Rencontre organisée par Dans la rue et Québec Cinéma

Jean-Marc Vallée sans détour

Après avoir visionné le film oscarisé Dallas Buyers Club, des jeunes sans-abri ou en situation précaire ont rencontré le réalisateur Jean-Marc Vallée, hier, dans le cadre d’un partenariat entre l’organisme Dans la rue et Québec Cinéma. Sans gêne ni détour, ils ont posé des questions pertinentes sur sa carrière. En voici un résumé.

Son salaire

Il n’y a pas que les enfants qui osent des questions sans filtre. Les huit élèves de l’école Emmett Johns, de l’organisme Dans la rue à Montréal, l’ont prouvé, hier après-midi.

« Juste comme ça, quand tu dis que le film [Dallas Buyers Club] a fait 50 millions, combien tu as fait ? », a demandé le plus loquace du groupe. « Combien moi, j’ai fait ? », a répondu Jean-Marc Vallée, estomaqué.

Malgré la surprise, le réalisateur a enchaîné : « Aux États-Unis, c’est très, très bien payé. Très, très bien. Mais je vais me garder une petite gêne, si ça ne te dérange pas. Je pense qu’il y a des journalistes dans la salle et j’imagine déjà le titre demain dans les journaux : “Des millions pour Jean-Marc Vallée !” »

Tous les gens présents dans la salle de cours ont éclaté d’un grand rire franc et un des élèves a crié : « Il est tout rouge ! » C’est vrai que le réalisateur venait de prendre des couleurs, mais ça ne l’a pas empêché d’enchaîner en expliquant que de prime abord, pour Dallas Buyers Club, il était « moins payé que sur Crazy, mais après ça, [il a] touché des redevances. Pis là, c’est venu à peu près pareil », a dit Vallée.

Son meilleur film

Parmi les huit élèves, la seule femme présente à la conférence s’est intéressée à la difficulté de convaincre les producteurs de faire des films hors normes.

« Si ça provoque, si ça dérange, ça va prendre du temps. Mais c’est correct de se battre, a répondu M. Vallée. Regarde Demolition, ça m’a pris du temps à convaincre les gens, parce que c’était une proposition cinématographique particulière. »

À ce jour, ce film est son préféré, et ce, même s’il a été « un grand, grand flop » en salle.

« Je l’ai encore présenté récemment dans un petit festival et je voulais regarder juste le début. Finalement, je suis resté tout le film, même si je l’ai vu 300 fois ! C’est moi qui l’ai fait ! J’étais dans la salle et je me disais : “Câlice, c’est bon !” Je suis mon meilleur public », a dit en souriant Jean-Marc Vallée.

Une des intervenantes de l’organisme Dans la rue a saisi la balle au bond en affirmant qu’il était important d’être fier de ses accomplissements.

Ses études

« Pour être reconnu comme réalisateur, est-ce qu’il faut avoir étudié là-dedans ? », a demandé un jeune homme allumé, assis en retrait.

Très à l’aise face à ce public singulier, Jean-Marc Vallée a confié ne pas être tombé dans la marmite du cinéma à l’adolescence : « Moi, j’étais perdu comme jeune. J’étais au cégep en administration, je ne savais pas quoi faire de la vie, je trouvais ça plate l’école, j’allais lâcher et j’avais des tendances à la délinquance. Et par pure paresse, j’ai suivi un cours de cinéma et société, parce que je me disais que ce serait facile. […] Et pour la première fois de ma vie, j’ai écouté un prof. »

C’est grâce à ce professeur que le Montréalais a trouvé « quelque chose qui [lui] donnait envie de rêver », et il a ensuite poursuivi ses études en cinéma au cégep et à l’université.

Los Angeles

Le réalisateur de Wild et de C.R.A.Z.Y. n’a pas l’intention de quitter Montréal. « Pourquoi ne vis-tu pas à L.A. ? Ça doit être à cause de Trump, j’imagine », lui a demandé un des jeunes adultes.

En guise de réponse, Jean-Marc Vallée a vanté nos saisons, la métropole québécoise qu’il adore et a confié qu’il ne voulait pas s’éloigner de ses proches. Et surtout, il a expliqué : « Je ramène toujours la postproduction à Montréal. Tout le montage, toute la colorisation, les effets visuels, le son et le mixage, ça se fait ici, avec des Québécois. On tourne aux États, à Paris, à Londres, on ramène ça ici. C’est une condition sine qua non aux producteurs. Et en tournage, j’emmène avec moi mes précieux collaborateurs d’ici. »

Pour conclure cette conférence intime, Jean-Marc Vallée a proposé aux jeunes de revenir les voir pour visionner un autre film de son répertoire et poursuivre la conversation. Ils ont accepté avec plaisir.

Le numéro de Nicole Kidman

Jean-Marc Vallée vient de terminer le tournage de la télésérie Big Little Lies, qui met en scène Nicole Kidman et Reese Witherspoon (avec qui il a travaillé sur Wild) et qui sera diffusée l’année prochaine à HBO.

« Entre vous et moi, la classe et les intervenants, vous n’auriez pas le numéro de téléphone de Nicole Kidman, par hasard ? », a demandé un jeune homme de moins de 24 ans. « Attends de la voir sous toutes ses coutures dans Big Little Lies, tu vas la voir sous toutes ses coutures ! Je peux te dire qu’à 47 ans, Nicole fait des jaloux et des envieux », a répliqué du tac au tac le réalisateur.

Plus sérieusement, il a expliqué qu’il a accepté de faire de la télévision parce que « c’était tourné comme du cinéma ». « Souvent, en télé, ils ont moins de fric, et ça va de plus en plus vite, les tournages. Mais ça, c’est de moins en moins vrai aux États-Unis. Ici, au Québec, j’entends des histoires à l’effet qu’on tourne 12 à 15 pages par jour et ça, c’est inhumain », a ajouté M. Vallée. Pour cette série originale, il a tourné en moyenne quatre pages par jour.

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