Une manne potentielle de 450 millions pour l’État québécois

La vente de cannabis par la Société des alcools du Québec (SAQ) pourrait rapporter à l’État québécois des recettes fiscales de 457 millions, et ce, dès la première année de la légalisation, selon une étude publiée aujourd’hui par l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS).

982 emplois, dont 600 à la SAQ

L’IRIS, un laboratoire d’idées campé à gauche, a réalisé son enquête à la demande du Syndicat des employés de magasins et de bureau de la SAQ (SEMB-SAQ), qui l’a commanditée. En se basant sur les données du Colorado, premier État à avoir légalisé la vente de marijuana à des fins récréatives, les auteurs évaluent le marché québécois du pot à 1,3 milliard par année. En comparant cette somme au modèle d’affaires des grossistes de tabac, ils estiment que la vente de marijuana par le secteur privé – dans des dépanneurs, des épiceries et des tabagies – créerait 912 emplois. En confiant plutôt à la SAQ le soin de commercialiser la marijuana, 982 emplois seraient créés, dont 600 à la SAQ, avec un salaire moyen de 57 110 $.

457 millions de redevances, contre 278 millions au privé

Dans le marché illicite actuel, « les revendeurs peuvent dégager des marges bénéficiaires allant jusqu’à 55 % », écrivent les chercheurs Philippe Hurteau et Bertrand Schepper. Mais en tenant compte des impératifs de santé publique qu’imposerait la vente de cannabis par l’État, « il semble plus réaliste que la SAQ puisse réaliser avec la vente du cannabis un taux de profit similaire à ce qu’elle retire de la vente des produits de l’alcool », soit une marge de profit de 34,4 %. Appliqué à la SAQ, ce calcul rapporterait des redevances de 457 millions par année à l’État. « Dans l’hypothèse d’un marché privé, la marge bénéficiaire de 34,4 % du chiffre d’affaires serait composée de 20,9 % de taxe spéciale et de 13,5 % de profit pour les commerçants. Ainsi, lors de la première année complète suivant la légalisation, nous pouvons projeter des revenus de taxation de 278 millions pour l’État québécois et des profits privés qui atteindront 180 millions » pour les entrepreneurs, avance l’IRIS.

Valeur ajoutée supérieure à la SAQ

En tenant compte des salaires supérieurs versés par la SAQ, l’IRIS évalue que l’État récupérerait 22 millions de plus par année en taxes et impôts payés par ces travailleurs grâce à leur plus grand pouvoir d’achat. « Leur consommation sera plus importante et permettra de générer plus d’emplois indirects et induits que l’hypothèse privilégiant le secteur privé », écrivent-ils.

Résister au marché criminel

L’IRIS estime par ailleurs que la SAQ serait mieux placée que le privé pour résister aux tentatives du marché criminel d’infiltrer la vente légale de cannabis. « Un commerçant indépendant et isolé aura plus de difficulté face aux pressions d’organisations criminelles (intimidation, violence, etc.) qui sortent du cadre normal de la concurrence », avance l’institut de recherche.

Un modèle envisagé par l’Ontario et le Nouveau-Brunswick

Jusqu’à maintenant, le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao, s’est montré fermé à l’idée que l’État commercialise du cannabis à la SAQ. « Je n’ai aucun plan, aucune idée, aucune intention de commercialiser », avait-il déclaré en février dernier. C’est tout le contraire de la position de la première ministre ontarienne, Kathleen Wynne, qui a déclaré vouloir en faire une priorité pour la LCBO. Le Nouveau-Brunswick envisage aussi sérieusement l’hypothèse de vendre du cannabis dans ses liquor stores. « Nous, nous pensons que ce serait une très bonne idée d’en vendre à la SAQ. Pas nécessairement à côté des bordeaux, mais l’idée d’utiliser la structure de la SAQ pour vendre ce produit nous paraît logique, affirme le président du Syndicat des employés de bureau de la SAQ, Alexandre Joly. Nous sommes déjà habitués à vendre de l’alcool à une clientèle difficile, soit parce qu’elle n’a pas l’âge nécessaire ou parce qu’elle est intoxiquée, et nous sommes formés pour le faire de façon responsable. »

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