Hockey

Pour Perrin, le bonheur est en Finlande

Quand Éric Perrin a appris que son ami Martin St-Louis prenait sa retraite, au début du mois de juillet, il a sursauté. Comment celui qu’il connaissait comme s’il l’avait tricoté, avec qui il avait fait la pluie et le beau temps à l’Université du Vermont, comment ce compétiteur-né pourrait-il s’éloigner du hockey ?

« Ça m’a surpris, parce que je sais qu’il aurait pu aider pas mal de clubs. C’est une vraie machine, a expliqué Perrin, joint en Finlande. Il n’y a pas grand-monde plus en shape que Martin. Même à son âge. Mais il m’a expliqué que c’est ce qu’il sentait dans son cœur. Martin ne voulait pas jouer sans être à 100 %. Il voulait passer plus de temps avec sa famille. »

« J’étais surpris, mais fier de lui. C’est toute une carrière. À mes yeux, il s’en va au Temple de la renommée. C’est tout un exploit pour un gars qui n’a jamais été repêché. Il a fait mentir bien du monde. »

Éric Perrin va avoir 40 ans dans un mois et demi. Mais alors que son meilleur ami dans le hockey accroche ses patins, il entame quant à lui sa neuvième saison en Finlande. Ça lui a pris des années à le réaliser, mais le bonheur n’était pas nécessairement dans la Ligue nationale. Perrin, un natif de Laval, l’a trouvé dans la Liiga.

Au début, comme son ami Martin et comme bien des petits Québécois, il rêvait à la « grosse ligue ». Comme son ami Martin, il n’a pas été repêché. Les deux ont connu un succès monstre entre 1993 et 1997 à l’Université du Vermont. Mais contrairement à son ami, Perrin n’a jamais réussi à se faire une place bien à lui dans la LNH.

Bien sûr, au printemps 2004, il a soulevé la Coupe avec St-Louis et le Lightning. Mais Perrin avait été appelé en renfort à quatre matchs de la fin de la saison. « Je n’ai pas eu le temps de développer des liens avec les gars. Mais bon, il reste que la Coupe Stanley, c’est la Coupe Stanley ! », lance-t-il.

Il a joué trois saisons complètes dans la Ligue nationale. Mais il en a eu assez de se voir confiné au quatrième trio. C’est là qu’il a décidé de déplacer sa carrière en Finlande pour de bon. « S’il y a quelque chose que je ne regrette pas, dit-il, c’est d’avoir fait ce choix-là. »

PLUS FORT QUE LA COUPE STANLEY

Cet été, la nouvelle a eu l’effet d’une bombe dans la Liiga : le Québécois Éric Perrin venait de signer un contrat avec le TPS Turku. La formation finlandaise mythique, qui a notamment formé un certain Saku Koivu, croupit dans le bas du classement par les temps qui courent.

Dans la petite ville de Jyväskylä, c’était le deuil. Le Jyp, l’équipe locale, perdait son capitaine. Là-bas, on reconnaissait Perrin partout. Les partisans venaient aux matchs avec des pancartes sur lesquelles Perrin était coiffé d’une couronne. Le roi Perrin, le capitaine, quittait le club.

« Je vais avoir 40 ans, mais j’ai encore besoin de défis. Je ne voulais pas rester dans la facilité. J’en ai encore à donner, explique Perrin. C’est pourquoi j’ai accepté d’aller à Turku. Je trouvais que c’était un bon défi pour moi de venir ici et de les aider à retourner au sommet, là où ils devraient être. »

« Les gens à Jyp ont compris, même si pas mal d’affaires ont été dites et écrites dans les journaux, raconte l’attaquant. Certains m’ont même donné des cadeaux à mon départ. »

Perrin a joué avec Jyp au cours des cinq dernières années. Il a toujours été parmi les cinq meilleurs marqueurs de la Ligue. Il a aussi remporté le championnat en 2012.

« Ce sont les meilleurs moments dans ma carrière. Oui, j’ai gagné la Coupe Stanley. Mais le championnat que j’ai gagné à Jyp, pour moi, ça voulait dire plus. »

— Éric Perrin

À Turku, il habite le même immeuble que Koivu. « Sauf que lui habite tout en haut, dans le penthouse », dit Perrin en rigolant.

Même après des années en Finlande, et même s’il était capitaine, Perrin ne maîtrise pas le finlandais. « Les gars rient de moi tout le temps avec ça, mais c’est une langue compliquée », dit-il.

« Il y a beaucoup de fierté ici autour de l’identité finlandaise. C’est un pays très indépendant, avec beaucoup de traditions, explique-t-il. Parfois, ça me rappelle le Québec. Il y a beaucoup de similitudes. De petites sociétés sociales-démocrates où les gens sont fiers de leur culture, de leur différence. »

Éric Perrin se voit jouer au hockey encore un an ou deux, peut-être plus s’il a toujours la passion. En rétrospective, il n’a aucun regret. Il a goûté à la Ligue nationale et il est heureux d’avoir su quitter l’Amérique du Nord à temps, sans s’enliser dans les mineures jusqu’à perdre le goût du hockey. Il n’a pas eu le succès de son ami Martin dans la LNH, mais il a trouvé le sien en Finlande.

« Je n’ai aucun regret. On ne sait jamais d’avance quel va être notre parcours dans la vie. Peut-être que j’ai appris un peu sur le tard que le bonheur, c’est d’apprécier ce qui m’est donné. Mais j’ai fini par le comprendre.

« Ça n’a pas été un parcours facile. J’ai travaillé fort. Je suis resté positif. Je n’ai jamais lâché parce que j’avais la passion du hockey. L’affaire, ce n’est pas de jouer dans la plus grosse ligue au monde. L’affaire, c’est de continuer à s’amuser à jouer au hockey. J’ai réussi à le faire à ma manière, en Finlande. »

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