Chronique

La cagnotte des profs et infirmières

Monsieur le chroniqueur, quand je vais prendre ma retraite, la caisse sera vide, j’en suis convaincu. Les baby-boomers auront tout pris. Il faut faire quelque chose.

Ce genre de commentaires de gens inquiets, j’en ai entendu à maintes reprises par le passé. Il me venait de fonctionnaires, d’enseignants ou d’infirmières du secteur public du Québec, dans le contexte où le gouvernement multipliait les déficits.

Le régime de retraite, faut-il dire, est un élément central des conditions de travail des employés de l’État québécois, car leurs salaires sont considérablement moindres qu’ailleurs.

À la fin de novembre, justement, l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) a rappelé ce constat dans son étude annuelle : les employés du secteur public québécois gagnent 13,7 % de moins que les autres employés au Québec, en moyenne. Ces autres employés englobent ceux des organisations privées, municipales et fédérales qui comptent 200 employés et plus.

Néanmoins, en ajoutant le régime de retraite et en tenant compte du nombre d’heures travaillées, l’écart de la rémunération horaire baisse à 6,6 %, ce qui est déjà bien mieux. Et ils ont la sécurité d’emploi, quand même.

Le régime de retraite est central, donc. Mais est-il garanti ? La caisse sera-t-elle vide quand les générations X et Y voudront prendre leur retraite, à leur tour ?

Eh bien, voilà, j’ai deux très bonnes nouvelles à ce sujet, dont l’une que j’ai dénichée dans Le point sur la situation économique et financière, publié lundi dernier.

Pour comprendre, il faut savoir que le régime de tous les employés du secteur public est divisé en deux : d’une part, il y a la portion financée par les employés, et d’autre part, celle financée par l’employeur, soit le gouvernement du Québec. La part des employés s’appelle le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, ou RREGOP.

Globalement, la clientèle du RREGOP est composée de 539 000 participants actifs, 519 000 participants non actifs et 271 000 retraités, essentiellement, en plus des conjoints survivants et orphelins (18 435). En plus des profs et des employés du réseau de la santé, il y a tous les fonctionnaires.

Première bonne nouvelle : la moitié financée par les employés est capitalisée à 108 %. Dit autrement, compte tenu de tous les paramètres actuariels (espérance de vie, taux d’intérêt, taux d’inflation, etc.), la caisse a 8 % plus de fonds qu’elle n’a d’engagements. Que dire de mieux ?

L’autre bonne nouvelle, qui se trouve dans Le point de lundi dernier, c’est la santé de la part financée par l’employeur, appelée le Fonds d’amortissement des régimes de retraite (FARR).

Il y a 25 ans, le gouvernement ne faisait qu’une promesse à ses employés qu’il paierait sa moitié au fur et à mesure des départs à la retraite. Ne vous inquiétez pas, disait-il, nous avons une bonne cote de crédit sur les marchés, nous vous paierons, quitte à nous endetter. Pas de caisse spécifique, donc.

En 1993, après quelques années de réflexion, le gouvernement du Québec a changé de cap. Constatant les besoins futurs grandissants du gouvernement à l’égard du régime de ses employés, il a été décidé de constituer une caisse pour accumuler, petit à petit, les futurs fonds qui seraient dus pour les retraites. Et en 1999, sous la pression des syndicats, le gouvernement s’est engagé à ce que sa caisse – le FARR – atteigne 70 % de ses obligations en 2020.

L’argent accumulé dans le FARR, comme celui du RREGOP, est géré par la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Lundi dernier, bingo, Le point nous a appris que l’objectif est atteint, deux ans plus tôt que prévu. En fait, non seulement est-il atteint, mais il est dépassé, puisque les sommes accumulées dans le FARR représentent maintenant 74 % des obligations du gouvernement envers ses employés.

Dit autrement, le gouvernement a les trois quarts des fonds nécessaires pour payer sa part aux employés dans l’avenir. Ces fonds sont placés dans un compte distinct et géré comme tel.

Et combien y a-t-il dans le FARR ? Au 31 mars 2018, il y avait 75,4 milliards de dollars ! Pour sa part, la cagnotte du RREGOP, à laquelle s’ajoutent les fonds de certains autres petits régimes, atteint 97,4 milliards1.

Cela dit, qu’arrivera-t-il maintenant que la cible de 70 % est atteinte (74 % en fait) ? Le gouvernement continuera-t-il à engraisser le FARR ou préférera-t-il s’endetter pour les 26 % de fonds qui manquent au fur et à mesure que ses employés partiront à la retraite ?

À ce sujet, Le point précise que « des sommes continueront à être accumulées dans le FARR de façon à ce que le gouvernement poursuive la réduction de l’écart existant entre ses obligations actuarielles […] et les sommes qu’il détient pour y faire face ».

Il y a quelques semaines, d’ailleurs, un dépôt de 1 milliard de dollars a été fait. Ce genre de dépôt se poursuivra « lorsque les conditions sur les marchés financiers seront favorables, notamment en ce qui a trait aux taux d’intérêt et à la réceptivité des marchés à des émissions d’obligations ».

Bref, employés du secteur public de toutes générations, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles, votre employeur et votre RREGOP ont tous les fonds nécessaires pour acquitter votre retraite. Vous avez de la chance, puisque ce n’est pas le cas de bien des entreprises privées et même de quelques gouvernements, notamment en Europe.

(1) Ces chiffres se trouvent dans Le point sur la situation économique et financière. À lui seul, le RREGOP atteint 60,4 milliards, tandis que deux régimes de cadres ont accumulé 19,4 milliards et d’autres régimes (dont celui de l’Université du Québec), 17,7 milliards.

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