Analyse

Merci pour tout, Lucian

Lucian Bute a été un cadeau du ciel pour la boxe québécoise. Alors que Éric Lucas et Stéphane Ouellet étaient sur le déclin, il est apparu sur la scène : un gars poli, sympathique, gentleman, boxeur hors pair. Le Québec est tombé en amour.

Il a été champion du monde pendant cinq ans. Il a livré 13 combats de championnat. Il a rempli les arénas, vendu des combats à la carte de Gaspé à Gatineau. Il a servi de modèle à cette génération qui pousse derrière.

Il a fait rêver avec ses victoires, ses coups au foie légendaires, ses défenses de titre qui ne semblaient jamais vouloir finir. Un moment, on a cru qu’il était le meilleur, le plus grand. Puis il y a eu Carl Froch.

Mais les gens y ont cru encore : Lucian Bute pourrait revenir. Et il est revenu, même si plus personne ne croyait qu’il était le plus grand. Le public ne l’a jamais lâché. Il fallait l’entendre au Centre Vidéotron, vendredi soir, scander son nom : « Bu-te, Bu-te, Bu-te… »

Était-ce la dernière fois ? Après sa défaite par K.-O. contre Eleider Álvarez, personne ne sait ce qui attend Bute. Lui-même, dans les minutes suivant le combat, a indiqué qu’il préférait continuer, même s’il n’écartait pas l’idée d’accrocher les gants. Il attend un premier enfant en mars. Ça peut changer bien des priorités…

Mais hier matin, déjà, le promoteur Yvon Michel expliquait que Bute n’était pas fini, qu’il y aurait d’autres combats pour lui s’il le désirait. « Est-ce que c’est le temps de prendre sa retraite ? Moi, je propose des solutions. Je n’inviterai jamais quelqu’un à continuer ou à prendre sa retraite. C’est quelque chose qui doit venir du boxeur », a dit Michel.

« Il y a des scénarios qui existent et qui font que même s’il va avoir 37 ans, il pourrait revenir s’il a le goût, a continué le promoteur. Il pourrait même faire un bon bout de chemin. Ça pourrait même être une revanche contre Eleider s’il devient champion du monde. Il y a beaucoup de scénarios comme ça. »

Il y a certainement beaucoup de scénarios pour Lucian Bute, mais on n’en voit aucun où il redeviendrait champion du monde. Dans ses sept derniers combats, il n’a gagné que deux fois. Il a été mis K.-O. deux autres fois.

Il est difficile, dans ces circonstances, de voir un scénario où Lucian Bute, s’il continuait à boxer, ne ferait pas que vendre son nom au plus offrant, probablement à de jeunes loups en train de monter pendant que lui tombe un peu plus à chaque combat.

Il est difficile de voir un scénario où, s’il continuait, Lucian Bute ne se ferait pas faire mal, peut-être même irrémédiablement. « La boxe n’est pas un jeu », comme aime à le répéter Jean Pascal, un autre boxeur qui a beaucoup fait pour la boxe d’ici.

Bute va maintenant prendre du repos, rentrer en Roumanie, devenir papa. Il va penser à son avenir. Espérons que de lui-même, il prendra la bonne décision. Mais il ne serait pas le premier boxeur à ne pas le faire.

Dans ces circonstances, y a-t-il quelqu’un dans son entourage qui pourrait lui rappeler cette simple vérité : Lucian Bute n’a plus rien à prouver ? Enfin si, il lui reste une dernière chose à prouver : qu’il saura arrêter au bon moment.

Ce moment, c’est maintenant. Il a été sage avec les sous qu’il a faits, il a de l’argent en banque. Il a la santé et encore toute sa tête. Il n’a plus rien à gagner, rien à prouver, mais il a beaucoup à perdre.

Vendredi à Québec, dans ces cris de « Bu-te » qui résonnaient, il y avait une bonne part de nostalgie pour cette époque pas si lointaine où Lucian Bute était au sommet. Il y avait certainement beaucoup d’amour.

C’était un hommage. Une façon pour la boxe d’ici de dire merci à son grand champion. De lui dire quelques mots que, espérons-le, il aura compris.

« Merci pour tout, Lucian. »

Boxe

GYM et les « combats fratricides »

Le Groupe Yvon Michel se dirige vers une drôle de période avec la victoire d’Eleider Álvarez. Dans les prochaines années, plusieurs boxeurs du groupe pourraient s’affronter dans la catégorie des mi-lourds. Il pourrait y avoir des situations délicates, et déjà hier, on en a eu un aperçu alors qu’Yvon Michel et l’entraîneur Marc Ramsay ne s’entendaient pas sur l’allure que pourrait avoir la suite des choses. Le promoteur a rappelé hier que le prochain combat d’Álvarez serait pour le titre WBC. « C’est béton », a dit Michel. Le combat devrait avoir lieu à l’automne. Si Adonis Stevenson gagne son combat en avril, on aura donc droit à un premier « combat fratricide » entre deux boxeurs de l’écurie GYM. Ensuite, il y a Artur Beterbiev. Celui-ci se bat en avril pour la position d’aspirant obligatoire au titre IBF. Si tout va bien, il sera champion du monde en 2017 ou au début de 2018. « Et après, pourquoi pas une unification entre les titres IBF et WBC », a lancé Yvon Michel. Mais si Álvarez bat Stevenson, on aurait donc un combat Álvarez-Berterbiev, deux boxeurs entraînés par Ramsay. L’entraîneur a rejeté ce scénario du revers de la main. « C’est clair pour moi et ç’a toujours été clair : jamais deux de mes boxeurs ne vont s’affronter. » Yvon Michel n’a pas flanché. « Ce n’est pas vrai. Si l’argent est sur la table, que les réseaux sont intéressés, je suis certain que Marc accepterait. Ça s’est déjà vu, c’est déjà arrivé à Freddie Roach, et il se retirait pour un des deux boxeurs », a fait valoir Michel. Des mois intéressants s’en viennent chez GYM…

— Gabriel Béland, La Presse

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