Chronique

La galère des piétons

Tout l’été, on a beaucoup parlé de la sécurité des cyclistes et du partage de la route. Mais, soudainement, on s’intéresse au sort des piétons.

Coup sur coup, une coalition a fait une grosse sortie pour réclamer des mesures concrètes en faveur des marcheurs, et le conseiller Guillaume Lavoie, candidat dans la course à la direction de Projet Montréal, a dit vouloir sécuriser les 100 intersections les plus dangereuses de Montréal, s’il devient maire en 2017.

Curieusement, ils ne le savent peut-être pas, mais le timing de leurs sorties coïncide avec un des mois de l’année où on enregistre un pic d’accidents, avec le passage à l’heure d’hiver.

Combien y a-t-il de piétons tués chaque année à Montréal ?

5, 8, 12, 25, 100 ?

La bonne réponse est de 11 à 13. Ils étaient 12 en 2013, 13 en 2014, 11 en 2015 et 11 en 2016. Jusqu’à cinq fois plus que le nombre de cyclistes tués lors de collisions avec des autos ou des camions (6 en 2013, 2 en 2014, 3 en 2015 et 2 cette année). Remarquez, 2016 n’est pas finie.

Les piétons gravement blessés sont beaucoup plus nombreux : 98 en 2013, 112 en 2014 et 102 l’an dernier.

La dernière victime connue : un homme de 51 ans, mort le week-end dernier en traversant la rue Saint-Denis, près de Gilford. Il a été tué vers 3 h du matin par le conducteur d’une voiture rouge qui a pris la fuite.

Le 28 juillet, au même endroit, un piéton de 28 ans a été fauché par une auto, au début de l’après-midi.

Et le 16 avril, toujours rue Saint-Denis, à un coin de rue de là, un homme de 41 ans a été renversé, en pleine nuit, par le conducteur ivre d’une voiture.

Heureusement, la tendance diminue, mais pas forcément pour les bonnes raisons.

« Ces données, bien qu’elles soient encourageantes, nous laissent croire que tout va bien, ou du moins, que tout va mieux », dit Éric Notebaert, urgentologue et membre du conseil d’administration de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement (ACME).

Mais sur le terrain, les piétons gravement blessés continuent d’affluer dans les urgences des hôpitaux.

« On sauve plus de vies, c’est vrai. Mais ce n’est pas parce qu’il y a moins de blessés, c’est surtout parce que nos moyens sont plus sophistiqués », ajoute M. Notebaert qui fait partie d’une coalition regroupant une dizaine d’associations du milieu de la santé et des transports actifs qui demandent à Montréal, à Québec et à Ottawa d’en faire plus pour assurer la sécurité des plus vulnérables.

Un accident de la route, ce n’est pas un cancer du pancréas dont on ne connaît pas les causes. La quasi-totalité des collisions pourraient être évitées.

L’aspirant-chef de Projet Montréal, Guillaume Lavoie, croit que la solution passe par des aménagements : feux piétons pour donner le temps aux gens de traverser la rue, saillies de trottoir et îlots protecteurs pour réduire la distance à traverser, traverses surélevées pour forcer les voitures à ralentir…

« Se déplacer en sécurité, c’est un droit. Il y a une obligation de résultat », plaide-t-il.

À la suite de deux accidents mortels impliquant un vélo et un camion, en août, le maire Coderre a fait connaître sa stratégie « Vision Zéro », qui comprend une série de mesures, dont l’harmonisation des limites de vitesse, une meilleure signalisation et le réaménagement de certains secteurs jugés dangereux.

Son plan d’action prévoit aussi des réductions de vitesse à 30 km/h dans toutes les rues résidentielles « le plus rapidement possible », et à 40 km/h sur certaines artères.

Une vitesse maximum de 30 km/h, c’est lent, mais on s’y habitue. D’autres villes ont déjà ralenti, comme Paris et New York. La moitié des rues de la capitale française sera en zone 30 km/h à l’été 2017. Et 90 % des 1700 kilomètres du réseau parisien seront limités à 30 km/h d’ici à 2020. Seuls les grands axes verront la vitesse permise maintenue à 50 km/h. À New York, la limite de vitesse est de 25 milles à l’heure (40 km/h) depuis 2014.

Mais n’oublions pas que pour améliorer la sécurité des piétons en ville, il ne faut pas seulement réduire la vitesse, il faut aussi réduire la place réservée aux voitures. Moins il y aura d’autos, moins il y aura de gens qui se feront happer.

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