Enjeux

Couple en (dés)union libre

Les femmes non mariées qui sacrifient leur carrière pour rester à la maison et s’occuper des enfants devraient avoir droit à une part du patrimoine lorsque le couple éclate

Il y a 9 ans, j’ai fait le choix, avec l’accord total de mon conjoint, de demeurer à la maison pour élever les enfants. J’ai donc suspendu ma carrière.

Devant les attentes de mon conjoint, j’ai organisé notre vie. Il était le pourvoyeur et moi, j’étais la nounou, l’amante, la ménagère, la cuisinière et j’en passe. Nous avions une entente qui nous convenait, un échange que je considérais comme raisonnable.

Pendant toutes ces années, j’ai parfois eu des regards méprisants quant à ma situation, mais j’ai surtout reçu des félicitations comme quoi je faisais le bon choix et que mes enfants respiraient le bonheur. Des commentaires qui provenaient même de ma propre belle-famille.

Et récemment, tout a basculé. Après douze ans de vie commune, nous nous sommes séparés. Lorsque j’ai mis fin définitivement à la relation, M a dénigré mon rôle, sa famille m’a insultée et, bien que nous partagions la même maison, M a cessé de verser de l’argent dans le compte conjoint et m’a complètement coupé les vivres.

Vous ai-je dit que nous ne sommes pas mariés ?

Je tente depuis quelques mois de réintégrer le marché du travail. J’ai un bac et je suis récemment retournée à l’université pour un certificat spécifique, qui m’aidera à revenir sur le marché du travail. Mais le vide professionnel que comporte mon CV me nuit. De plus, je n’ai pas eu de salaire et je n’ai rien accumulé pour ma retraite depuis neuf ans. Aujourd’hui, je repars à zéro, telle une nouvelle diplômée, avec comme seule richesse (à part mes enfants), la moitié d’une maison hypothéquée, pour laquelle j’ai déposé la même mise de fonds que celle de M. Je me suis donc appauvrie et lui s’est enrichi.

L’arrivée des enfants creuse des écarts importants de revenus dans le couple. Un ménage qui accepte une baisse de revenu en fondant une famille devrait aussi s’assurer que celui qui reste à la maison ne subisse pas, seul, les conséquences financières. Mais M n’a jamais voulu m’épouser.

Et lorsque je lui ai parlé d’un contrat de vie commune, il m’a dit que ce n’était pas nécessaire, puisqu’en cas de besoin, il respecterait son engagement. J’avais confiance en lui. Mais les paroles s’envolent.

Ainsi, pendant les neuf dernières années, M a accumulé des REER et des placements sans jamais me protéger. Et aujourd’hui, il considère qu’il ne me doit rien.

Pour tous ceux qui croient qu’une femme au foyer est une paresseuse, lisez ces quelques lignes qui vous situeront concernant le partage de nos tâches et responsabilités depuis neuf ans : 

Quotidiennement, je fais les lunchs, le rangement, je vais chercher les enfants à l’école, je m’occupe des devoirs et des leçons, des soupers, des dodos.

Dans la semaine, je fais les lessives, le ménage, toutes les courses et je reconduis les enfants partout.

À l’année, je suis l’agenda de la famille : les sorties, visites, pédiatre, dentiste, coiffeur, escapades, fêtes, etc. Je m’occupe de tout ce qui concerne la voiture, les changements de saison (garde-robe, tri de vêtements) le ménage ponctuel (fenêtres, armoires). Je m’implique aussi à l’école des enfants (membre du conseil d’établissement et bénévole). Je m’occupe de tout ce qui concerne la santé des enfants, incluant de nombreuses nuits passées auprès d’eux hospitalisés. M n’a jamais eu à manquer une journée de travail ni même à vivre un retard pour une urgence familiale. La nuit, c’est moi qui me lève, toujours (enfant malade, cauchemars, etc.). Je me suis toujours occupée de tout ce qui concerne les soupers/fêtes de famille, les fêtes (Halloween, Pâques, Noël), les anniversaires… À travers tout ça, j’ai géré entièrement trois déménagements et des rénovations majeures sur nos deux maisons.

Les familles se partagent les responsabilités comme elles veulent et comme elles peuvent, mais moi, c’était ma réalité. M ne levait pas le petit doigt.

Malgré tout, sachant ce que je sais aujourd’hui, je choisirais d’être mère au foyer. Je crois que nous avons offert un cadeau inestimable à nos enfants, mais aussi à nous-mêmes. Toutes les soirées où M pouvait se détendre et s’amuser avec les enfants plutôt que de se taper sa part de tâches. Tous les week-ends où l’on a pu vivre au rythme des vacances. Et nos enfants ont eu une enfance calme et joyeuse, des sommeils réparateurs, des moments de jeux avec leurs parents, une relation saine avec leur mère, etc. Une mère imparfaite, soit, mais présente et aimante.

Les femmes au foyer non mariées devraient être protégées. Seulement 20 % des couples en union libre signent un contrat de vie commune. Les conjoints prévoient alors, en cas de rupture, le partage de ce qui a été accumulé. Mais les autres, comme moi, réalisent un jour que l’homme qu’elles ont aimé, en qui elles avaient confiance, les trahit. Et il le fait avec la bénédiction d’une société qui ne reconnaît toujours pas convenablement les nouvelles structures conjugales.

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