OPINION

Le suicide est évitable

La baisse du nombre de suicides au Québec doit s’accompagner d’une stratégie de prévention

Des suicides rapportés depuis quelques mois dans les médias ont mis des visages sur la détresse et illustré de sérieux problèmes d’accessibilité, de pertinence et de continuité des soins en santé mentale.

Nous avons été émus, indignés et nombreux à vouloir agir pour que ces drames humains cessent.

Il y avait trois suicides par jour au Québec au début des années 80 et ce nombre est le même aujourd’hui. Cela fait donc 40 ans que nous n’arrivons pas à descendre sous cette barre des trois morts quotidiennes.

La véritable prévention, l’intervention précoce et l’intervention de crise sont depuis trop longtemps les parents pauvres en santé mentale. 

Cela a des impacts majeurs pour les personnes vulnérables et un effet direct sur la prévention des gestes suicidaires et des suicides.

Puisqu’une part significative des comportements suicidaires est associée à des problèmes de santé mentale, il est impératif d’agir dans ce secteur. Nous saluons à cet égard les initiatives en cours de la ministre de la Santé et des Services sociaux qui ouvriront la voie à des mesures adéquates.

Un plan concerté et ambitieux

Cependant, nous croyons que pour réduire les taux de suicide, nos actions doivent absolument passer par une Stratégie nationale de prévention du suicide, un plan concerté et ambitieux.

L’Organisation mondiale de la santé, dans son rapport Prévention du suicide, l’état d’urgence mondial, fait d’ailleurs d’une stratégie nationale la mesure phare à privilégier par les gouvernements. Ses principaux bénéfices : volonté politique et appel à l’action clairs, orientations communes, mobilisation de tous les acteurs, y compris la population, et responsabilité. Elle doit inclure des programmes spécifiques pour les groupes à risque et pallier les disparités entre les régions et l’insuffisance des ressources.

Rappelons que le Québec a été un précurseur en la matière : en 1998, il adoptait sa première et seule stratégie d’action face au suicide : S’entraider pour la vie.

La stratégie a assuré l’intervention téléphonique 24/7 au moyen de la ligne 1 866 APPELLE, stimulé la formation des intervenants, le développement de l’expertise et l’expérimentation d’approches propres aux groupes à risque. Ces mesures et le leadership politique de l’époque coïncident avec une diminution du tiers des suicides entre 2000 et 2007.

Une tendance trop lente

Récemment, les taux ont eu tendance à baisser, mais cette tendance est trop lente. Certaines clientèles prioritaires sont peu rejointes, comme les hommes adultes et les populations vivant dans les milieux défavorisés. De plus, les multiples actions et acteurs sont éparpillés et isolés dans leur région et leurs pratiques, dans un réseau de services dont on ne cesse d’entendre les appels au renfort, trop souvent soulevés par des drames humains et sociaux.

En 2019, avec toutes les données et les connaissances disponibles, le Québec est outillé pour mettre en place une telle stratégie. Cela ferait la différence dont nous avons besoin pour mieux diminuer la souffrance et éviter la douloureuse perte d’êtres chers.

Le suicide est évitable. Nous savons ce qu’il faut faire. Organisons nos actions dans une stratégie cohérente et passons à l’action !

* Lorraine Deschêsne est intervenante et gestionnaire retraitée.

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