Devenir autonome grâce à une maison intelligente

À Trois-Rivières, se cache un appartement unique en son genre qui fait appel à diverses technologies pour aider les personnes vivant avec une déficience intellectuelle à devenir autonomes. Une initiative qui mènera à l’ouverture d’une résidence adaptée. Visite des lieux.

Déficience intellectuelle

Une maison intelligente pour devenir autonome

Trois-Rivières — Âgé de 21 ans, Henri-Louis parle à peine. Chaque petit geste du quotidien est pour lui une montagne à gravir. Il marche, mais il est incapable de se brosser les dents sans aide. Il a l’âge mental d’un bambin de 18 mois. Et si une maison intelligente pouvait l’aider à gagner de l’autonomie ? Des chercheurs de l’Université du Québec à Trois-Rivières y travaillent sans relâche depuis 10 ans. D’ici peu, ils mettront à l’épreuve leurs découvertes dans un laboratoire vivant : une première au monde.

Parce qu’elle prévoit toujours deux coups d’avance quand il est question de son fils, Vânia Aguiar a visité plusieurs résidences pour personnes avec déficience intellectuelle. « J’estime que Henri-Louis a le droit de vivre sa vie d’adulte sans être collé à nous. Et même si on le gardait chez nous, je vieillis. Il viendra un jour où je ne pourrai plus lui donner son bain. »

Mais ces visites l’ont bouleversée. « J’ai vu des jeunes qui n’avaient aucune stimulation, assis toute la journée devant la télé », raconte Mme Aguiar, présidente de la Fondation Les Petits Rois. J’ai vu des jeunes avec des couches. Ils n’avaient pas le droit de s’asseoir sur les sofas en tissu. J’ai vu des frigos cadenassés. » À tout coup, elle pleurait dans la voiture, sur la route du retour. Jusqu’à ce qu’elle rencontre Dany Lussier-Desrochers, professeur en psychoéducation à l’UQTR. Il est expert en domotique appliquée à la clientèle avec déficience intellectuelle et autisme.

Le quotidien facilité

Au sous-sol du pavillon Michel-Sarrasin, à l’UQTR, se cache un petit appartement coquet. Au comptoir de la cuisine, Célia, 27 ans, tente de se préparer un gruau. Elle hésite, fige. Puis elle regarde la photo numérique dont le cadre est déposé devant elle. « Je dois brasser », murmure-t-elle, en prenant une cuillère.

L’appartement intelligent de la Chaire de recherche sur les technologies de soutien à l’autodétermination a été créé en 2010. Dans ce laboratoire, on teste diverses façons d’utiliser des appareils technologiques. Le but premier : favoriser le gain d’autonomie chez les personnes avec une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme.

« Au départ, on pensait cet appartement intelligent entièrement domotisé, super sophistiqué. Rapidement, les parents et proches nous ont fait réaliser que, dans la vraie vie, ces personnes ne pourraient pas se payer ce type d’appartement, explique M. Lussier-Desrochers. On a donc décidé d’utiliser les technologies disponibles sur le marché et de les adapter à nos besoins de façon parfois créative. On a parcouru les boutiques, les quincailleries et les grandes surfaces. C’est facilement accessible, facile d’utilisation et peu coûteux. »

La recherche accélérée

Afin de pousser plus loin l’expérimentation, l’équipe de Dany Lussier-Desrochers travaillera sur le terrain, dans une résidence adaptée que fera construire la Fondation Les Petits Rois. On prévoit y accueillir autour de huit résidants ayant une déficience intellectuelle modérée ou sévère ou un trouble du spectre de l’autisme. Dans ce laboratoire vivant, tous participeront à la recherche.

La technologie y sera implantée de façon progressive, axée sur les besoins spécifiques des occupants. « Si on en met trop, les stimulations seront trop nombreuses et l’apprentissage sera difficile. Ça deviendra un obstacle plus qu’une aide », dit le chercheur.

« On pourra évaluer les besoins dans le milieu de vie et ajuster l’aide au fur et à mesure. On aura un impact direct, immédiat. »

— Dany Lussier-Desrochers

L’équipe fera un suivi longitudinal, du jamais-vu dans ce domaine précis. « C’est un contexte de recherche unique. On accompagnera les sujets durant des années en fonction de leurs besoins, dans leur trajectoire d’évolution. »

Le chercheur espère ainsi développer un guide d’assistance technologique, avec des paramètres bien établis, qui pourra être utilisé pour diverses clientèles : maladie d’Alzheimer, traumatismes crâniens, etc. M. Lussier-Desrochers a déjà commencé à former et sensibiliser des intervenants du milieu de la santé. « Ça pourra aider les parents qui s’occupent d’un proche à la maison, alors qu’on sait qu’il y a de moins en moins de sous pour le soutien à domicile. »

« On veut que les personnes avec une déficience intellectuelle deviennent le groupe de référence. Si la technologie fonctionne pour eux, elle va fonctionner pour tous. Il faut favoriser l’inclusion numérique ; la maison intelligente en est la base. »

À quand la Maison des Petits Rois ? La première pelletée de terre est prévue en 2017. Il faut d’abord amasser des fonds, trouver un endroit propice à l’inclusion sociale, près d’un dépanneur, des transports en commun. « Ce sera la première maison de plusieurs », espère Vânia Aguiar, qui rêve grand pour tous les enfants comme son Henri-Louis.

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