Analyse

L’heure de vérité pour la « convergence »

Québec — Inattendu, le départ de Françoise David ? Il se préparait depuis un moment, et l’absence calculée de Gabriel Nadeau-Dubois – en voyage au Mexique – pourrait bien être un des éléments de la mise en scène prévue pour la rentrée avec éclat du leader des carrés rouges de 2012.

L’arrivée de Nadeau-Dubois en politique risque d’être une bien mauvaise nouvelle pour le Parti québécois, qui cherche à récupérer à la fois les jeunes et les progressistes. Surtout, ce nouveau joueur risque de sceller le sort de la « convergence » que le chef péquiste, Jean-François Lisée appelle de tous ses vœux. Bien que souverainiste, Nadeau-Dubois n’a jamais sympathisé avec le Parti québécois.

Quiconque a vu Nadeau-Dubois haranguer ses troupes durant le printemps étudiant sait à quel point il peut électriser les jeunes et les « boomers » nostalgiques des luttes de leur époque. Fougueux, éloquent, Nadeau-Dubois joue sur la même gamme qu’un Claude Charron. Le jeune élu péquiste des années 70 qui, avec son charisme, son authenticité et son bagout, avait galvanisé une génération de militants. On peut déjà l’imaginer à un débat télévisé en campagne électorale, malmener des adversaires plus cérébraux, Philippe Couillard et Jean-François Lisée.

L’hypothèque d’un outrage au tribunal pour incitation à transgresser la loi est derrière lui. Il fait paraître un ouvrage à la mi-février, la voie est tracée pour le jeune militant qui n’a jamais caché qu’il comptait faire de la politique active un jour. Certains chroniqueurs se lanceront à ses trousses et lui attribueront les excès des carrés rouges, mais les Montréalais qui étaient ulcérés par les manifestations à répétition ne votent pas Québec solidaire, de toute façon.

Loin de la convergence au moment de son départ, Françoise David a annoncé que son parti présenterait un candidat à l’élection partielle qui se dessine dans la circonscription de Gouin.

S’il se présente, Nadeau-Dubois ne sera pas un vecteur de convergence avec le PQ. Pour sa génération – il a 26 ans – , le PQ reste avant tout le parti de la charte des valeurs, diamétralement opposée à ses convictions.

Lisée avait cet automne paru enfouir sous le boisseau ses propositions identitaires, mais les a vite ressorties après un sondage inquiétant pour sa formation. Une gifle pour QS qui venait de s’engager, en congrès, à discuter d’un rapprochement stratégique avec le PQ.

Plan de match chamboulé

L’heure de vérité autour de cette « convergence » jusqu’ici toute virtuelle arrive plus tôt que prévu pour Lisée. Il pensait avoir à prendre une décision au début de 2018 ; l’élection partielle qui aura lieu dans Gouin, au plus tard en septembre, vient chambarder son plan de match. Gauchement, il avait tendu la main à Québec solidaire au moment de la partielle dans Verdun – QS avait déjà choisi sa candidate. Véronique Martineau a récolté un étonnant 19 % des voix et le péquiste Richard Langlais a obtenu 27 % d’appuis. En conjuguant leurs efforts, les deux partis d’opposition auraient battu la libérale Isabelle Melançon.

Dans Gouin, le PQ a conservé une association très active, mais qui se pliera sans problème si le chef ordonne de ne pas présenter de candidat, indique-t-on. Laisser passer QS dans Gouin, contre une alliance dans Laurier-Dorion ou Crémazie aux élections générales ? Un marché de dupes ; Québec solidaire sera élu dans Gouin avec ou sans le PQ. Toute son armée est autour de la ligne orange du métro. Les péquistes qui y ont fait du porte-à-porte aux dernières élections étaient surpris de n’avoir les coordonnées que des rez-de-chaussée, souvent les propriétaires des duplex et triplex, nombreux dans la circonscription. Aux étages, moins fortunés, plus jeunes surtout, les électeurs « à cellulaires » n’étaient pas inscrits dans les dossiers de la permanence.

La « proposition principale » du Parti québécois, présentée au dernier Conseil national, cible résolument l’électeur de gauche.

On réinscrit la sympathie historique du PQ avec le mouvement syndical et on ramène le renforcement de la loi anti-briseur de grève, une intention mise de côté par Pauline Marois, pour ne pas froisser le magnat de la presse, Pierre Karl Péladeau, qui multipliait les conflits avec ses journalistes.

Miroirs aux alouettes ou projets précis ? Lisée brandit aussi beaucoup de promesses pour aller chercher les appuis de Québec solidaire. Pharma Québec, une obsession du parti de gauche, sera désormais aussi au menu du PQ, qui compte « évaluer la pertinence » d’une société d’État par où passeraient les achats publics de médicaments. Même chose pour un éventuel revenu minimum garanti, qui fera l’objet d’une réflexion « approfondie », promet Lisée. La formule du comité de réflexion vaut aussi d’ailleurs pour attirer les caquistes – Nicolas Marceau se penchera sur l’utilisation plus efficace du Fonds des générations.

Alors qu’il voulait « dépéquiciser » la souveraineté en 1995, Jean-François Lisée ne parle plus guère de « convergence souverainiste ». La nouvelle « convergence » seule suffira, avec comme seul objectif évident d’éjecter les libéraux du pouvoir.

Québec solidaire risque fort de trouver cette ambition un peu réductrice.

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