerre est là. »

Sinon, le spécialiste aime beaucoup l’idée de panneaux préfabriqués qui peuvent être assemblés sur place. « Cette idée gagne du terrain, on le fait déjà avec des dalles de béton de ciment, souligne-t-il. Que la dalle soit en béton ou en plastique, c’est le même principe : installation rapide, faible perturbation de la circulation. »

« J’aime l’idée des dalles évidées pour qu’on puisse passer des trucs à l’intérieur. En ville, ce pourrait être très utile », ajoute l’expert, qui souligne toutefois qu’il faudra trouver un moyen de changer une dalle sans devoir couper tous les fils et tuyaux qui circulent dessous.

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