Chronique

« Chérie, on va au Salon de la mort ? »

Phoudsady Vanny a un très joli nom et une très jolie idée : elle a conçu le Salon de la mort.

Oui, oui, le Salon de la mort, comme le Salon de la mariée, le Salon de l’habitation et le Salon de l’auto.

Le Salon de la mort aura lieu les 3 et 4 novembre 2018.

Quand j’ai entendu parler du Salon de la mort, par l’entremise de l’auteure et commentatrice Sophie Bérubé, qui a participé à la genèse de l’idée, je me suis demandé qui, mais, grands dieux, qui voudrait aller au Salon de la mort…

« Chérie, on va faire un tour au Salon de la mort, le week-end prochain ?

— Euh, oui, bon, j’ai justement envie de magasiner des testaments et des urnes… »

Puis, je me suis souvenu que j’avais récemment pondu une chronique où j’exhortais les lecteurs de La Presse – un média qui défie la mort – à parler de la mort entre eux, pour éviter de rater leur fin de vie…

J’ai donc appelé Mme Vanny, présidente du Salon de la mort, qui m’a tout de suite avoué qu’elle avait d’abord mis au rancart l’idée d’un Salon de la mort, il y a six ou sept ans : « Les gens n’étaient pas rendus là. »

Mais voilà, en 2018, son pif lui a dit que les gens sont rendus « là », là étant cette zone inconfortable qu’est la mort et toutes les discussions qui entourent la mort. Et les médias en parlent de plus en plus, constate-t-elle.

Plus j’écoutais Mme Vanny parler de la mort avec un enthousiasme irrésistible, plus je me disais qu’un Salon de la mort, c’est au fond une bonne idée : plus on la normalisera, plus on en parlera. Plus on en parlera, plus on évitera de mauvaises morts.

Mauvaises morts ?

Il y a plusieurs façons de mal vivre la mort, la sienne ou celle de ceux qu’on aime. En se faisant admettre trop tard aux soins palliatifs, en mourant sans testament, en cherchant un acharnement thérapeutique, en laissant à ses proches le fardeau de magasiner son cercueil, 12 heures après sa mort, en pensant qu’un deuil peut se faire en un ou deux mois…

Fouillez autour de vous. Les mauvaises morts sont légion.

Au Salon de la mort – c’est drôle, plus je le dis, plus j’aime le dire –, il y aura donc des conférenciers, « qui se bookent et qui se débookent, ces jours-ci », dit Mme Vanny, comme les médiatiques médecins Alain Vadeboncoeur et Martin Juneau. Il y aura des exposants (entreprises funéraires, fabricants de cercueils nouveau genre, etc.). On pourra même essayer des cercueils (pas de farces). Il y aura des discussions sur tous les aspects de la mort : testaments, legs, rituels funéraires du monde, soins palliatifs, deuil tout court, deuil périnatal, deuil chez les Premières Nations et, même, deuil animalier…

Phoudsady Vanny se cite comme un exemple en matière de mauvaise gestion du deuil, naguère pas mieux formée que quiconque : elle a mis des années à se remettre de la mort de sa grand-mère adoptive. « J’étais sous le choc quand j’ai organisé les funérailles de ma grand-mère, je ne savais pas comment me dépatouiller. »

« On veut enrichir la discussion sur le deuil, dit Phoudsady Vanny. On refoule beaucoup les deuils… »

Lors de notre entrevue, le mot « discussion » est revenu souvent à la bouche de Louis-Armand Bombardier, promoteur artistique, qui est vice-président et trésorier du Salon de la mort : « L’impératif du Salon, c’est de faire avancer la discussion à propos de la mort. Quand l’idée m’a été présentée, je me suis dit que j’avais hâte de trouver des façons de discuter de la mort sans faire peur au monde : il faut en parler pour arrêter d’en avoir peur. »

Personne, constate M. Bombardier, n’est jamais vraiment prêt à parler de la mort. Alors aussi bien en parler quand on est bien portant, lucide et en santé, plutôt que dans la précipitation du déclin, à la fin…

Mélijade Rodrigue, directrice du marketing chez Urgel Bourgie, partenaire de l’événement, insiste elle aussi sur le mot « discussion ».

« Quand les gens se présentent dans nos salons, c’est souvent dans le cadre d’un décès. Ce n’est pas le bon état d’esprit pour ouvrir la discussion sur la mort. Dans un Salon de la mort, on pense qu’on peut ouvrir le dialogue… »

— Mélijade Rodrigue, directrice du marketing chez Urgel Bourgie

Les tabous sur la mort mènent à des malentendus malheureux. Le plus fréquent, chez les clients d’Urgel Bourgie, selon Mélijade Rodrigue : « Oui, on peut faire des funérailles avec le corps et faire la crémation après… Bien des gens pensent que non. »

J’ai vécu avec Mme Rodrigue un malentendu lors de l’entrevue, lorsque j’ai utilisé le mot « incinération ». Elle m’a corrigé. Il faut dire « crémation » quand il s’agit des humains : « On incinère des déchets… »

Oups.

Le Salon de la mort verra donc le jour, aux premiers jours du prochain mois des morts, au Palais des congrès. Il a bien failli s’appeler « Saisons de la Vie », cependant, signe que même chez des gens prêts à pousser les Québécois à jaser de la mort, le mot « mort » a suscité quelque chose comme un malaise, un pont trop loin…

Et puis, dit Louis-Armand Bombardier, « Salon de la mort », ça dit ce que ça dit. Si ce n’est pas pour vous, pas de surprise, vous n’irez pas, alors avec Salon de la mort, les choses sont claires.

Phoudsady Vanny : « On a découvert que “Saisons de la Vie”, c’est une façon d’éviter le sujet. Et “Saisons de la Vie”, c’était dur à vendre auprès des commanditaires. Nous sommes revenus à “Salon de la mort”, c’est plus facile. Et sur un abribus, “Salon de la mort”, c’est plus accrocheur… »

Accrocheur ? Finalement, oui. La preuve : j’en parle, de ce Salon de la mort, cinq mois avant.

C’est le plus important : en parler.

GUY MONGRAIN, LE GENTLEMAN

Il n’est pas mort, il est encore fort, mais il prend sa retraite. Je parle bien sûr de Guy Mongrain, l’animateur de La poule aux œufs d’or, le jeu télévisé ultrapopulaire de TVA.

Non, je ne suis pas un fidèle de la Poule, surtout parce que je fais mon yoga chaud quand le jeu télévisé de TVA est en ondes, mais je suis un fan de Guy Mongrain, probablement le plus grand gentleman actif à la télévision canadienne-française.

Je l’ai croisé une ou deux fois, là n’est pas la question, mais je souligne la retraite de Guy Mongrain parce qu’il incarnait une certaine forme de professionnalisme télévisuel, un respect certain du public dans la façon de faire son métier et de composer avec les gens.

Dans un univers où certaines personnes ont bien de la misère à ne pas tomber en amour avec l’image que leur renvoie la télé, Guy Mongrain était tout le contraire, que ce soit à Salut, bonjour ! ou à La poule aux œufs d’or : un gentleman qui n’a jamais fait suer personne et qui ne s’est jamais cru au-dessus des gens qu’il divertissait.

Quelque chose comme un artisan, une vraie personne qui s’adonnait à bosser devant des kodaks, dont le sourire en coin semblait toujours rappeler que, eh, oh, c’est vraiment juste de la télé, calmons-nous…

Bonne retraite, Monsieur Mongrain, et bons voyages !

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