La machine électorale libérale est traditionnellement reconnue pour sa capacité à faire « sortir le vote ». Mais elle a failli cette fois-ci : les secteurs où les électeurs ont été les plus nombreux à se rendre aux urnes lundi ont appuyé massivement la Coalition avenir Québec (CAQ). Autrement dit, les taux de participation les plus élevés ont été enregistrés en grande majorité dans des circonscriptions qui ont élu des députés caquistes.
Les champions du devoir de citoyen
Louis-Hébert (Québec) : 80,5 %
Élue : Geneviève Guilbault, CAQ
Montarville (Montérégie) : 80,4 %
Élue : Nathalie Roy, CAQ
Verchères (Montérégie) : 77,5 %
Élue : Suzanne Dansereau, CAQ
Chutes-de-la-Chaudière : 76,6 %
Élu : Marc Picard, CAQ
Que s’est-il passé avec la légendaire « machine libérale », censée être rodée au quart de tour pour s’assurer que les partisans votent en grand nombre ? À l’opposé, les électeurs qui ont boudé le vote se trouvent surtout dans des circonscriptions montréalaises traditionnellement libérales, où le PLQ a conservé ses acquis. Peut-être estimaient-ils que l’issue du vote était prévisible, puisqu’il s’agit de sièges que les libéraux remportent généralement facilement. L’exception à la règle : Ungava, où seulement 30,9 % des électeurs ont voté, a choisi le caquiste Denis Lamothe, avec une mince majorité de 45 votes sur son adversaire du Parti québécois (PQ).
Taux de participation les plus faibles
D’Arcy-McGee : 46,5 %
Élu : David Birnbaum, PLQ
Westmount–Saint-Louis : 48,5 %
Élue : Jennifer Maccarone, PLQ
Saint-Laurent : 51,9 %
Élue : Marwah Rizqy, PLQ
Des Châteaux forts libéraux tombés aux mains de la CAQ
Le parti de François Legault a réussi à former un gouvernement majoritaire en mettant la main sur plusieurs bastions libéraux, qu’aucun autre parti n’avait pu conquérir avant. La vague caquiste a renversé des majorités écrasantes obtenues par les libéraux lors des dernières élections. En voici quelques exemples :
Gatineau
Circonscription libérale depuis 1962
2014 – Stéphanie Vallée, PLQ : 61,6 %
2018 – Robert Bussière, CAQ : 41,8 %
Chapleau
Circonscription libérale depuis 1981
2014 – Marc Carrière, PLQ : 57,8 %
2018 – Mathieu Lévesque, CAQ : 40,44 %
Papineau
Circonscription libérale depuis 1981
2014 – Alexandre Iracà, PLQ : 50,4 %
2018 – Mathieu Lacombe, CAQ : 46,9 %
Châteauguay
Circonscription libérale depuis 1985
2014 – Pierre Moreau, PLQ : 49,6 %
2018 – MarieChantal Chassé, CAQ : 37,1 %
Brome-Missisquoi
Circonscription libérale depuis 1980
2014 – Pierre Paradis, PLQ : 44,5 %
2018 – Isabelle Charest, CAQ : 44,4 %
Un « Parti québécois solidaire » aurait formé l’opposition officielle
Dans son discours de lundi soir, le chef défait du PQ, Jean-François Lisée, a attribué sa déroute en partie à la montée de Québec solidaire et au refus du parti de gauche d’unir les forces souverainistes pour faire échec à la CAQ et au PLQ. En additionnant les votes exprimés en faveur de QS et du PQ dans toutes les circonscriptions, on obtient en effet un portrait passablement différent.
Redistribution des sièges en additionnant les appuis à QS et au PQ
CAQ : 64 sièges (au lieu des 74 obtenus)
PLQ : 27 sièges (au lien des 32 obtenus)
« Parti québécois solidaire » : 34 sièges (au lieu des 10 de QS et des 9 du PQ obtenus)
Un « Parti québécois solidaire » aurait devancé le PLQ pour devenir l’opposition officielle. La CAQ n’aurait eu qu’un seul siège de plus que la majorité à l’Assemblée nationale. Un tel « Parti québécois solidaire » aurait pu faire plus de gains dans la grande région de Montréal (Pointe-aux-Trembles, Bourget, Verdun, Maurice-Richard, Laval-des-Rapides, Taillon, Verchères, Saint-Jean), mais aussi à Québec (Jean-Talon) et ailleurs dans la province, comme dans Saint-François (Estrie), Abitibi-Ouest, Labelle, Lac-Saint-Jean, Gaspé et Ungava. Cette extrapolation ne tient pas compte du fait que des partisans déçus de l’un ou l’autre des deux partis n’auraient peut-être pas appuyé un parti fusionné, ou à l’inverse, que des citoyens n’ayant voté ni pour QS ni pour le PQ auraient peut-être appuyé un parti né d’une fusion.
Source des données : Directeur général des élections du Québec
— Avec Thomas de Lorimier, La Presse