MUSIQUE

Concert-surprise de Prince au Centre Bell

Prince n’est jamais là où on l’attend. Et c’est au Centre Bell de Montréal que l’artiste se retrouvera samedi, avec son groupe 3rdEyeGirl, pour un concert que le promoteur evenko a annoncé hier. Il faut dire que l’effet de surprise fait partie du concept de sa tournée actuelle, intitulée Hit ’n’ Run, dont les dates sont annoncées très peu de temps à l’avance. Le prince du funk/R & B a d’ailleurs fait le même coup à Toronto, où il a donné deux spectacles-surprises de suite, mardi, au Sony Centre for the Performing Arts. Les billets pour l’escale montréalaise, qui se détaillent entre 57 $ et 223,50 $, seront mis en vente aujourd’hui à midi. — La Presse

ACHAT D’ARCHAMBAULT PAR RENAUD-BRAY

Entre inquiétude et pragmatisme

Ce ne sont pas tous les écrivains et éditeurs qui acceptent de commenter publiquement la possible acquisition des magasins Archambault par la chaîne Renaud-Bray, ce qui révèle un certain malaise dans le milieu du livre. Quelques commentaires de Carole David, Philippe Béha, Simon Roy, Patrick Senécal, Antoine Tanguay et Mark Fortier.

La crainte de plusieurs auteurs de commenter ce dossier est un problème que souligne l’écrivaine Carole David, qui vient de publier le recueil L’année de ma disparition aux Herbes rouges. « Cette omerta, ce n’est pas rien », note-t-elle. « Mon éditeur est distribué par Dimedia, c’est sûr que cette nouvelle en rajoute une couche. Il est évident que les auteurs qui ne sont pas chez Renaud-Bray ne seront pas chez Archambault », croit-elle, rappelant le conflit qui perdure entre le distributeur et la chaîne en ce qui concerne le remboursement des titres invendus. Les titres des maisons d’édition distribuées par Dimedia ne sont pas dans les librairies Renaud-Bray depuis 2014.

Ni Dimedia ni Renaud-Bray n’ont voulu commenter pour l’instant le sujet de cet article, entre autres parce que le Bureau de la concurrence n’a pas encore donné son approbation à cette transaction.

« Blaise Renaud dit que Renaud-Bray et Archambault seront deux entités distinctes, mais je ne crois pas à ça, poursuit Carole David. Je ne sais pas si je peux faire confiance ! Toute cette concentration, c’est inquiétant. C’est une commotion dans le milieu du livre qui n’a pas besoin de ça en ce moment. C’est déjà assez difficile. Et même si le conflit se règle avec Dimedia, il reste le problème de la concentration. Un individu qui veut faire des profits a le droit, mais je pense que les auteurs ne sont pas considérés du tout là-dedans. »

Même son de cloche pour l’illustrateur Philippe Béha, qui a déjà vu ses livres retournés à ses éditeurs pour avoir critiqué le peu de visibilité des auteurs jeunesse québécois dans les Renaud-Bray. 

« Plus de 40 % de part de marché, c’est énorme ! Personne ne s’attendait à cela. »

— L’illustrateur Philippe Béha

« Cette association va faire du mal, à mon avis, aux petites librairies et aux maisons d’édition qui sont dans le conflit de Dimedia. Ça n’allait déjà pas très bien, nous ne sommes pas dans de bonnes années… » 

D’ailleurs, une pétition citoyenne a été lancée sur le site Avaaz.org pour faire annuler cette vente, et elle comptait hier 1250 signatures.

Simon Roy, le plus récent lauréat du Prix des libraires pour Ma vie rouge Kubrik (Boréal), craint pour sa part qu’une concentration du marché du livre « finisse à moyen terme par fragiliser l’économie du livre. Imaginons que Renaud-Bray se trouve à plus ou moins lointaine échéance en situation précaire, ou pire, qu’il ferme boutique, ce serait alors tout un pan du milieu qui s’effondrerait d’un coup, dit-il. Le conflit entre Dimedia et Renaud-Bray se réglera bien tôt ou tard, mais à court terme, voilà d’autres points de vente qui souffriront du boycottage qui a cours actuellement et encore davantage de nos livres qui ne seront pas disponibles pour une partie de la population pour qui une librairie égale Renaud-Bray ou Archambault. Sinon, je n’ai qu’un souhait, c’est que l’on continue de vendre en priorité des livres et des disques chez Archambault ».

L’auteur à succès Patrick Senécal avoue se concentrer sur ses romans et ne pas s’occuper des « coulisses ». « La seule opinion que j’ai est loin d’être originale : tout ce qui est trop grande concentration et monopole suscite toujours de l’inquiétude. Je ne dis pas que c’est la catastrophe, mais ça peut le devenir si tout cela n’est pas bien géré. Il faudra voir comment Renaud-Bray a l’intention de traiter les succursales Archambault. Il semble qu’elles garderont leur dénomination, mais leur contenu sera-t-il identique à celui des Renaud-Bray ? Si oui, ça m’inquiète. »

DEUX VISIONS D’ÉDITEURS

L’éditeur Antoine Tanguay (Alto) estime qu’il ne faut pas personnaliser le débat autour de Blaise Renaud (et sa vision du livre). « Je n’en viendrai à aucune conclusion tant que le directeur général de Renaud-Bray n’affichera pas sa vision de cette transaction, dont nous ne ressentirons les effets que d’ici un an ou deux, si tout va bien. Mes préoccupations, et elles sont nombreuses, sont centrées autour des libraires, des acheteurs de Renaud-Bray et d’Archambault, des acteurs de l’ombre du marché du livre, qu’on oublie dans la tourmente. Ce sont eux qui sont sur la ligne de front. Deux groupes ensemble, ça signifie peut-être moins d’acheteurs, des pertes d’emplois ? Je m’interroge sur ce que sera la place des livres dans les succursales d’un éventuel réseau de 40 librairies et la marge d’action des employés qui le défendent. L’exemple des librairies indépendantes nous le montre : un fond diversifié et un service-conseil de qualité demeurent rentables. Ce sera toujours reconnu par la clientèle. C’est un élément important de la survie d’un milieu fragile. 

« J’émets aussi le souhait qu’on comprenne que les petits joueurs de l’édition, au Québec et en Europe, ont fait de grands coups et doivent demeurer sur les rayons. Tout ça pour que le livre reste, dans toute sa diversité, au centre de nos vies. »

— Antoine Tanguay, éditeur chez Alto

Pour l’éditeur Mark Fortier, de Lux Éditeur, cette transaction révèle la nécessité de réviser la loi 51 et d’adopter une solide politique culturelle. « Une entreprise privée s’occupe de ses propres affaires, mais grosse comme ça, tout le monde ne peut pas faire autrement que de s’en soucier, si par exemple elle tombe et entraîne tout le monde avec elle, ou si elle décide de jouer seule, dit-il. Une entreprise privée peut avoir des effets qui dépassent ses intérêts privés. Personne ne se demande ce que va faire la semaine prochaine une librairie indépendante. Quand ça devient gros comme ça, les intérêts ont une portée plus large, c’est une puissance politique, publique. Et la seule protection qu’on a, c’est la loi. Ce que je souhaite, c’est une politique culturelle du livre conséquente au Québec, de sorte que cet acteur-là ne nuise pas. Blaise Renaud pourrait vendre éventuellement, et c’est pourquoi il faut penser à long terme. »

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