Chronique

Le lustre de l’or canadien brille toujours

L’annonce en début de semaine de la vente de la société aurifère canadienne Goldcorp à l’américaine Newmont a suscité une certaine commotion dans le milieu des affaires canadien, où l’on s’est inquiété vivement de l’absorption d’une autre grande société minière de chez nous par une société étrangère et de la perte d’un nouveau siège social.

Après Barrick Gold qui a complété sa fusion avec la britannique Randgold, le 1er janvier dernier, l’acquisition de Goldcorp marque donc la deuxième grosse transaction dans le secteur aurifère en l’espace de quelques mois seulement, deux transactions qui impliquent les deux plus grands producteurs d’or du Canada.

Newmont, établie à Denver, au Colorado, a offert 10 milliards US, principalement en actions, pour acquérir Goldcorp, dont le siège social est situé à Vancouver.

L’an dernier, Barrick Gold s’est entendue avec Randgold pour fusionner leurs activités. Mais dans les faits, le siège social de Barrick se retrouve maintenant à Jersey, dans les îles Anglo-Normandes, alors que son ancien siège social de Toronto n’est plus qu’un bureau régional.

Je ne suis pas un expert minier, mais j’en ai consulté un pour comprendre les effets réels de ces transactions sur le paysage aurifère canadien. En fait, j’ai consulté l’un des plus grands spécialistes de l’or au Canada et dans le monde, Pierre Lassonde, qui, incidemment, a présidé durant sept ans les destinées de Newmont.

Pierre Lassonde a fondé la société Franco-Nevada en 1983, qu’il a vendue en 2001 à Newmont pour 3,2 milliards US. Dans la foulée de cette transaction, il est devenu le PDG de Newmont jusqu’en 2008 lorsqu’il a décidé de prendre sa retraite, qui a été de courte durée.

C’est qu’en 2009, il décide de racheter Franco-Nevada de Newmont et il paie 1,2 milliard pour se réapproprier l’entreprise qu’il avait vendue, huit ans plus tôt, 3,2 milliards. Franco-Nevada affiche aujourd’hui une valorisation de 17 milliards à la Bourse de Toronto.

« Oui, Newmont a réalisé une bonne transaction en payant 10 milliards US pour acquérir Goldcorp qui valait, il y a sept ans seulement, 30 milliards US. » — Pierre Lassonde

« Oui, le Canada va perdre un siège social, mais le bureau de Goldcorp à Vancouver va prendre de l’expansion puisque Newmont veut y centraliser la coordination de toutes ses activités aurifères nord-américaines, ce qui inclut le développement d’un nouveau gisement d’or en Alaska », relève l’entrepreneur.

À cet égard, selon Pierre Lassonde, la transaction Newmont-Goldcorp est nettement plus avantageuse pour le Canada que ne l’a été celle impliquant Barrick et Randgold, qui a considérablement réduit la portée du siège social torontois.

Un nouveau souffle à Goldcorp

En fait, le président du conseil de Franco-Nevada est convaincu que l’entrée en scène de Newmont dans la gestion de Goldcorp va favoriser l’expansion des activités aurifères de l’entreprise canadienne.

« Si l’action de Goldcorp a tellement baissé, c’est que l’entreprise ne livrait pas la marchandise. Les deux derniers présidents de Goldcorp ont été incapables de livrer leurs prévisions.

« Même les estimations de production de la mine Éléonore, au Québec, ne se sont jamais avérées. On parlait de la production de 600 000 onces par année, alors qu’on produit seulement 320 000 onces après avoir injecté plus de 2 milliards en dépenses de capitaux.

« Le président de Newmont, Garry Goldberg, est excellent. Il arrive avec une équipe et des moyens financiers pour réaliser les nombreux projets qui sont dans le pipeline », avance Pierre Lassonde.

Le spécialiste constate également qu’il existe toujours au pays des acteurs de moyenne envergure qui sont en mesure de poursuivre leur croissance, notamment Teck Resources et Agnico-Eagle.

Ceci dit, les mouvements de fusion qui viennent de se produire ne sont pas étrangers à la faiblesse du cours de l’or, qui stagne autour de 1300 $US l’once depuis plus de cinq ans, après avoir atteint un sommet à 1900 $US en 2011.

« Oui, c’est vrai. La simple réalité de l’or, c’est que 80 % de sa valeur est liée à la valeur du dollar américain, et le dollar américain reste trop fort. Malgré l’instabilité géopolitique mondiale, l’économie américaine et l’économie mondiale restent fortes.

« À mon avis, on arrive bientôt dans un marché haussier pour l’or. Son prix devrait atteindre les 1400 $ l’once au cours de 2019 », prévoit Pierre Lassonde.

Outre le temps qu’il consacre à Franco-Nevada et, surtout, à ses activités philanthropiques, Pierre Lassonde a lancé une nouvelle société aurifère, Orla, qui va démarrer l’exploitation d’un gisement au Mexique d’ici un an et, subséquemment, d’un autre gisement au Panamá.

« Ça s’appelle Orla pour Or Lassonde, et j’ai très bon espoir qu’on soit en mesure d’extraire entre 300 000 et 400 000 onces d’or par année de notre gisement mexicain. J’ai investi 25 millions là-dedans, et il faut que ça marche », dit l’investisseur.

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