Grande entrevue Martine Turcotte, présidente, direction du Québec, Bell

Une présence plus visible au Québec

Depuis depuis quelques années déjà, Bell semble beaucoup plus présente au Québec. Il y d’abord eu, il y a cinq ans, l’acquisition d’Astral, qui a accru la visibilité de Bell Média, et puis l’entreprise de communications est devenus actionnaire de Spectra (Festival de jazz, FrancoFolies…), par l’entremise de sa participation dans evenko, avec qui elle vient tout juste de réaliser l’acquisition d’une position majoritaire dans le Groupe Juste pour rire. Entrevue avec la présidente de Bell au Québec, Martine Turcotte.

Je tenais à vous rencontrer pour savoir si cette présence accrue était bien réelle et si elle avait été l’objet d’une stratégie orchestrée ou d’un simple concours de circonstances ?

Depuis 2011 que suis présidente de la direction du Québec et Bell investit en moyenne 5 milliards au Québec chaque année. On a toujours eu une présence forte, mais on ne le soulignait pas. La différence aujourd’hui, c’est qu’on le fait mieux, on le fait en équipe.

On a aussi acquis des entreprises qui sont plus exposées publiquement, que ce soit en radio ou avec Juste pour rire. Le festival Juste pour rire était un joyau québécois et le groupe américain ICM Partners l’a reconnu en décidant d’en faire l’acquisition, mais il a aussi reconnu qu’il avait besoin d’un partenaire québécois pour l’opérer.

Justement, pourquoi n’êtes-vous pas entrés plus tôt dans le processus de vente de JPR ? Pourquoi avoir attendu que la vente soit conclue avant de vous associer avec ICM Partners ?

On a regardé cette transaction avec evenko, mais c’était compliqué. Québecor avait un droit de première offre et le droit d’égaliser une offre. Ce n’était pas facile d’entrer dans ça. Mais quand la transaction a été conclue avec ICM, on a vu qu’il y avait une belle opportunité de garder la propriété de JPR à Montréal, au Québec, pour continuer de le faire grandir.

Vous avez repris cet été la commandite du festival Juste pour rire avec le départ de Vidéotron. Vous êtes aussi partenaire des Francos, du Festival d’été de Québec, d’Osheaga. Vous y trouvez votre compte ?

On fait des choix parce qu’il faut qu’il y ait une cohérence avec nos unités d’affaires. Avant, on était commanditaires du Festival de jazz, on ne l’est plus. Mais les FrancoFolies, le plus gros festival de chanson francophone au monde, ça cadre tout à fait avec nos radios.

Dans le cas de Juste pour rire, on est redevenus un commanditaire cet été parce qu’il fallait assurer la pérennité de l’événement. Mais on est davantage un investisseur dans JPR et on va trouver des partenaires qui vont venir s’associer comme commanditaires.

Il n’y a pas beaucoup d’entreprises qui subventionnent à coups de millions des événements culturels, mais cela nous permet aussi de tester des innovations sur l’ensemble de nos plateformes multimédias.

Est-ce que les investissements annuels de 5 milliards que vous évoquiez plus tôt servent essentiellement à financer le déploiement de vos infrastructures et la mise à jour de vos technologies ?

On investit beaucoup dans l’amélioration de nos réseaux, mais chaque année, Bell investit en moyenne 2 milliards dans l’achat de biens et de services d’entreprises québécoises. On soutient l’économie québécoise dans toutes les régions, que ce soit nos contrats de technologies de l’information avec CGI ou notre association avec Mirego, une petite entreprise de technologie de Québec, qui a développé notre application Télé Fibe et qui a gagné de nombreux prix.

On investit 1,2 milliard par année en salaires et avantages sociaux pour nos 14 200 employés québécois. On est le plus gros employeur dans le secteur des communications au Québec. Bell Média compte à elle seule 2000 employés. On a au Québec 44 vice-présidents et premiers vice-présidents, plusieurs d’entre eux ont des responsabilités équivalentes à celles d’un PDG d’une grosse PME. Il n’y a pas beaucoup d’entreprises qui comptent autant de postes de haute responsabilité au Québec.

On parle depuis des années du retard qu’accusent les régions en matière de connexion à l’internet à haute vitesse. Est-ce que les consommateurs en région peuvent espérer avoir accès bientôt à de l’internet à haut débit ?

Là encore, on investit massivement dans nos réseaux au Québec. Chaque année, Bell investit 1 milliard pour mettre à jour son réseau de fibre optique pour l’élargir ou l’adapter aux nouvelles technologies. Mais on n’investit pas que dans la fibre pour donner accès à l’internet haute vitesse aux populations des régions, on le fait avec ce qu’on appelle le sans-fil fixe aux domiciles [les données transitent par fibre optique jusqu’à une tour de transmission et elles sont par la suite relayées par WiFi dans les résidences]. On vient de le faire au Saguenay–Lac-Saint-Jean et en Abitibi-Témiscamingue. D’ici quelques années, l’ensemble du Québec sera branché à l’internet haute vitesse. Nous et nos concurrents, on travaille dans ce sens-là, mais cela prend du soutien financier des gouvernements parce qu’il s’agit d’investissements importants.

Qu’est-ce qui mobilise le plus de votre temps et de votre énergie à titre de présidente de la direction du Québec ?

Je vois essentiellement au déploiement de la stratégie de Bell au Québec, de m’assurer que l’on ne travaille pas en silos, mais que tous nos employés et toutes nos initiatives se fassent sous le grand parapluie de Bell. Qu’est-ce qu’on peut faire ensemble pour mieux faire rayonner tout le groupe ? Cette vision de groupe se traduit notamment par l’implication de plusieurs de nos unités d’affaires dans les activités auxquelles on s’associe.

Je ne fais jamais de chèque au seul nom de Bell pour un événement. Je demande à notre division Bell Marché Affaires de contribuer financièrement si elle peut y mettre en vitrine ses produits et services, même chose pour Bell Média, Astral Affichage, Bell la marque ou Bell Innovation.

Je surveille évidemment de près notre participation dans le Groupe CH, c’est gros, c’est très gros, notre intérêt économique de 18 % dans le Groupe CH : le Canadien, le Centre Bell, la Place Bell à Laval, le Centre sportif Bell à Brossard, evenko, Spectra. Je les surveille avec mon œil de lynx…

On ne peut évidemment pas ne pas parler du service à la clientèle de Bell, qui a connu de sérieux ratés dans le passé. Comment vous assurez-vous que les clients de vos services soient bien servis, et dans des délais acceptables ?

On y travaille continuellement, je m’occupe personnellement des problèmes qui me sont rapportés. Pas pour chicaner les gens en place, mais pour comprendre ce qu’ils vivent et les épauler afin de mieux répondre aux demandes de nos clients.

Il faut aider nos gens qui font le face-à-face. Ce n’est pas un travail facile. Il faut leur faciliter la tâche. On investit des millions dans l’intelligence artificielle pour les aider à réagir plus rapidement aux différentes situations. On développe des algorithmes qui vont prévoir certains problèmes et qui vont permettre de mieux aiguiller nos représentants dans leurs réponses.

C’est notre enjeu stratégique numéro un. C’est le critère principal qui sert à évaluer ma rémunération.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.