Rémunération des médecins

J’accouche docteur, combien ça coûte ?

Combien un médecin est-il payé pour un accouchement ? Attachez vos tuques, ce n’est pas simple.

J’ai posé la question à la Régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ), l’organisme responsable de la rémunération des médecins. Or, après une semaine d’attente, deux entretiens téléphoniques et trois courriels, l’organisme n’avait toujours pas répondu avec précision.

Pour m’y retrouver, on m’a suggéré d’appeler le syndicat des médecins de famille, soit la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ). Après une longue discussion avec l’expert de la FMOQ, laissez-moi tenter de vous expliquer.

Mesdames, si vous accouchez à 18 h 30 le mardi de façon naturelle, le médecin recevra 462,25 $. Par contre, il empochera 674,90 $ si le bébé vient au monde trois quarts d’heure plus tard, à 19 h 15, ou s’il voit le jour un samedi avant minuit. Après minuit, c’est autre chose.

Ça va jusque-là ?

Maintenant, il est possible que le médecin vous prodigue des soins pendant une bonne partie du travail, mais qu’il ne soit pas celui qui, physiquement, fait sortir le bébé. Si tel est le cas, sa paye dépend de la raison pour laquelle il n’a pas participé à la délivrance du bébé.

Par exemple, si le médecin traitant doit partir parce qu’il a fini son quart de travail, il touchera… 462,25 $. Et le médecin suivant sera aussi payé 462,25 $, même si le bébé naît 15 minutes plus tard. Facture totale : 924,50 $. Évidemment, il s’agit des tarifs en semaine de jour. Les tarifs de soir, de nuit et de fins de semaine sont différents.

Ça va toujours ?

Il est bien possible que le médecin traitant ne participe pas à la délivrance du bébé parce qu’il a besoin des conseils d’un autre médecin, pour toutes sortes de raisons. Dans un tel cas, il sera plutôt payé 308,15 $. Et l’autre médecin ? S’il n’est pas gynécologue, il touchera probablement 462,25 $. S’il est gynécologue, je vous invite à consulter le manuel de facturation des spécialistes, qui fait 832 pages.

Oui, mais si c’est une césarienne ? Le premier chiffre qu’on lit sur le manuel de facturation est 380,65 $, mais attendez, la césarienne est-elle pratiquée par le médecin traitant ou un autre médecin ? Cet autre médecin, est-il un spécialiste gynécologue ? Et encore, la césarienne est-elle faite dans un cas complexe ou non ?

À tout événement, on peut penser que la majorité des césariennes requièrent au moins deux médecins. Le cas échéant, la facture serait probablement de 842,90 $ au total si l’opération est faite de jour, en semaine, sans spécialiste, sans complexité, sans hystérectomie et sans les frais de l’anesthésiste.

Capiche ?

Oui, mais en région ? Quoi en région ? Les tarifs sont majorés « dans les territoires insuffisamment pourvus de professionnels de la santé », afin d’inciter les médecins à y rester.

Le guide définit six régions éloignées, qui ont chacune des taux de majoration différents. À Rimouski ou à Alma, les tarifs sont majorés de 15 % en cabinet et de 20 % en hôpital. Cette majoration est plutôt de 20 et 30 % à Val-d’Or, en Abitibi. Au lieu de 462,25 $ à Montréal, ce sera donc 600,93 $ dans un établissement de Val-d’Or.

Oui, mais l’expérience du médecin en région ? Quoi ? Eh oui, en région éloignée, le tarif des soins à l’acte est majoré selon le nombre d’années de pratique des médecins. Il faut donc ajouter aux tarifs de 5 à 10 % selon les années de pratique.

Vous comprenez maintenant pourquoi les frais d’administration du réseau de la santé sont monstrueux.

Oh ! j’oubliais. Si le projet de loi 20 du ministre Gaétan Barrette voit le jour, il faudra ajouter une autre couche de complexité à la rémunération, puisque la paye sera réduite de 30 % pour les médecins de famille qui ne suivent pas un minimum de patients…

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