L’ART DE LA FUGUE

Une relève inventive

C’est avec grâce et délicatesse que la chorégraphe Hélène Blackburn a dirigé les 13 finissants de l’École nationale de cirque en vedette dans la pièce L’art de la fugue. Un hommage à Bach mettant parfaitement en valeur les nouveaux talents de cette cohorte de l’ENC.

La fondatrice de Cas Public s’était déjà inspirée des Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach pour créer sa pièce Gold. Cette fois, elle a choisi le thème de la fugue, qui sied si bien aux artistes de cirque, pour chorégraphier les folles envolées de ce groupe d’interprètes. En se fondant sur l’œuvre inachevée du compositeur allemand.

Rarement a-t-on vu une mise en scène aussi cohérente, même si on aurait parfois aimé que la musique de Bach soit relayée par des riffs de guitare pour créer de petites collisions avec cet univers musical contrôlé. Mais Hélène Blackburn est allée au bout de cette piste-là, enrobant de Bach tous les tableaux.

La chorégraphe parvient à créer une imagerie très forte, avec entre autres ces petites chaises de différents formats qui servent à la fois d’objets scéniques et d’accessoires aux artistes de cirque. Une très belle recherche scénographique, en parfaite harmonie avec la musique, que l’on apprécie notamment dans les transitions entre les numéros.

ET LES INTERPRÈTES

Parlons des interprètes. Ils ont beau être au sommet de leur forme, on leur demande quand même de réinventer (un peu) leur discipline, ce qui n’est pas une mince tâche. Un défi que quelques-uns des 13 finissants en vedette dans L’art de la fugue ont réussi à relever.

Ce groupe-là s’est clairement distingué par son inventivité.

Le numéro d’ouverture donne le ton. Au lieu des acrobaties classiques exécutées au mât chinois, Baptiste Clerc se hisse en traînant un petit fauteuil et en tenant une ampoule qui monte ou qui descend. On est loin des prouesses des Will Underwood et Héloïse Bourgeois de ce monde, mais son numéro capte notre attention.

Idem pour le charismatique Charlie Mach, qui a créé un numéro de chaise acrobatique tout à fait original. Ou encore du jeune « viking » Eivind Overland, qui a conçu un numéro de trapèze extrêmement divertissant. En voilà un qui a le sens du spectacle et qui ne tardera pas à se faire recruter…

Dans une scène magnifique, les interprètes, épaulés par des élèves de deuxième année, forment une dizaine de colonnes à deux pendant que d’autres chantent a capella. Dans une autre scène, quatre acrobates font des figures d’équilibre en s’appuyant sur ces chaises miniatures. Chaque fois, la cohésion du groupe est constante.

Mention spéciale au jeune clown Aaron Marquise, qui a travaillé fort pour faire participer le public un peu amorphe… Son explosion de joie après avoir donné son « premier baiser » a fait son effet. Autre moment fort : le numéro de Korri Singh Aulakh au trapèze ballant, gracile dans les airs autant que dans ses acrobaties au sol.

Enfin, le numéro de corde lisse d’Ezra Weill est sûrement l’exemple de la « fugue » parfaite, le jeune artiste nouant et dénouant sa corde avec adresse dans son ascension tout en jonglant avec son chapeau. Une fugue acrobatique qui s’exprime par un besoin irrépressible de liberté. On aime beaucoup.

À la TOHU jusqu’au 7 juin, en alternance avec le spectacle Les étinceleurs

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