Indonésie

Jouer à Robinson aux îles Togians

Planifier un voyage en Indonésie n’est pas de tout repos. D’abord, il convient de choisir entre la multitude d’îles toutes plus attirantes les unes que les autres, dont Bali, Java, Lombok, Flores… Des destinations qui ont chacune de quoi garder occupé quelques semaines le plus hyperactif des touristes. Histoire de corser un peu l’exercice, voici un nouveau nom à ajouter à cette liste sans fin : l’archipel des Togians.

MALENGE, INDONÉSIE — Ce chapelet d’îles se trouve entre les deux pétales nord de Sulawesi, la grande île en forme d’orchidée située à l’est de Bornéo. On est loin des zones les plus touristiques du pays. En fait, ici, on est loin de tout : à un jour de route du coin le plus couru de Sulawesi (le pays Toraja), plus six heures de traversier peu confortable, suivies d’un trajet en pirogue au moteur pétaradant. Mais pourquoi s’infligerait-on pareille torture en vacances ?

LOIN DU MONDE

C’est la sensation qui prime quand on débarque sur l’une des plages des îles Togians. Ici, pas de vendeurs ambulants ni de masseurs proposant leurs sévices sans quitter le sable chaud, pas de boutiques ni de restaurants, pas d’internet, parfois une mauvaise connexion téléphonique quand le vent souffle du bon côté, et l’électricité, seulement quelques heures par jour. La sainte paix !

Avec comme panorama le sable blanc ombragé de cocotiers, la mer colorée de toute la palette des turquoises des massifs de corail se dévoilant en transparence. Ainsi, pour ne pas gâcher le tableau, on se garde bien de demander des informations du reste de la planète aux nouveaux arrivants. On se contente des nouvelles locales : les habitants du village voisin ont capturé un crocodile dans la mangrove (« Wahou ! Quelle taille ? ») ; des dauphins sont passés au large (« Génial ! Combien ? »).

Bref, rien de bien perturbant en ces terres où le plus grand danger est de se faire assommer par une noix de coco. Si l’on s’en sort indemne, on a vite fait de lui régler son compte d’un coup de machette pour se régaler. Fatalement, on finit par se prendre pour Robinson. D’autant plus que les touristes qui visitent les Togians sont encore relativement rares. Et heureusement, car la dizaine d’établissements répartis dans cette quinzaine d’îles verdoyantes peut tout juste accueillir 500 personnes.

ODE À MALENGE

On pensait en avoir fini avec les décisions difficiles, mais quand on arrive dans les Togians, il faut encore choisir son ou ses îles de prédilection. À chacune son ambiance, entre calme extrême et festivités tardives. L’île de Kadidiri est à éviter, à moins d’être un adepte de plongée sous-marine : trois établissements regroupant un quart des bungalows de l’archipel s’entassent sur une plage peu propice à la baignade. Pour savourer l’intimité des Togians, mieux vaut se diriger vers des lieux plus confidentiels.

L’île de Malenge a tous les atouts pour satisfaire le candidat Robinson. Comme toutes les autres, elle est vallonnée et recouverte d’une dense végétation qui descend jusqu’à ses rives formées principalement de petites falaises et de mangrove, entre lesquelles sont parsemées quelques plages accueillantes. Longue de 6 km, elle abrite trois villages. L’un est peuplé de Bajau (ces gitans de la mer qui vivent plusieurs mois par an sur leur bateau en famille), dont les maisons sur pilotis sont reliées au reste de l’île par un long pont, en ruine, mais néanmoins ultra-photogénique.

On trouve à Malenge trois minicomplexes touristiques (que l’on pourrait plus raisonnablement qualifier de « simplexes »), chacun isolé sur sa plage privée. Un bon guide armé d’une machette est nécessaire pour emprunter les sentiers qui traversent l’île. Avec beaucoup de chance, un tarsier pourrait montrer ses gros yeux. Aigles marins, varans et calaos sont moins timides. Mais on peut aussi s’abandonner au farniente et, du fond de son hamac, bercé par le son des vagues, se croire seul au monde.

