Programmes particuliers à l’école publique

Tirs groupés de l’opposition pour réclamer la gratuité

QUÉBEC — Le gouvernement Legault se retrouve maintenant seul à l’Assemblée nationale à vouloir continuer d’imposer des frais aux parents pour que leur enfant puisse suivre un programme particulier à l’école publique. Les trois partis de l’opposition réclament la gratuité de ces programmes de type sports-études, arts-études, sciences et éducation internationale.

Environ un élève sur cinq est inscrit à un tel programme au secondaire, une offre qui s’est accrue au fil des ans afin de concurrencer l’école privée, entre autres.

Pour le Parti libéral du Québec (PLQ), la prise de position est nouvelle. Il n’avait pas profité de ses années au pouvoir pour décréter la gratuité des programmes particuliers.

L’an dernier, le ministre de l’Éducation Sébastien Proulx « avait commencé à faire un peu de ménage dans les frais scolaires, il y a eu les élections après, on n’a pas été élus, et maintenant, on continue le bon ménage », affirme la députée Marwah Rizqy, élue pour la première fois le 1er octobre, pour expliquer le cheminement de son parti.

Les consultations publiques commenceront aujourd’hui à l’Assemblée nationale au sujet du projet de loi 12 « visant à préciser la portée du droit à la gratuité scolaire et à permettre l’encadrement de certaines contributions financières pouvant être exigées ». Déposé le mois dernier par le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge, il prévoit notamment que « le droit à la gratuité des services éducatifs […] ne s’étend pas aux services dispensés dans le cadre de projets pédagogiques particuliers ».

« La situation est correcte », dit Roberge

En conférence de presse, Jean-François Roberge a affirmé que « la situation actuelle est correcte » quant à la facturation des programmes particuliers. Il a soutenu que « des écoles pourraient décider d’avoir des fondations, pourraient prendre un paquet de moyens pour [les] rendre davantage accessibles ».

« Les parents acceptent qu’il y ait des projets particuliers, ils acceptent qu’il y ait des frais pour ces projets qui sont spécifiques. »

— Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation, en conférence de presse, hier

Le ministre fonde son opinion sur les résultats d’une consultation en ligne qu’il avait menée en janvier. Un peu plus de 33 000 personnes y ont participé ; parmi elles, 83 % ont au moins un enfant à l’école publique et 27 % travaillent dans le réseau scolaire. Au total, « 67 % nous disent qu’ils sont favorables à ce qu’il y ait des frais pour des projets particuliers », a-t-il dit. L’opposition critique cette consultation qui, selon elle, a été faite dans la précipitation, occultait le mot gratuité et dont l’échantillon était discutable.

Au sein de la Fédération des comités de parents du Québec, les avis sont partagés sur le bien-fondé de la facturation des programmes particuliers. On signale toutefois qu’une majorité de comités considère que l’État ne peut tout payer et est en faveur de frais modestes et équitables d’une région à l’autre. La Fédération en a surtout contre la sélection des élèves en fonction des résultats scolaires.

« Système à deux vitesses »

Pour Marwah Rizqy, le ministre Roberge est en train de permettre « un système à deux vitesses à l’intérieur même du réseau public », qui se fonde sur la capacité de payer des parents.

« J’ai toujours cru à un système universel gratuit. Si on veut vraiment lutter de façon efficace contre le décrochage scolaire, il ne faut pas multiplier les inégalités », affirme-t-elle.

« Les projets particuliers, ça a été démontré que ça peut aider beaucoup de jeunes élèves, surtout les garçons, à rester accrochés à l’école. Et le ministre, lui, il n’est pas du tout gêné de dire que les parents vont payer pour ça et que ça peut coûter des milliers de dollars. »

— Marwah Rizqy, députée libérale de Saint-Laurent

La députée de Saint-Laurent souligne que le gouvernement « dispose de moyens financiers importants, voire historiques » qui lui permettraient d’assurer la gratuité des programmes particuliers.

La députée du Parti québécois Véronique Hivon considère également que la gratuité doit être de mise pour les programmes particuliers. « Les frais, qui peuvent être modérés, mais qui peuvent être aussi très importants, sont un frein à l’accès. L’idée est d’avoir un milieu scolaire le plus stimulant possible pour les jeunes, pour favoriser leur persévérance scolaire », souligne-t-elle.

« Les programmes particuliers, on est contents qu’ils existent. Ça favorise la persévérance scolaire. Par contre, notre position, c’est qu’on veut qu’ils soient accessibles à tous les élèves, sans égard au revenu familial ou aux résultats scolaires », explique quant à elle la députée de Québec solidaire Christine Labrie.

Le Conseil supérieur de l’éducation concluait en 2016 que le système scolaire québécois était le plus inégalitaire au pays, notamment parce que des élèves issus de familles démunies ne pouvaient, de façon générale, accéder à un programme particulier dans le réseau public ou alors à l’école privée.

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