OPINION

Se souvenir de Barack Obama

Aucun leader actuel n’a ses talents d’orateur et n’inspire autant confiance et sincérité

Depuis 1945, cinq présidents ont terminé deux mandats, comme le permet la Constitution américaine : Dwight D. Eisenhower, Ronald Reagan, Bill Clinton, George W. Bush, et demain, Barack Obama. Nous sommes donc à l’heure de faire le bilan et d’évaluer l’héritage du 44e président des États-Unis.

Pourquoi Obama ?

Nous tenons à le mentionner d’emblée : nous sommes des admirateurs d’Obama. Chacun à notre manière, nous avons été séduits par sa candidature en 2008 et nous nous sommes impliqués, à titre de bénévoles sur le terrain, afin qu’il devienne président.

Nous sommes de différentes générations. John est un baby-boomer. Simon, un « millénial ». Chacun d’entre nous a d’abord eu un parcours politique au Québec et chacun avait ses motifs pour appuyer celui qui est devenu le premier président noir des États-Unis.

John voyait en lui l’aboutissement du rêve des années 60 de Robert Kennedy et de Martin Luther King pour l’égalité des chances et la justice sociale. Étant présent au discours d’Obama à la convention démocrate en 2004, il en fut grandement inspiré.

Pour Simon, Obama était un politicien du nouveau siècle, ouvert aux jeunes, aux valeurs qui les animent et même aux nouvelles technologies qui les rejoignent. C’était possiblement le début d’une nouvelle génération au pouvoir, comme ce fut le cas avec John F. Kennedy en 1961.

Le rêve et la réalité

La candidature de Barack Obama en 2008 était teintée d’idéalisme et évoquait la possibilité d’un changement profond pour l’Amérique et le monde. C’était un rêve qui transcendait les générations. Après les huit années de la présidence Obama, on doit avouer qu’il y a eu une plus forte dose de (dure) réalité que de rêve.

Nous sommes de l’école de pensée qu’Obama passera à l’histoire comme un président marquant, d’abord à cause de l’héritage que l’administration Bush lui a laissé.

Dès son assermentation, Obama a posé des gestes importants pour sécuriser l’économie et restaurer la croissance. Même si la réponse des marchés fut lente, Obama aura finalement présidé 75 mois consécutifs de création d’emplois dans le secteur privé, un record.

Plus de 11 millions d’emplois nets auront été créés sous Obama, et le taux de chômage se situe aujourd’hui à 4,7 %, la meilleure performance du G7. Plusieurs mesures ont permis d’atteindre ces niveaux, mais nous citerons en exemple le sauvetage de l’industrie automobile.

Obama a bien fait sur plusieurs autres fronts. En matière de santé, 20 millions d’Américains de plus bénéficient du programme d’accès aux soins surnommé Obamacare. Dans le domaine de l’énergie et de l’environnement, l’administration Obama peut se féliciter de gains substantiels en ce qui a trait au développement de la filière des énergies renouvelables et plusieurs mesures en matière d’environnement.

La communauté LGBT peut également remercier Obama pour les avancées majeures effectuées sous son leadership. Si la reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe et l’affirmation du droit des homosexuels de servir dans l’armée américaine font désormais loi, Obama aura également inversé la courbe d’appui à ces politiques, entre autres au sein de la communauté afro-américaine, traditionnellement réticente. Voilà un exemple de changement organique.

Des gains importants

Obama a terminé son deuxième mandat en réalisant des gains importants sur la scène internationale : l’accord de Paris sur les changements climatiques, l’entente sur le nucléaire avec l’Iran, l’ouverture historique avec Cuba et l’initiation du Partenariat transpacifique.

Il ne faut pas non plus oublier qu’il a réussi à tuer Oussama ben Laden le 2 mai 2011.

En contrepartie, ses adversaires l’attaquent, entre autres, sur le niveau de la dette, les coûts et les ratés d’Obamacare de même que certains échecs sur le plan international, sa « mollesse » ayant selon eux provoqué la tourmente au Moyen-Orient et ouvert la porte à l’agressivité de la Russie de Poutine.

Ses admirateurs de la première heure sont quant à eux déçus qu’il n’ait pas su débloquer les difficiles situations de l’immigration et des relations interraciales, mieux encadrer Wall Street ou encore fermer la base de Guantánamo.

Mais force est de constater que la défaite d’Hillary Clinton, qui aurait cherché à préserver son héritage, la victoire de Donald Trump et le déclin du Parti démocrate sur le plan électoral jettent une ombre sur son legs.

Par son style de leadership, sa force de caractère et de conviction, son calme face aux crises, la profondeur de sa pensée, son intégrité (aucun scandale au sein de son administration), et de concert avec sa femme Michelle et leurs deux filles, le président Obama s’est conduit avec une grande civilité et une grâce qui ont fait honneur à la classe politique et rehaussé l’image de son pays à l’étranger.

Il aura plus d’une fois démontré comment la grandeur de l’âme lors de tragédies peut être un réconfort, particulièrement lors des tueries de Sandy Hook et de Charleston.

Par ses discours, il nous a rappelé l’importance de la réflexion et de la portée des mots. Il a entraîné ses concitoyens dans le processus démocratique. Il fut parfois professeur, souvent président et même, à l’occasion, philosophe. Peu importe le style adopté, aucun leader actuel sur la planète n’a ses talents d’orateur, mais plus important encore, n’inspire autant confiance et sincérité, une denrée rare en politique. Il nous a fait rêver et il nous a fait pleurer.

Si on se fie à son dernier discours, à Chicago, on peut s’attendre à un citoyen Obama actif et toujours engagé après sa présidence. Un citoyen qui nous rappellera que la démocratie est précieuse, mais aussi fragile, que la justice sociale reste toujours à bâtir, que la diversité est une richesse pour une société et que l’engagement est essentiel au progrès.

Sans aucun doute, nous nous souviendrons d’Obama, mais parions qu’il saura également se rappeler à notre bon souvenir.

Merci, Monsieur le Président.

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