RENCONTRER NÉMO

Si la perspective de se laisser vivre ne suffit pas à justifier un tel périple, celle de plonger dans la baie de Tomini, qui baigne l’archipel, convaincra les sceptiques. Trois types de récifs coralliens y cohabitent (platier, atoll et barrière) et hébergent environ 600 espèces marines, de toutes formes et couleurs. Étoiles de mer bleues, poissons-clowns, chirurgiens, napoléons, requins à pointe noire, mais aussi tortues ou hippocampes évoluent gracieusement dans de magnifiques jardins de coraux. Un masque et un tuba suffisent pour profiter de ce spectacle, mais les plongeurs jouissent en plus de l’ivresse des profondeurs.

Seule tache dans ce portrait idyllique : l’Indonésie est loin d’être une championne de l’environnement. Entre poubelles allègrement balancées à la mer et pêche à la dynamite ou au cyanure (illégales) qui ravagent encore des pans entiers de corail et autant d’espèces animales, notre cœur vert voit souvent rouge. Mais pas d’inquiétude, au bout du compte, la couleur dominante reste le bleu turquoise.

CARNET PRATIQUE

Quand y aller 

Le cœur de la haute saison est en juillet et août. La météo est alors au beau fixe (températures chaudes sans être étouffantes et rares ondées passagères), mais les touristes européens affluent, et il peut s’avérer problématique de dénicher le bungalow de ses rêves. En mai-juin et entre septembre et novembre, le climat est aussi agréable, bien qu’un peu plus humide, mais les visiteurs se font rares. En dehors de ces périodes, la mousson sévit (particulièrement de décembre à février).

Comment y aller

L’éloignement a un prix : une longue route pas toujours confortable. En avion, l’aéroport le plus proche est celui de Gorontalo, d’où un traversier part vers les îles les mardis et vendredis (12 heures). En 2015, un aéroport devrait voir le jour à Ampana. Cette ville assure des liaisons maritimes quotidiennes (sauf les vendredis) vers les îles en six, huit heures de traversée. Comptez de 15 à 20 heures de route pour rejoindre Ampana depuis le pays Toraja (Rantepao).

Hébergement

La plupart des établissements offrent des prestations similaires et assez simples : des bungalows en bois posés sur la plage, un lit protégé d’une moustiquaire et une salle de bains qui ne connaît pas la définition du mot luxe. L’absence de moyens de communication rend les réservations compliquées, voire impossibles. De rares établissements (dans l’île de Kadidiri, entre autres) les acceptent, mais généralement, il faut tenter sa chance (premier arrivé, premier servi). En dehors des mois de juillet et d’août, des bungalows sont toujours disponibles. Pensez à vous munir de suffisamment de roupies indonésiennes pour régler toutes vos dépenses, car il n’y a ni guichet ni banque dans les îles, et votre carte de crédit ne vous sera guère utile.

Bonnes adresses

Malenge Indah Cottages, île de Malenge

Coup de cœur pour cet endroit magique et vraiment isolé, qui ne compte que sept bungalows posés sur une magnifique plage. Comptez 20 $ par jour et par personne en pension complète.

Tél. : 085 298 992 607

Poya Lisa Cottages, Bomba

Une douzaine de bungalows répartis dans une minuscule île, entourée de belles plages et de récifs de corail. À partir de 15 $ par jour et par personne en pension complète.

Tél. : 081 239 538 675

PLONGER 

Cinq établissements sont équipés pour les plongeurs. Black Marlin Cottages, situé dans l’île de Kadidiri, est le plus sérieux et peut satisfaire tous les plongeurs, du débutant au plus confirmé. La plongée-tuba se pratique partout et tous les établissements louent de l’équipement.

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